22/02/20

LA SCIENCE AU SERVICE DE L’ACCOMPAGNEMENT de la recherche quantique à la conscience de soi et de son environnement

L’écologie humaine et managériale au service du bien-être au travail.

LE 5 MARS au congrès Beyond CT – Paris

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Après les conférences de deux intervenants chercheurs de renom, pour comprendre les liens entre la science, le fonctionnement du cerveau humain et ses incidences sur le comportement humain  : Jacques Fradin Docteur en Médecine, Psychothérapeute (ADELI) fondateur de l’Institut de Médecine Environnementale et Marcus Schmieke, physicien, philosophe et Fondateur d’un centre de recherches l’IACR …

j’ai le grand honneur d’animer un des cinq ateliers-conférence, sur le thème de « l’écologie humaine et managériale au service du bien-être au travail.

RPS, stress, burn-out, mal-être au travail… sont aujourd’hui abordés avant tout individuellement, tant par le « Care », adressé par les cabinets conseils, psy ou coachs spécialisés que par les études statistiques. Et quand les causes sont adressées (« facteurs de risques »), les actions sont conduites de manière analytique, par facteur … Et si tout était question avant tout d’Equilibres ? L’écologie, « science des équilibres », nous propose un modèle qui appliqué à l’humain et au management dans leur écosystème culturel et organisationnel peut nous ouvrir les portes d’un autre accompagnement plus global, catalyseur d’Equilibres et de bien-être collectif …

Voici en avant première l’introduction de cet atelier :

Atelier 5 – L’écologie managériale au service du bien-être au travail

Comment appliquer l’écologie « science des équilibres » dans le développement des managers.

Le management est toujours lié à son époque, générant des effets de mode. Dans la littérature, le management est décrit en termes de « styles », de « compétences », ou encore de « maturité », tel que dans le célèbre modèle à 3 niveaux, décrit par Vincent Lenhardt, dans les « responsables porteurs de sens »[1].

 

Quid de l’écologie humaine et appliquée au management ?  Il y a de nombreux essais d’application de l’écologie à l’homme et à ses écosystèmes.

L’écologie comme lieu d’engagement social renvoie à « l’écologisme » et à ses prolongements politiques. Au plan scientifique, l’écologie se caractérise par l’étude des êtres vivants et des leurs interactions à l’intérieur des écosystèmes.

 

L’écologie humaine au travail considère l’organisation et les collectifs de travail comme des écosystèmes. Elle intègre cette double dimension à la fois éthique, en cohérence avec un système de valeurs de respect de la planète, et une dimension plus « scientifique », avec l’étude des impacts et interactions de l’homme sur son écosystème et la santé au travail.

Pourquoi parler d’écologie managériale ?  Cette notion que j’ai avancée il y a une dizaine d’années dans un blog de ce nom (http://ecologie-manageriale.fr/la-nouvelle-ecologie-manageriale/) peut être définie comme « l’étude et la défense des équilibres humains, de l’homme dans sa relation avec lui-même, avec ses équipiers et ses pairs, dans l’écosystème constitué par l’organisation et sa culture ».

 Sur le plan éthique, « l’écologie managériale » et la notion plus répandue de «sustainable management » poursuivent la même quête  d’une « performance responsable » (RSE), dans le respect des ressources de la planète et ici avant tout « humaines ».

L’équilibre n’existe pas, nous sommes seulement des équilibristes . Eva Ruchpaul [2]

On parle souvent de l’écologie comme la « science des équilibres » dans les écosystèmes … Mais l’équilibre n’est-il pas par définition un état instable ? Qui dit « scientifique » ne dit pas nécessairement cartésien, avec les limites largement débattues de l’approche rationnelle analytique du facteur humain.

L’approche systémique a depuis de nombreuses années, contribué ainsi à une analyse plus globale de l’homme voire de la santé psychologique au travail, l’étude des RPS et de ses troubles, centrés sur l’individu alors que les dysfonctionnements sont avant tout systémiques.

« Porteur de sens », le manager est aussi devenu progressivement depuis une vingtaine d’année, en charge de la prévention du stress et des RPS, et, sous un angle plus positif, un acteur du développement du bien-être, voire du bonheur au travail … , à commencer par lui-même.

