19/07/13

De la crise éthique au changement par le sens (suite, partie 5)

Suite de l’article publié dans l’Expansion Management Review, rédigée par Pierre-Marie Burgat (juin 2012, 10 p.) : « de la crise éthique au changement par le sens »; N°145 :  Impasses et défis du management.

Lire les précédents extraits :   »Ethique et entreprise : des premières incitations réglementaires à la quête des nouveaux consommateurs »; « L’éthique commence par soi-même »  »De quelle crise parlons nous » ?   »Mettre l’homme et l’éthique au centre » Quels changements voulons nous ?

L’éthique pour sortir de l’ego et nous ouvrir à l’unité ?

« Et pour la première fois dans l’histoire du monde l’argent est maître sans limitation ni mesure. Pour la première fois dans l’histoire du monde l’argent est seul en face de l’esprit  »…. [1]

De nombreux intellectuels prédisent ou espèrent un XXIème siècle plus ouvert à la dimension spirituelle.

Et si la spiritualité, nous permettait de sortir des vaines quêtes matérialistes toujours insatisfaites … Et si le bonheur, notre réalisation et notre sérénité étaient ailleurs que dans la quête sans conscience de nos besoins ?

Peut-être y a- t-il en fait aujourd’hui de moins en moins de « citoyens consommateurs »  pour penser  avec ce célèbre publiciste, que pour se montrer accompli à 50 ans, « il faut avoir pu acheter une Rolex »[2]! Le culte de l’objet (et de l’Ego) comme seul moyen de reconnaissance sociale et d’accomplissement signe les dérives narcissiques de notre société matérialiste et individualiste.

D’après un récent sondage[3], pas moins de 88% de français pensent que « la crise est l’occasion de changer nos modes de consommation », voire de consommer autrement. Et qu’est ce que consommer autrement, sinon moins et plus « juste » ?

A l’autre extrémité du matérialisme, il y a la conscience … et derrière l’Ego – comme l’a modélisé Carl Gustave Jung il y a plus d’un siècle,  il y a le Soi, et son ouverture vers le spirituel.

Nous associons trop souvent la spiritualité à la religion. La spiritualité est plus simplement liée au dépassement de cet Ego aliénant, par  l’élargissement de notre champ de conscience, nous ouvrant au sentiment d’appartenance à l’Humanité une, à la nature et au cosmos[4].  C’est aussi le chemin d’une certaine transcendance qui nous éloigne de ce fameux culte de l’objet, de la possession stérile et de la consommation.

N’est-ce pas cela dont il s’agit aussi dans la globalisation ? Si les échanges de biens ou d’informations deviennent planétaires, la conscience morale ne doit-elle pas devenir aussi planétaire ? Ne sommes nous pas tous citoyens du monde, tous unis par les mêmes archétypes spirituels et le besoin de protection de notre planète ? Le ciel n’a pas de frontières et nous respirons le même air…

Si nous souhaitons pour beaucoup consommer autrement, sortir du matérialisme et de la surconsommation n’est ce pas en nous ouvrant à d’autres cultes que celui de  l’objet ?

Et cette prise de conscience exprimée par une majorité de « citoyens-consommateurs » de « changer nos mode de consommation », ne marque-t-elle pas l’entrée tant annoncée dans l’ère postindustrielle [5]?  Et ne va-t-elle pas bientôt bouleverser le paysage de nos entreprises et bien au-delà de ce qu’annonce notre crise dite « financière » ?

Pour le philosophe André Le Compte Sponville, la « spiritualité sans dieu »[6] sur laquelle s’ouvre le XXIème siècle, c’est aussi rentrer davantage en cohérence avec les valeurs universelles véhiculées par nos traditions spirituelles. C’est autrement dit développer la fidélité à ses valeurs et son alignement. Plus de cohérence entre les valeurs qui m’ont fondé et aussi ma civilisation, mon action, mes comportements au quotidien, comme par exemple, ma « consommation » …

Sommes-nous si loin, dans cette spiritualité là des besoins de « l’entreprise du futur » et de sa responsabilité sociétale ?

Sommes-nous si loin dans cette spiritualité là, de notre désir personnel de retrouver un lien avec l’énergie et la chaine du vivant, de retrouver du sens à nos propres contributions et de construire ensemble nos nouvelles « cathédrales » ?

