Le bien-être au travail en 10 questions -Paradoxe, leurre ou nouveau contrat social ?
Question 6/10 – Qu’est-ce que le bien-être en équipe et comment l’évaluer pour le développer?
Dans les articles précédents (questions 1, 2, 3 4 et 5), je constatais que si le bien-être était lié à nos conditions matérielles, c’était aussi un état psychique, voire une philosophie. Je discutais ensuite de l’intérêt pour une entreprise de le promouvoir, dans des contextes parfois défavorables. Pourtant beaucoup d’organisations font aujourd’hui le pari que la « qualité de vie » et le « bien-être » sont devenus des leviers incontournables de performance « durable »… Mais « qualité de vie » ou « bien-être au travail » est-ce la même chose ? Le « bien-être » apparait davantage centré sur la personne, la capacité à préserver ses équilibres pour se sentir bien au travail … La « qualité de vie au travail », elle, implique davantage de facteurs objectifs, comme les conditions de travail. Pour moi, bien-être et qualité de vie au travail ne s’opposent pas. Ils s’appuient tous deux sur la restauration de la confiance et de la responsabilité partagés. Pour faire progresser le bien-être au travail, il est indispensable de pouvoir évaluer la situation de départ et de mesurer les progrès. Les 7 besoins psychologiques (sens, reconnaissance, cadre, partage, réconfort, réparation, sécurité…) sont pour moi les rubriques clés du nouveau « compte de résultat » du bien être au travail ! Le bien-être relationnel est lui lié à 4 critères clés : la confiance en l’autre, la reconnaissance reçue, l’empathie et enfin, les valeurs partagées. Mais il ne peut pas y avoir de bien-être relationnel, sans bien-être personnel. Le développement du bien-être au travail suit ce chemin vertueux de l’écoute de soi vers l’écoute des autres, à la base du bien-être relationnel.
Le bien-être en équipe, est-ce bien différent ? Quels sont les facteurs qui vont nous permettre de le mesurer et de le développer ?
Mais qu’est-ce qu’une équipe ? Les managers cherchent à développer la cohésion de leur équipe. Est-ce bien différent du « bien-être en équipe » ? Une équipe soudée est-elle synonyme de bien-être ?
Une équipe répond à des mécanismes de fonctionnement spécifiques dont vont dépendre sa cohésion. Elle doit notamment avoir un leader reconnu, un but commun, un cadre clair qui délimite les rôles et responsabilités de chacun. La cohésion d’une équipe dépendra aussi de facteurs dits « subjectifs », comme la qualité des relations ou la confiance.
Le bien-être ensemble ou en équipe renvoie pour moi à 3 autres critères : l’appartenance, la solidarité et l’énergie du collectif.
1.Mon équipe (appartenance) : Comment l’équipe contribue-t-elle à mon identité sociale et professionnelle ?
Au travail, l’équipe correspond au premier niveau de l’appartenance sociale et professionnelle : mon équipe, mon service, mon entreprise, mon secteur d’activité ; mon activité, mon métier, ma mission (complémentaire des autres)….
L’équipe est un maillon ou un échelon de notre identité sociale et professionnelle … Je suis bien dans mon équipe, si mon identité est respectée, notamment, si je peux retrouver dans l’équipe suffisamment de cohérence avec mes valeurs.
2.L’équipe solidaire : Comment l’équipe constitue-t-elle un lieu de protection, contre le mal-être, ou les facteurs de risque ?
Le lien et la solidarité sociale jouent un rôle fort de protection, contre la souffrance au travail et les risques psychosociaux. La qualité de ce lien permettra à des personnes en difficulté de passer un cap ou de mieux gérer une situation difficile : « heureusement qu’il y a les collègues et l’équipe en ce moment »… Ainsi je suis bien dans mon équipe, si je me sens soutenu face aux difficultés du travail, si la coopération et la solidarité supplantent l’individualisme.
3. L’équipe ressource : comment l’équipe devient-elle une source d’énergie
Je suis bien dans mon équipe si je peux y « recharger les batteries ». C’est d’autant plus vrai dans certains métiers exposés émotionnellement, comme aux relations clients. Notre énergie et nos équilibres dépendent ne l’oublions pas, de nos 7 besoins, énergétiques (sens, reconnaissance, dans un cadre clair) et émotionnels.
