Le développement personnel du manager passe par le développement de son intelligence identitaire, autrement dit « l’intelligence du sens »… Dans l’entreprise, nos grands changements sont aussi et avant tout aujourd’hui « identitaires ». Face à la poussée gestionnaire, c’est bien là qu’il s’agit de les accompagner. C’est aussi une des voies pour développer l’écologie managériale et mieux concilier qualité de vie au travail et performance durable…
L’identité est une question qui a toujours interrogé l’homme : « qui suis-je », pour moi et pour l’autre.
Si nous possédons un grand nombre de fonctionnements communs avec les mammifères, comme nos instincts et nos émotions primaires, nous nous distinguons d’eux par la conscience de notre identité. Dans l’évolution des espèces, le « qui suis-je » marque pour ainsi dire la « naissance » de l’homme, par l’apparition de la conscience et du besoin de sens. Et cette conscience nous ouvre aussi à celle notre mortalité et à nos peurs existentielles. Si « je suis », c’est aussi qu’un jour « je ne serai plus », que je suis éphémère, une simple parcelle d’énergie, une poignée d’atomes, une poussière d’étoile … La question de l’identité nous conduit ainsi de la défense de notre ego, vers des niveaux de conscience plus élevés, que JUNG, conceptualisa dans la notion de « Soi ». Et oui, la connaissance de ce « Soi » et différente de la connaissance du « Moi ». Elle nous entraîne vers la conscience spirituelle : « je suis » une partie d’un tout, je suis un élément du « tao », une parcelle de la grande chaîne du vivant, un petit bout de notre infiniment grand, avec ou sans « dieu » …
L’identité est aussi la question de l’alignement ou de la cohérence personnelle. Ce que je fais, est-il aligné avec ce que je suis ? Suis-je en accord avec moi-même ? Suis-je aligné avec mes valeurs ? Y a-t-il une cohérence entre « ce que je suis », « ce à quoi je crois », « ce que je dis » et « ce que je fais » ? L’alignement avec nos valeurs nous renvoie à la relation à notre système moral et à notre éthique. Cela nous pose aussi à la question de notre leadership personnel. La force du leader dépendra pour beaucoup en effet de son niveau de cohérence avec ses valeurs et ses convictions.
Notre identité croisera aussi, dans l’évolution de l’homme, la question de notre territoire. Territoire matériel (ma maison, ma voiture, mes biens, mes clients…), affectif (mon conjoint, mes enfants, mes copains…), territoire aussi identitaire, avec nos valeurs, nos croyances, nos idées… Notre « territoire » émane de notre identité. Nous savons que c’est notre colère qui nous permettra – comme tous les mammifères que nous sommes – de le défendre et de nous protéger.
Dernière question, celle de l’origine et du développement de l’identité. Ce que je fais est-il lié à ce que je suis ? C’est-à-dire que mon identité, ce que je suis, détermine-t-il mes comportements, et pour tout ou partie, ou inversement ? L’identité évolue-t-elle dans le temps, ou est-elle prédéterminée, pour tout ou partie ? L’identité est-elle immuable ou en permanente reconstruction ? C’est aussi la question des automatismes identitaires que sont nos « drivers », nos croyances et, avant cela, notre « scénario de vie » et leurs racines transgénérationnelles…
Le développement personnel dans ce domaine, c’est la prise de conscience de nos niveaux d’identité. Et son plus grand bénéfice n’est-il pas de nous redonner une plus grande latitude d’action, sortir de notre « destin », en nous projetant consciemment par exemple dans un « projet de vie » ou une « vision personnelle ».
Et dans les organisations, la conscience identitaire n’aide-t-elle pas aussi le manager à être plus puissant et équilibré ?
Comme nous l’avons souvent évoqué, la mutation que nous vivons crée une crise avant tout identitaire et donc de sens. Nos équilibres tant personnels que collectifs sont très dépendants de la cohérence de nos identités.
Au plan individuel, une personne à l’identité fragilisée souffrira davantage de mal-être au travail, entrera plus facilement en stress ou se désengagera. L’incohérence identitaire par exemple entre nos valeurs et les exigences de notre organisation provoquera a minima notre retrait, voire différentes formes de souffrance au travail. Elle pourra, dans certains cas graves aller jusqu’au suicide. Ne dit-on pas au bord du gouffre, que « sa vie n’a plus de sens » ?
Chaque organisation dispose aussi d’une identité, née de ses fondateurs et qui va se traduire dans une culture. Sa « mission métier » (ou « vocation») est en centre de son identité. Elle doit donc rester le plus possible en cohérence avec son système de valeurs, autre élément structurant de sa culture. Le risque si non n’est-il pas aussi pour une organisation, de perdre son âme ?
Une entreprise qui a perdue ainsi son identité ou sa culture, par exemple suite à de trop nombreuses fusions, provoquera l’affaiblissement du lien social, donc moins de coopération, du désengagement, ou si le marché de l’emploi le permet, un fort turn-over, avec le risque de la perte de ses compétences clés.
Il faudra être très vigilant à bien accompagner ce niveau d’évolution. La transformation managériale nécessitera inévitablement des actions de « développement identitaire » des managers, plus que de leurs compétences stricto sensu. En effet, une personne ne pourra jamais agir avec efficacité si ses moteurs identitaires, des valeurs ou encore de sa « vocation métier », ne sont pas au rendez-vous.
« Nous » ne pouvons également coopérer si notre identité collective est trop affaiblie ou incohérente. Les valeurs sont, comme nous le savons, « ce qui vaut pour un collectif ». C’est le driver inconscient le plus puissant du lien social. Il est aussi à l’origine de nombreux séismes géopolitiques et de beaucoup des conflits qui ensanglantent la planète.
Arriver à mieux piloter la transformation identitaire et culturelle de nos organisations nécessitera une connaissance et un niveau de conscience élevé de ses dirigeants et du management, que seules peuvent apporter la psychologie et le développement personnel. Or, aujourd’hui, la plupart des managers et dirigeants que je côtoie sont encore peu au fait de ces nouvelles clés. Dans les époques chaotiques que nous traversons, mieux connaitre ces mécanismes et ces techniques, n’est-il pas pourtant devenu indispensable à la performance ?
Mais comment faire ?
Il s’agira ici comme avec l’intelligence des émotions, de développer ce que j’appelle l’intelligence du sens (IS). Les mécanismes identitaires sont des ressorts parfois plus inconscients que nos émotions primaires et tout aussi puissants. Il nous faut donc absolument mieux les comprendre pour mieux les dompter et les intégrer au leadership des managers ou à l’accompagnement des changements.
Les 4 étapes de développement
La suite dans mon prochain livre … »Transformer l’homme pour transformer le management » …