« Le changement global ne commence t-il pas toujours par le changement personnel »[7] et ses propres engagements ?  Et ne sommes nous pas déjà tous en route ?

L’utopie et l’idéal ont ceci de puissant que, comme l’éthique, ils guident nos choix et orientent nos vies.

Chaque geste compte dans l’intention éthique et dans un changement holomorphique, le système en mouvement nous le renverra au centuple …

Le monde de demain nous appartient et je nous fais confiance.

Notre révolution est entre nos mains !

Pierre-Marie


[1] Charles PEGUY- Note conjointe sur M. Descartes (1914)

[2] Parole du publiciste Jacques Séguéla  très souvent tournée en dérision dans les médiats: «une Rolex, enfin ! tout le monde a une Rolex ! Si à 50 ans on n’a pas une Rolex on a quand même raté sa vie ! »

 

[4]Alain Setton – Gagner sa vie sans perdre son âme – Presse renaissance -2011 ;  Interview de Robert Kulling, pour la SF coach- Mars 2012.

[5] Vincent LENHARDT. Les responsables porteurs de sens – Insep Editions, 2001

[6]  André COMTE-SPONVILLE. – La spiritualité sans dieu – Frémeaux & Associés – 2008

[7] Dali Lama.

26/06/13

De la crise éthique au changement par le sens (suite, partie 5)

Suite de l’article publié dans l’Expansion Management Review, rédigée par Pierre-Marie Burgat (juin 2012, 10 p.) : « de la crise éthique au changement par le sens »; N°145 :  Impasses et défis du management.

Lire les précédents extraits ?   »Ethique et entreprise : des premières incitations réglementaires à la quête des nouveaux consommateurs »; « L’éthique commence par soi-même »  »De quelle crise parlons nous » ?   »Mettre l’homme et l’éthique au centre »

QUELS CHANGEMENT VOULONS-NOUS ?

Toujours plus de profits ou plus de rentabilité, des organisations éclatent, fusionnent, des usines ferment pour s’installer quelques milliers de km plus loin, avec évidemment les cortèges de violence, de drames et de souffrances humaines qui en résultent… Le monde change trop vite. Dès lors, la question qui se pose à tous les responsables – dirigeants, managers ou accompagnants – est la suivante : si nous ne pouvons-pas arrêter le train du changement en marche, comment l’accompagner « autrement », pour moins de violence et de souffrance ?

A un second niveau, quel autre changement de fond faut-il impulser pour en finir avec ce changement là ?

Accompagner le changement autrement

Les principes d’accompagnement du changement humain sont bien connus mais peu appliqués. Nous savons tous que le changement « se conduit » au niveau rationnel de l’organisation et qu’il devrait plutôt être « accompagné », et à un autre rythme plus « écologique », aux plans humain, social et culturel. Cependant, nous savons tous aussi que ces principes ne sont que peu suivis, souvent prisonniers que nous sommes de l’urgence et des pressions de l’organisation.  De nombreuses études montrent pourtant que la très grande majorité des échecs des transformations – avec des impacts financiers considérables – sont liés à une carence d’accompagnement à ces niveaux dits « subjectifs » [1].

Accompagner le changement autrement, de manière plus éthique, n’est-ce pas déjà tout simplement questionner en tant que manager sa propre éthique et son alignement, dans le respect de ces principes fondamentaux ? Est-ce que je prends le temps d’associer les acteurs ? Est-ce que j’intègre l’histoire, nos « missions»… pour reconstruire une nouvelle vision partagée qui s’ancre dans nos valeurs … ? Ou est ce que je pars tête baissée vers les objectifs financiers que je décline aveuglément et en me réfugiant dans l’action  …

Il n’y pas dans cette logique, ni nouveauté, ni solution idéale, mais avant tout et dans l’humilité, de meilleurs compromis à trouver en conscience, entre le respect de l’humain et les contraintes économiques.

Accompagner l’autre changement

Mais quel est le vrai changement auquel nous aspirons ?