Si développer le bien-être peut relever du bon sens à la fois par la qualité des relations et le développement de la convivialité… qui dit démarche scientifique dit, au-delà de l’apéro-bio et du babyfoot,  mesurer, évaluer, pour agir. L’entreprise demeure pour la plupart un univers très normé, sillonné de process rationnels, qui nécessitent cette évaluation pour passer à l’action. Elle sera d’autant plus nécessaire qu’il va s’agir d’importantes populations et leurs écosystèmes.

 Qu’apporte le modèle de l’écologie appliqué à ce système managérial orienté aujourd’hui de plus en plus vers l’intégration du bien-être au travail comme levier de motivation ?

Le modèle de l’écologie humaine et managériale au travail permet de passer d’une logique d’analyse rationnelle des facteurs à une logique globale systémique. Dans le même élan que la psychologie positive, elle vise l’amélioration des équilibres humains individuels, de groupes ou culturels, versus  le traitement d’une souffrance, d’un trouble (stress, mal-être), d’une pathologie (dépression, burnout…), ce à quoi incite les approches plus traditionnelles de la prévention de RPS et de la santé psychologique au travail.

Etudier et favoriser les équilibres de l’homme au travail, c’est donc une autre façon plus efficace de retrouver sérénité et plaisir au travail, sans stigmatiser la souffrance et, a contrario, sans sombrer dans l’illusion de la quête du « bonheur au travail » et de ses injonctions paradoxales : « be happy et n’oublies pas tes objectifs » ! L’écologie managériale offre ainsi une vision porteuse de sens, en cohérence avec ce grand changement de paradigme que nous vivons tous, de la société de consommation vers une société écologique plus durable.

 

Et dans nos missions de coachs et d’accompagnants ?

Les modèles qui aujourd’hui permettent d’évaluer, le stress, le bien-être et la santé psychologique au travail sont pour la très grande majorité basés sur une approche analytique rationnelle individuelle. C’est le plus souvent le cumul statistique du stress individuel qui donnera à représenter le niveau de santé psychologique du collectif. L’action d’amélioration suivra rationnellement ces mêmes facteurs, sans pour autant appréhender leurs interactions au sein de l’écosystème. Par exemple, si on estime que la charge travail est trop forte, les instances représentatives et la direction se battront pour l’évaluer et la faire baisser. « Cherchez l’erreur » ! On pourrait aussi parler, comme Antonio Damasio de « l’erreur de Descartes ». Considérer dans des échelles validées scientifiquement que les facteurs RPS sont indépendants est scientifiquement faux ! La perception de la charge de travail dépend, nous le savons notamment grâce aux études de Siegriest[3] du niveau perçu de reconnaissance.

La place de l’analyse systémique des mécanismes du stress est pourtant dramatiquement absente de la plupart des référentiels en entreprise, pour évaluer les risques psychosociaux et ses catégories juridico-médicales dont les catégories (stress, burnout, mal-être…) sont encore le théâtre des bien des querelles de chapelles.

Que peut apporter cette approche aux coachs et professionnels de la gestion du stress et de la prévention que nous sommes ?

L’écologie humaine et managériale s’érige vous l’aurez compris contre l’injonction toxique te manipulatoire du « be happy ». J’ai la conviction que nous avons aussi besoin de modèles moins hypocrites, moins normatifs, moins centrés sur la souffrance au travail, sans sombrer pour autant dans cette illusoire et manipulatoire quête de bonheur au travail.

Plus que des critères négatifs (ex. niveau de stress), ou de facteurs isolés, l’écologie humaine et managériale vise plus positivement (sans en faire non plus une doctrine), à favoriser les équilibres humains au travail afin de (re)trouver, tout naturellement, sans qu’il s’agisse pour autant d’un nouvel objectif de performance, plus de plaisir et de sérénité au travail.

Je développe depuis une quinzaine d’année, une méthodologie pour favoriser les différents équilibres, personnels, relationnels et collectifs de l’écologie humaine et managériale au travail. Je suis tellement récompensé de son efficacité et du plaisir à la pratiquer que j’ai envie avec vous aujourd’hui de la partager dans cet atelier.

Et pour vous ? C’est quoi l’écologie humaine et managériale ? C’est quoi l’équilibre de l’homme au travail ?

De quels équilibres parlons-nous et sur lesquels nous allons pouvoir agir ensemble ?

Venez nombreux participer à ce prochain atelier !


[1] Les responsables porteurs de sens, Insep Editions ; p. 351/ ed. 2002 : RDO / RR / RPDS

[2] Éva Ruchpaul est une des premières femmes yogi d’Europe, une enseignante française de yoga, fondatrice de l’institut Éva Ruchpaul et auteur de nombreux ouvrages sur le hatha yoga.