Un lieu ressource et de bien-être est aussi un lieu d’écoute et de régulation. On se croise dans les couloirs d’un bonjour poli mais pressé, ou, prenons-nous le temps de nous écouter, en bilatéral et en équipe ? Comment nos réunions sont-elles organisées ? Laissent-elles de la place aux partages des ressentis, au débriefing? Ou, « on n’a pas le temps, pas d’état d’âme » ! L’équipe ressource doit permettre à chacun de poser ses craintes, pour favoriser l’émergence de nouvelles motivations et re-booster les énergies.
Ces trois critères - appartenance, solidarité, énergie- vont faire que chacun se sentira plus ou moins bien dans son équipe. Ils signent aussi le degré de maturité de l’équipe. Une équipe ne peut exister sans identité. Avec son identité, la solidarité la rendra plus forte. Pour la bonne gestion de son énergie, et atteindre un certain bien-être, elle doit devenir un véritable « lieu ressource ».
Les équipes sous stress
Les équipes aujourd’hui sont souvent mal menées. Les 5 principaux facteurs de risques que j’observe sont : les changements, la pression sur les délais, le manque de moment de partage, le mode de management et l’individualisation des salaires.
- les changements fragilisent les équipes : turn-over des équipiers, changements de leaders, etc. C’est le cas notamment lors des fusions ou des réorganisations.
- la pression sur les délais laisse moins de temps à l’écoute, facteur essentiel de cohésion. La pression sur les résultats appauvrit l’équipe en échange de signes de reconnaissances, autre facteur clé de coopération
- la diminution, pour des raisons budgétaire, des moments de partages et des rituels d’équipe (repas, pots, célébrations, séminaires, team building…) bloque certains processus de gestion des émotions au travail. Le processus du deuil est freiné par l’absence de rituels, comme les pots de départ, par exemple.
- un management gestionnaire trop centré financier ne laisse pas de place au partage des ressentis. Beaucoup de manager aujourd’hui confondent « débriefing » des ressentis et reporting des résultats. L’optimisation des temps de réunion et le management à distance renforcent cette tendance désastreuse pour le bien-être ensemble.
- Enfin, l’individualisation salariale nuit fortement à l’esprit d’équipe et à la coopération.
Comment évaluer le bien-être en équipe et le faire progresser ?
Comme dans toute démarche de prévention des risques psychosociaux, le premier travail d’évaluation est d’identifier dans ces 5 domaines, les facteurs de risques et leur importance. Il s’agira ensuite de les éliminer ou de les limiter au mieux.
Dans les audits humains que je conduis, je cumule les 3 séries de facteurs qui fondent le bien-être au travail : les 7 besoins clés du bien-être personnel, les 4 critères relationnels (confiance, reconnaissance reçue, l’empathie, les valeurs partagées) et les 3 critères que nous avons définis pour qualifier la maturité d’une équipe : l’appartenance, la qualité du lien (solidarité, coopération…), et l’énergie d’équipe, associé au degré d’ouverture et de confiance mutuelle.
Ces 10 critères peuvent facilement donner lieu, grâce à quelques questions simples, à une auto-évaluation et à la définition d’un plan d’améliorations.
En guise de conclusion, au delà de la cohésion, facteur puissant de protection, le bien-être en équipe requiert pour sa part, un niveau élevé de maturité managériale pour faire de l’équipe un « lieu ressource », d’écoute, de partage, dans l’ouverture et la confiance réciproque. Ils permettront à chacun d’accroître son bien-être, pour favoriser l’efficacité collective au travail.
Comment développer son bien-être personnel ? Cela nécessite-t-il nécessairement un travail sur soi ? L’intelligence émotionnelle est-elle un facteur de bien-être personnel ou relationnel ? En quoi l’intelligence émotionnelle joue-t-elle sur le bien-être en équipe ?
Retrouvons-nous prochainement pour échanger sur ces nouvelles questions !