Le « vrai changement », n’est-il pas celui qui va permettre non pas de donner plus de sens à la même réalité inacceptable, mais bien de « manager par le sens »[2] et donc par l’éthique et les valeurs. C’est, autrement dit, de replacer la performance économique et financière comme une résultante et non comme un but.

Quelle ambition éthique et  sociétale pour mon entreprise ?  Quelles valeurs servir et quels moyens mettre en œuvre  pour réussir dans mon métier avec ces valeurs ?

Cette orientation est loin d’être utopique. A un moment où le monde et notre civilisation vacillent, où autrement dit, notre système cherche de nouveaux équilibres, l’ambition éthique est un vrai levier d’engagement et donc de « performance autrement ».

Elle demande simplement, à chaque dirigeant, à chaque manager ou à chaque « accompagnant », de prendre ses responsabilités. Elle demande aussi, de l’autre coté, de faire notre « marché éthique » au quotidien, autrement dit de changer notre mode de consommation. L’un ne va pas sans l’autre.

Promouvoir le changement holomorphique 

« La partie est dans le tout et le tout est dans la partie » … Il est connu au travers de ce principe que le changement dans son périmètre d’influence peut faire évoluer le système qui vous le renvoie alors. Changer de type d’épargne banque par exemple et il y aura alors demain de plus en plus de fonds et de banques éthiques ! Il n’y a donc pas, dans cet esprit, de responsabilités ni de changements mineurs, tant par le nombre de personnes que par l’ampleur du changement initié.

Le changement holomorphique, c’est aussi « ici et maintenant ». Il a déjà commencé avec vous qui lisez ces lignes. Chaque prise de conscience compte et chacun peut par ses petits gestes nourrir le changement au bon endroit.

S’il n’est pas possible de changer le monde …, il est toujours possible de le changer « un homme à la fois » et en commençant par soi même ! Il est aussi possible de sortir de la passivité et d’avancer dans son périmètre d’influence et nous en avons tous un !

Il faut aussi sortir de l’idée que le changement vient « d’en haut » ou qu’il doit être « global » pour réussir. Il commence encore une fois toujours par soi et nous en sommes donc tous responsables.

De même que l’acte d’achat a un pouvoir d’influence fort s’il est orienté communément, tout comportement volontaire dans l’entreprise influence aussi le système dans lequel il se situe qui le lui renvoie ensuite.

Un exemple peut être celui de cette unité de production d’un grand spécialiste mondial de la gestion d’énergie. Pour conduire un changement profond de stratégie et de vision, la direction a préféré promouvoir une démarche d’intelligence collective, plutôt qu’un processus de sélection. En accordant sa confiance à tous ses managers, pour conduire ses transformations, par la promotion de la connaissance de soi de l’intelligence émotionnelle au service de la coopération, elle a permis le succès de ces changements[3]. Cette initiative a ensuite été dupliquée en transversal. Sur la base du volontariat, plus de cent autres managers ont depuis participé à propager ces valeurs et cet état d’esprit[4] au sein du Groupe.

C’est aussi, par ailleurs l’idée de la contagion positive par des comportements éthiques, comme la coopération, la solidarité, la reconnaissance, le partage ou encore la bienveillance. Le système vous le renverra aussi, alors n’hésitez pas …, il n’y pas d’over doses, juste une peu d’authenticité ! De nombreux accompagnants coachs ont pu en faire l’expérience dans la conduite de leurs missions.

La prochaine fois mi-juillet

L’éthique pour sortir de l’ego et nous ouvrir à l’unité ?

« Et pour la première fois dans l’histoire du monde l’argent est maître sans limitation ni mesure. Pour la première fois dans l’histoire du monde l’argent est seul en face de l’esprit  »…. [5]

 


[1]  Gartner Group study “50% of projects do not achieve their stated goals. Furthermore, if we take the time factor into account, the failure rate rises to 80 %”

[2] Manager par le sens – David Autissier – Editions Eyrolles 2010.

[3] SCHNEIDER ELECTRIC PEC – Dispositif leadership – « Les nouveaux leaders- © »

[4] Formations « Practice leadership »- les nouveaux leaders vers la performance autrement.

[5] Charles PEGUY- Note conjointe sur M. Descartes (1914)

 

25/05/13

Le leadership en 20 questions (suite)

Question 5 : quels impacts concrets du besoin de sens au niveau de l’entreprise et de son management ?