[3] modèle « déséquilibre : effort / récompense » de Siegrist. Johannes Siegrist, né en 1943 en Suisse, est sociologue de formation. Ce modèle repose sur le constat qu’une situation de travail peut prendre appui sur une combinaison d’efforts élevés et de faible reconnaissance de cet effort, amenant une série de réactions pathologiques sur les plans émotionnel et physiologique.

 

1/12/16

Le bien-être au travail en 10 questions – Paradoxe, leurre ou nouveau contrat social ?

Q. 7/10 – Comment développer le bien-être personnel relationnel et d’équipe ?

Dans les articles précédents (questions 1, 2, 3 4, 5,6), je constatais que si le bien-être était lié à nos conditions matérielles, c’était aussi un état psychique, voire une philosophie. Je discutais ensuite de l’intérêt pour une entreprise de le promouvoir, dans des contextes parfois défavorables. Pourtant beaucoup d’organisations font aujourd’hui le pari que la « qualité de vie » et le « bien-être » deviennent des leviers incontournables de performance « durable »… Mais « qualité de vie » ou « bien-être au travail » est-ce la même chose ? Le « bien-être » apparaît davantage centré sur la personne, la capacité à préserver ses équilibres pour se sentir bien au travail … La « qualité de vie au travail », elle, implique davantage de facteurs objectifs, comme les conditions de travail. Pour moi, bien-être et qualité de vie au travail ne s’opposent pas. Ils s’appuient tous deux sur la restauration de la confiance et de la responsabilité partagés. Pour faire progresser le bien-être au travail, il est indispensable de pouvoir évaluer la situation de départ et de mesurer les progrès. Les 7 besoins psychologiques (sens, reconnaissance, cadre, partage, réconfort, réparation, sécurité…)  sont pour moi les rubriques clés du nouveau « compte de résultat » du bien être au travail ! Le bien-être relationnel est lui  lié à 4 critères clés : la confiance en l’autre, la reconnaissance reçue, l’empathie et enfin, les valeurs partagées. Mais il ne peut pas y avoir de bien-être relationnel, sans bien-être personnel. Le développement du bien-être au travail suit ce chemin vertueux de l’écoute de soi vers l’écoute des autres, à la base du bien-être relationnel. Et le bien-être en équipe ? Une équipe fournit à chacun une protection et un lieu ressource important pour le bien-être au travail. Au-delà de la cohésion, le bien-être en équipe dépend de la conjonction de trois facteurs : le niveau d’appartenance, la solidarité et la coopération, enfin, l’énergie qu’elle va générer comme lieu ressource, favorisant ainsi l’intelligence et l’efficacité collective.

Comme nous l’avons débattu dans les premières questions, le « bien-être » est basé sur une perception subjective, échappant à notre contrôle. « Je me sens » plus ou moins bien et  parfois,  sans « raison » apparente.

Le « bien-être au travail » dépend par essence du travail lui-même. Il nécessite un « pouvoir  bien-faire ». Le travail va-t-il me permettre de « fabriquer », de « concevoir», de « me » réaliser de manière autonome, de laisser ma trace au quotidien, voire, de manière plus pérenne, rassurant ainsi au passage notre plus grande peur existentielle ? Mon travail va-t-il me permettre, par la qualité des relations, de recevoir la reconnaissance dont j’ai besoin ? Serais-je fier de mon travail, fera-t-il sens pour moi, dans ma représentation du monde, nourrissant ainsi l’estime-de soi,  facteur clé du bien-être au travail ?

Mais pour le renforcer et ressentir plus souvent ce bien-être tant recherché, notre perception sera sans cesse influencée par le souffle parfois agité de nos états d’âme, autrement dit, par nos équilibres psychiques. Au centre cet équilibre, il y a nos émotions, nos sentiments et les besoins psychologiques.

Comment donc l’intelligence émotionnelle influence-t-elle cet équilibre au centre du bien-être  personnel, relationnel  et d’équipe ?

Les émotions primaires sont au cœur de nos fonctionnements psychocorporels. Elles sont responsables tant de nos équilibres psychosomatiques, que de notre énergie dans l’action. Selon la théorie des besoins, « être bien », c’est trouver une satisfaction fluide et régulière, pour chacun de nos besoins majeurs. Nous évitons ainsi les frustrations, à l’origine de nombreuses pathologies psychologiques, mais aussi somatiques.