Suite des 4 questions précédentes : « la différence entre un leader et un manager » et « quelle définition donner du leader et du leadership ».; « on met le leadership à toutes les sauces » ! N’est-ce pas aujourd’hui aussi un phénomène de mode ? Pourquoi ce besoin de sens est-il si important ?

Il est important de comprendre que ce besoin de sens va peser directement sur le rôle et la posture du « manager leader » dans nos organisations.

Notre besoin de vision et de guidance traverse en effet tous ces niveaux d’enjeux, de l’économique global aux enjeux personnels, en passant par les enjeux de productivité, auxquels doit aussi savoir évidement répondre un manager de terrain …

Plus les niveaux de sens supérieurs sont menacés (le sens ou le non-sens de l’évolution du monde par exemple), plus les niveaux de sens de proximité - mon entreprise, ma sphère  professionnelle, ma production, mon management … – vont avoir un rôle clé à jouer dans les équilibres personnels et la « performance »finale … C’est le principe de l’équilibre identitaire, obtenu s’il y a cohérence et complémentarité entre les niveaux de sens.

Aujourd’hui, au niveau des enjeux globaux,   la perception dominante est que le monde « marche sur la tête » (ou sans gouvernance en dehors des marchés), tiré de manière aveugle et suicidaire par la seule loi des marchés financiers et des intérêts des grandes puissances dominantes.

La société de consommation, la croissance à tout prix, tout comme l’idéologie scientiste à son service (il faut acheter le dernier écran plat,  sinon comment exister ?) ne font plus suffisamment sens pour une part de plus en plus grande de la population. La chute de la consommation en est aussi l’illustration. En dehors des réelles chutes de revenus, le  réflexe « je consomme  pour faire marcher l’économie et l’emploi » ne fonctionne plus. Il est souvent remplacé chez le nouveau consommateur, par le réflexe  « je consomme moins et à quoi bon ? Ça économise les ressources de la planète (et les miennes !) ».

A son niveau,  l’entreprise ne donne plus envie aux nouvelles générations de s’y engager, notamment dans les pays occidentaux développés. « je ne suis pas ici que pour faire du pognon et pour l’actionnaire ».

S’il pose et repose l’éternelle question de la participation, la question aujourd’hui du sens et de « manager par le sens » est cruciale pour réussir à imposer un nouveau mode de gouvernance et de management qui puisse contribuer à la pérennité de nos organisations, tout en prenant le délicat virage de la croissance durable… ou de la décroissance.

Comment faciliter la performance opérationnelle,  si non en redonnant du sens au rôle de l’entreprise dans la société (l’entreprise citoyenne, la RSE…) et au travail comme une contribution utile …, en renforçant les identités professionnelles aujourd’hui à la déroute, enfin, en développant des leaders conscients de ces enjeux … pour faire évoluer l’entreprise en ce sens ?

Comment restaurer une certaine morale sociale et managériale, en retrouvant la cohérence de l’économique et du  financier, de la production, de la performance avec le respect de nos ressources naturelles et de homme …? Comment manager aussi avec l’éthique moderne et les valeurs, et nous en discuterons plus tard, avec peut-être une forme de spiritualité laïque en management, en tout cas un leadership moins égotique, qui s’élève au dessus des jeux de pouvoir mortifères, pour poursuivre avec humilité notre contribution à la grande chaine du vivant.

Dans cet esprit, le rôle du « nouveau leader » est fondamental. Il incarne et porte les valeurs de bases universelles dont se sont détournés l’entreprise et le monde, depuis sa dérive du capitalisme ultra-libéral de ces 50 dernières années. Ce sont celles aussi portées par le Développement Durable … (enfin quand il n’est pas détourné de son esprit)

C’est aussi simplement ça l’écologie managériale ! Respecter les grands équilibre de l’homme et du vivant…

Question suivante (dans 15j) : Pourquoi les entreprises d’aujourd’hui ont –elles plus qu’avant besoin de « managers leaders » ?

 

20/05/13

L’éthique pour guérir le monde ?

La prise de conscience de l’importance de l’éthique et des valeurs dans le fonctionnement social et la gouvernance mondiale semble cheminer dans la conscience collective … plus vite que le système et les médiats qui le soutiennent encore aveuglément.

Après les  grandes entreprises qui se dotent d’une fonction ou suivent des normes éthiques, la multiplication des cabinets de conseils et d’homologation, la montée en puissance de la Responsabilité Sociétale (RSE) … l’école française va enseigner l’éthique et les valeurs à nos enfants. Rien de révolutionnaire certes (la morale c’est vieux comme le Monde et oui, justement …), sinon le constat d’un manque de plus en plus grave pour sortir d’une crise que certains disent « économique ». Peut-être est-ce un bon début pour les prochaines générations, mais ça ne traitera pas les dérives hallucinantes de notre « modernité », comme l’exemplarité consternante des classes politiques toutes orientations confondues  !

C’est vrai qu’au delà, notre monde tiré par un capitalisme sans foie ni loi conduit notre planète vers sa perte et un désastre écologique à plus court terme qu’on l’imaginait, sans qu’aucun pouvoir politique n’arrive à le contrer. Malgré les cris d’alarme des  plus grands climatologues du monde, rien ne bouge ou presque … et par ailleurs, on continue de plus belle à exploiter jusqu’au bout les ressources de notre planète, avec l’hérésie du gaz de schiste, par exemple. Consternant aveuglement égocentrique !

Pour poursuivre le débat et trouver comment sortir de cette impasse , je vous propose de visionner l’excellente conférence de l’écrivain et philosophe Frédéric Lenoir, rédacteur en chef du Monde des religions.

Il échange autour de ses derniers livres. Dans un premier temps « l’Âme du monde »(comment peut-on construire son propre bonheur … et celui des autres ? ) et surtout par la suite, autour des  mutations que nous traversons, les niveaux de crises et in fine, comment «guérir le monde » (son dernier ouvrage).

Puis vous pourrez poursuivre ce débat par le partage de la suite de l’article que j’ai publié en mai dernier dans « l’Expansion Management Review » – n° Impasse et défis du management – « de la crise éthique au changement par le sens ». (partie 3/ sur 4)

Vous verrez que nous partageons beaucoup d’idées et de convictions communes et que nous nous référons in fine tous deux à la même sagesse de Gandhi pour nous encourager à davantage de cohérence : « soit le changement que tu veux voir dans le monde ».

La conférence de Frédéric Lenoir avec l’INREES

L’extrait n° 3 de l’article publié en mai dernier dans « l’Expansion Management Review »  : « Impasse et défis du management : de la crise éthique au changement par le sens ». 

Partie 3 – METTRE L’HOMME ET L’ETHIQUE AU CENTRE 

Que pouvons-nous faire aujourd’hui dans notre rôle social, à notre place de chef d’entreprise, responsable des ressources humaines, de manager ou encore « d’accompagnant du changement » ? Comment trouver un meilleur alignement, une meilleure « conscience morale », mieux nous accomplir dans nos missions, nous qui sommes tous payés pour servir une performance, dont le coût social et écologique, nous laisse trop souvent un goût amer … ?

Comment promouvoir l’éthique comme une nouvelle guidance dans la complexité, pour redonner du sens à l’entreprise et trouver un nouvel engagement ?

Reprendre le chemin du leadership de soi

La passivité du citoyen dans sa plainte – « c’est ailleurs  que ça se passe » – se retrouve à tous les niveaux de responsabilité de l’entreprise. La complexité, les pressions, les paradoxes, l’isolement, la désinformation nous conduisent parfois au renoncement, à la passivité, au compromis, voire au désengagement.

Mais pour sortir d’une situation paradoxale ou complexe, faire un pas vers plus de cohérence et d’alignement, autrement dit, faire preuve de leadership, la seule issue n’est-elle pas à ce niveau aussi de prendre ses responsabilités ?

Certes le système est « mauvais », mais à l’intérieur de l’organisation, de quoi suis-je responsable ? Ai-je vraiment aucune marge de manœuvre pour changer et faire changer ?

Comment oser sortir de ma passivité pour confronter ce système, l’organisation, sa hiérarchie, voire les financiers ou mes actionnaires ?