L’intelligence émotionnelle, par la conscience de ce processus, va nous permettre de faciliter cette quête, de limiter le plus possible nos frustrations ou d’apprendre à les gérer.

Quelle que soit la théorie utilisée, ces principes sont partagés par la plupart des experts scientifiques  dans le monde[1]. J’ai moi-même développé une échelle adaptée au management. Elle est volontairement  focalisée sur les quatre émotions primaires et les sept besoins associés les plus présents au travail. Cette typologie croise les recherches de la science occidentale et le savoir plurimillénaire de la médecine et de la psychologie chinoise, à laquelle j’ai eu la chance d’être initié, sur la base des travaux de Michel Deydier-Bastide.[2]

Ces émotions primaires (la peur, la colère, la tristesse, la joie) sont connues du grand public, grâce au film d’animation de Disney « Vice–versa ». Elles sont communes à tous les mammifères que nous sommes. Leur puissante fonction  génère simultanément un besoin. Il devra trouver satisfaction pour maintenir notre équilibre :

⁻          la peur, génère un besoin de sécurité

⁻          la colère, de réparation et de justice

⁻          la tristesse, de soutien ou de réconfort

⁻          la joie, de partage et de célébration…

La frustration de ces  besoins va générer à un premier stade, du mal-être, puis des troubles plus graves, comme le stress, et enfin, différentes formes de somatisations, bien connues des médecins, des petits maux de tous les jours, jusque des pathologies plus graves, comme certaines formes  de cancers.

En situation de travail, notre énergie psychique dépend aussi souvent simultanément de 3 autres besoins :

⁻          De cadre : Comme tous les mammifères, nous avons tous besoin de « limites », de « barrières »,  autrement dit de « cadre ». Au travail, ce besoin va se traduire par des règles de fonctionnement, des définitions de mission, ou encore des objectifs découlant d’une stratégie. Les limites sont aussi données par la morale, les valeurs et l’éthique. Le cadre peut aussi être déontologique.

⁻          De reconnaissance : Nous avons besoin à plus ou moins fortes doses de l’énergie fournie par la reconnaissance de notre travail, mais aussi de nous-même. Si je travaille en cohérence avec mes valeurs et que je suis fier de ce que je fais, j’aurais davantage de chances de ressentir un certain bien-être au travail.

⁻          De sens : Enfin, seul besoin propre à l’homme et premier des besoins dits « supérieurs », nous avons tous besoin de sens. Seul l’être humain se pose et se repose en effet sans cesse la question du « qui suis-je » ? Cette interrogation est au centre du processus permanent de construction et de reconstruction identitaire. Ces trois derniers besoins (cadre, reconnaissance, sens) sont fortement perturbés par les nombreux changements que vit la plupart des entreprises, dans l’époque de mutation que nous connaissons.

Développer son intelligence émotionnelle, c’est donc prendre davantage conscience des frustrations inévitables de la vie personnelle et professionnelle, moins subir leurs effets parfois douloureux et leurs impacts sur nos états d’âme, voire, sur nos relations et nos décisions au travail, réapprendre à gérer nos équilibres et notre énergie, quand les pressions et les fluctuations trop rapides de notre environnement affolent nos « boussoles intérieures ».

À titre d’illustration, pour la psychologie chinoise, le stress est essentiellement lié à un dysfonctionnement de nos deux émotions de survie que sont la peur et la colère. Si j’ai la perception d’avoir  trop de travail, je vais avoir peur de ne pas pouvoir « m’en sortir » et c’est le début du stress. Si je ne prends pas de recul, ce fonctionnement automatique va inévitablement me faire subir un « stress chronique », lui-même facteur de nombreuses pathologies. Développer son intelligence émotionnelle, c’est pouvoir, dans ce cas, décrypter et désamorcer ce processus, pour maintenir sa sérénité d’action. La colère, émotion de défense du territoire et de l’identité, au centre de l’assertivité, de l’affirmation de soi et du leadership, permettra à chacun de se protéger contre les « agressions » (charge, vitesse, « travail empêché ») susceptibles de provoquer une atteinte corporelle ou psychologique. Si l’énergie colère est trop faible dans une situation donnée, c’est un facteur favorable – par défaut de protection – à la souffrance et au mal-être.