Le devoir des leaders dans une organisation aussi normée soit-elle n’est-il pas de dépasser certaines injonctions paradoxales (« soit autonome dans la norme »), pour faire évoluer l’organisation et les décisions, si elles lui paraissent inadaptées ?

L’actualité fait bien évidement surtout écho des drames sociaux, mais il y a aussi de très nombreux exemples de managers qui ont su par leur leadership faire respecter les valeurs humanistes et éviter tout ou en grandes parties des plan sociaux qui auraient été nécessaires, dans une pure logique financière.

C’est le cas par exemple de cette grande entreprise du Transport dont les directeurs, malgré la crise du marché ont su mettre en place des mesures d’aménagement du temps de travail, pour préserver l’emploi en France[1]. Dans le même esprit, ce Groupe industriel a fait le choix de former au « leadership personnel » ses nouveaux managers. Un des principaux objectifs de ces formations est de développer la conscience et l’assertivité pour obtenir une performance le plus possible en cohérence avec les valeurs de l’entreprise.[2]

Comment porter, incarner et partager une vision éthique en entreprise ?

L’homme en entreprise a besoin de sens et de cohérence pour nourrir son énergie et s’accomplir.

De nombreuses études montrent la chute de l’engagement des managers dans l’entreprise.[3] Or les valeurs et l’éthique sont à la base de l’engagement. Dans un monde et une société civile en quête de sens, ce rôle de manager « porteur de sens et d’éthique » devient donc d’autant plus important.

La « vision » en management apparait comme le principal levier pour donner du sens aux contributions individuelles. Mais la plupart des visions d’entreprise sont, sur ce plan, totalement inefficaces. Elles se confondent en effet peu ou prou avec une ambition stratégique, traduite principalement en résultats financiers. « On est là pour faire du fric, ça on le sait de toute façon…, mais les managers n’ont plus la flamme, on n’a plus d’énergie » [4]

Or, comme l’exprime ce constat d’une DRH d’une grande firme informatique mondiale, si la vision veut jouer un rôle moteur suffisant, elle ne peut être limitée à une simple ambition financière. Une vision pour être efficace, doit d’une part pouvoir s’ancrer dans le passé et la culture (vocation, missions métiers, valeurs …), et, d’autre part, permettre à chacun de se projeter dans l’ambition future de l’organisation, dans son rôle sociétal, porté par une éthique.

C’est cette cohérence là,  entre la culture et l’action qui peut donner de la puissance à nos organisations, et de l’énergie à leurs leaders.

La question se pose avec encore plus d’acuité dans les grandes organisations publiques souvent portées par une culture et des valeurs fortes. C’est le cas par exemple de la sécurité sociale, dont les fondements éthiques de protection sociale sont menacés par la pression économique. Pour essayer de mieux gérer les dilemmes vécus par ses leaders et poursuivre un « management par le sens », l’Ecole Nationale de Sécurité Sociale [5] propose aujourd’hui plusieurs cursus à ses cadres dirigeants autour de l’éthique et des valeurs en management.

Retrouver une âme, le chemin de la cohérence, l’énergie et la puissance de l’alignement  

Dans le flux incessant des fusions acquisitions, ou des réorganisations les entreprises perdent très souvent leur identité et leur âme … C’est bien parce que « mon entreprise ne fait plus que du fric » et que je n’y retrouve plus mes valeurs, que ma vie professionnelle perd tout son sens, que je me désengage, jusqu’à parfois, avec la pression en plus, l’extrémité du suicide[6].

Beaucoup d’entreprises ont pris conscience de cette nécessité de revenir à la guidance par les valeurs.

Celles-ci restent cependant très souvent mal utilisées en management, voire largement perverties.

On voit fleurir ici ou là de nouvelles chartes de valeurs, mais elles ne sont la plupart du temps ni  ancrées dans la vocation initiale de l’entreprise (le sens), ni partagées, ni surtout suffisamment incarnées par le top management. Elles ont généralement comme principale vocation la normalisation des comportements, la promotion de la performance et le marketing client.

C’est le cas par exemple de beaucoup de grands pollueurs industriels, ou des stars de la malbouffe comme les fast-foods, qui communiquent abondamment sur leurs engagements éthiques dans le développement durable, le bio ou la diététique …

Cette utilisation trop marketing des valeurs leur font perdre toute crédibilité et utilité. Les consommateurs sont rarement dupes et, en interne, elles ne jouent pas leur rôle indispensable de ciment et de moteur culturel.

Peu d’entreprises agissent en fait au bon niveau, autrement dit au plan managérial, pour restaurer suffisamment de « cohérence » et donc de puissance, entre la vocation initiale, les valeurs identitaires de l’entreprise, ses fonctionnements internes,  l’action et les comportements au quotidien.

Cette société européenne, leader en France de la conception et distribution de produits d’alimentation biologique est à ce titre exemplaire[7]. Écoutant le signal d’alerte de ses managers (« on n’est pas là que pour le fric »… « on risque de perdre notre âme et nos valeurs …»), la Direction a su organiser un programme d’entreprise « ADN » destiné à mieux aligner l’image et les valeurs véhiculés par ses produits et ses fonctionnements internes (locaux, management, processus RH …).

Si l’entreprise par son organisation doit rechercher une meilleure cohérence entre sa culture, ses valeurs et son système d’action, in fine, il ne faut pas oublier que la réussite d’un management éthique passe, avant toute chose, par l’exemplarité et l’incarnation des valeurs à promouvoir par les responsables eux-mêmes.

L’éthique, étoile du berger plus que code moral de bonne conduite

Pour certains auteurs[8], l’éthique est souvent associée à la quête d’un idéal de vie et du bonheur[9]. Elle proposerait une route à suivre plus que le respect de règles moralistes de bonne conduite.

Le management éthique doit donc éviter d’enfermer les acteurs dans un nouveau code moral laïque. Il doit davantage inspirer nos comportements par les valeurs portées par ses leaders.

Enfin l’éthique pour jouer son rôle doit permettre de nous aider à répondre concrètement aux enjeux sociétaux du monde d’aujourd’hui.

Les nouvelles voies pour l’entreprise de l’éthique contemporaine

Mais quels sont ces enjeux ? Face à un monde menacé dans ses équilibres par sa croissance trop rapide, un des enjeux majeurs n’est-il pas aujourd’hui de sauvegarder l’avenir du monde?

Et pourtant. Notre planète « va dans le mur », mais la priorité, n’est plus l’écologie, mais la dette et le développement des marchés … L’aveuglement écologique actuel face au  dernier accident nucléaire au Japon n’en est-il pas un exemple sidérant ? Ce signal n’était-il pas suffisant ? Tout est donc prêt pour « le big bang ». Nous avons « l’arme », la gouvernance mondiale brille pas son incapacité à arbitrer et ni la morale, ni l’éthique ne jouent leur rôle de garde fou et de guidance pour veiller sur la planète terre.

Quelles que soient les fluctuations politiques en la matière, les enjeux de développement des entreprises ne peuvent donc aujourd’hui que s’inscrire dans le renforcement de leur Responsabilité Sociétale. Face à la faiblesse de la gouvernance mondiale, toute vision d’entreprise devrait donc intégrer ces enjeux éthiques[10]. Les entreprises ont tout à y gagner sur le long terme, pour une « performance durable » pourrait-on dire. Les grands groupes internationaux qui misent sur le développement durable peuvent jouer un rôle sur ce plan plus important qu’il n’y parait. Ils pourront à la fois s’imposer sur ces nouveaux marchés et contribuer peut-être par leur engagement à modéliser de nouveaux comportements économiques. Gageons que la compétition s’engage aussi sur ce terrain là !

Prochain extrait en juin : QUEL CHANGEMENT VOULONS-NOUS ?


[1] VOLVO Renault Trucks
[2] The Volvo Way., charte d’entreprise;  Dispositif  emerging leader -Start Up
[3] « Recherche engagement désespérément »; Etude de Muriel HUMBERTJEAN, DGA, TNS SOFRES.; Il existe de nombreuses études sur ce thème, liées aux audits des Risques Psycho Sociaux aux niveaux macro économique ou des grandes entreprises.
[4] RRH, entreprise internationale dans le secteur informatique. Janvier 2012
[5] EN3S – Cycles et rencontres  « manager par le sens- Ethiques, valeurs et management » -2011-2014
[6] Plan DARCOS du 9 octobre 2009, dit « plan France Télécom » et les mesures contre les Risques Psycho Sociaux
[7] DISTRIBORG (groupe Wessanen), leader francais de l’alimentation bio, avec la marque Bjorg. Dispositif Energie et équilibre dans le changement.
[8] « La distinction éthique, morale et déontologie. », in « l’éthique dans les entreprises, 2004 », Samuel Mercier, Col. Repères. Jean-Jacques WUNENBERG, Questions d’éthique, PUF, Premier Cycle, 1993; J. ROJOT, « Déontologie et gestion des ressources humaines », 1992, p. 118.
[9] Larousse. L’éthique est la « doctrine du bonheur des hommes et des moyens d’accès à cette fin »

 

 

 

16/04/13

Les dérives éthiques de notre système de santé et de certains laboratoires pharmaceutiques

Dans le prolongement du dossier que j’ai publié l’été dernier dans l’expansion management revue (« de la crise éthique au changement par le sens »), les dérives éthiques dans notre société font régulièrement la une de l’actualité…

C’est bien évidement le monde politique qui se mets en ce moment en vedette… mais aussi le monde de l’industrie pharmaceutique.

Deux événements m’ont donné envie de partager à nouveau ce thème avec vous.

La dernière conférence de Thierry Jansen à Lyon l’université de médecine, le 23 mars  sur le « défi positif » (voir la bibliographie dans l’onglet partage) et le film d’Arte « maladie à vendre », vidéo plus ancienne que m’a fait suivre une amie … atteinte d’un cancer et doublement révoltée…

Thierry Jansen dénonçait lors de sa conférence, comme beaucoup d’autres, la conception et l’utilisation douteuse du DSM (index des maladies et troubles psychiatriques) élaboré par des scientifiques employés par les laboratoires pharmaceutiques …

Il faut savoir à ce sujet qu’en France, la très grande majorité de la recherche est financée par les labos, comme la totalité de la formation post-universitaire ! Pas étonnant donc que le nombre de maladies soit passé, d’une version à l’autre, de quelques dizaines de troubles, à plus de 400 dans le DSM 4 !  A chaque « maladie » sa molécule, son médicament et son laboratoire. C’est vrai qu’il en faut pour tous le monde !

Voir à ce sujet ci-dessous, la courte vidéo instructive du médecin psychiatre Boris Cyrulnik : « De fausses maladies sont inventées ».

La mort des petits  laboratoires et des leaders engagés de la santé … vers le marketing et la spéculation

Depuis 30 ans les petits laboratoires portés par la vocation de familles dévouées à la cause de la santé, sont rachetés progressivement par les grandes firmes pharmaceutiques. Petit à petit la R & D est délaissée, au profit du marketing, du lobbying et de la spéculation, tous beaucoup plus profitables aujourd’hui que la recherche. Sans aller jusqu’au scandale sanitaire comme celui du médiator, la dérive est malheureusement générale, car systémique.

Le documentaire d’Arte ci-après est à ce sujet consternant.

Fautes d’inventer des médicaments nouveaux et puissants, pour les vraies maladies qui frappent toute l’humanité, comme par exemple le cancer…pour maintenir leurs ventes certains laboratoires pharmaceutiques inventent des maladies qui n’existent pas, à grand renfort de marketing  et de communication dite scientifique, pour produire des médicaments sans efficacité, ce qui na pas d’importance puisque ces maladies n’existent pas !
Ce film – auquel l’industrie a refusé de participer – démonte les mécanismes d’une médecine française totalement sous l’emprise du marché.

Vive les médecines douces et alternatives !

Mais que pouvons-nous faire ?

La bonne nouvelle … c’est que nous sommes tous responsables … et tous capables de faire arrêter ce système.

Ce n’est plus le politique qui aujourd’hui a la pouvoir mais l’information et le consommateur !

Nous disposons aujourd’hui avec une grande facilité de toute l’information nécessaire (sites des journaux médicaux, de données  médicales,  de consommateurs …)  pour endiguer ces pratiques et aider les labos déviants à retrouver le chemin du sens et des valeurs auxquelles nous croyons. Celles du respect de l’homme et du vivant.

Le monde de demain est entre nos mains !