Le mécanisme du stress et la maîtrise de soi qui permettra de rester serein en toute circonstance, s’illustre aisément dans les conduites sportives, particulièrement dans les sports à risque que j’ai moi-même beaucoup pratiqué. Un compétiteur, un alpiniste, un parapentiste et, plus banalement, toute personne confrontée à un danger physique ou mental, quel qu’il soit, doit pouvoir apprendre à dominer les automatismes émotionnels, car ils ne sont pas toujours adaptés. Ils peuvent ainsi bloquer l’action et nous conduire, malgré nous,  au mal-être, à l’anxiété ou au stress.

Si ces techniques véhiculées aujourd’hui en entreprise par de nombreuses pratiques de relaxation ou de « pleine conscience » ne doivent en aucun cas suppléer à une amélioration de la qualité de vie au travail, elles permettront néanmoins à chacun de dépasser les tensions inévitables de la vie professionnelle, pour préserver son bien-être et par la même celui de son entourage.

Au plan relationnel, nous savons que la qualité de nos relations est intimement liée au bon fonctionnement de nos émotions dites « de cohésion sociale » (la tristesse et son besoin de réconfort, la joie et son besoin de partage et de célébration). Le niveau d’empathie dans les relations, voire de compassion en cas de grandes difficultés, est directement lié à nos capacités émotionnelles.

Enfin, rappelons-nous que l’équipe est le facteur de protection majeure contre le stress et le mal-être au travail. Une équipe solidaire peut devenir un formidable lieu ressource, tant pour partager ses idées et nourrir l’intelligence collective, pour échanger des signes de reconnaissance, que pour partager ses émotions et faire le plein d’énergie !

Que peut faire l’entreprise et que peuvent faire les managers pour favoriser l’intelligence émotionnelle et le bien-être au travail, quels sont concrètement leurs leviers d’actions et  majeur d’équilibre individuel relationnel et d’équipe ? Nous débattrons ensemble de cette question prochainement ! 



[1] Voir, à ce propos le travail comparatif entre les courants scientifiques effectué par le CNRS. ll fait l’objet d’une vidéo pour le grand public « dans le secret des émotions ». Quatre scientifiques font le bilan des connaissances dans le domaine de la psychologie et de la neurobiologie des émotions : Paul Ekman, professeur de psychologie à l’Université de Californie, Antonio Damasio, professeur de neurologie à l’Université d’Iowa, Ray Dolan, professeur de neuro-imagerie à l’Institut de neurologie de Londres et  Atsuo Takawishi, professeur de génie mécanique à l’Université de Waseda.

[2] D’après l’enseignement de Michel Deydier-Bastide. Ancien élève du Dr Lo Chi Kwong auprès de qui il a obtenu un Doctorat en médecine orientale à Hongkong, Michel Deydier-Bastide se consacre aujourd’hui exclusivement à l’enseignement de la Psychologie Chinoise Xin Li® dont il est le fondateur. Il dirige l’Académie de Psychologie Chinoise de Hong-Kong et de France. Cf. Traité de psychologie chinoise. Deslris, 2005.

9/11/16

Question 6/10 – Qu’est-ce que le bien-être en équipe et comment l’évaluer pour le développer?

Le bien-être au travail en 10 questions -Paradoxe, leurre ou nouveau contrat social ?

Question 6/10 – Qu’est-ce que le bien-être en équipe et comment l’évaluer pour le développer?

Dans les articles précédents (questions 1, 2, 3 4 et 5), je constatais que si le bien-être était lié à nos conditions matérielles, c’était aussi un état psychique, voire une philosophie. Je discutais ensuite de l’intérêt pour une entreprise de le promouvoir, dans des contextes parfois défavorables. Pourtant beaucoup d’organisations font aujourd’hui le pari que la « qualité de vie » et le « bien-être » sont devenus des leviers incontournables de performance « durable »… Mais « qualité de vie » ou « bien-être au travail » est-ce la même chose ? Le « bien-être » apparait davantage centré sur la personne, la capacité à préserver ses équilibres pour se sentir bien au travail … La « qualité de vie au travail », elle, implique davantage de facteurs objectifs, comme les conditions de travail. Pour moi, bien-être et qualité de vie au travail ne s’opposent pas. Ils s’appuient tous deux sur la restauration de la confiance et de la responsabilité partagés. Pour faire progresser le bien-être au travail, il est indispensable de pouvoir évaluer la situation de départ et de mesurer les progrès. Les 7 besoins psychologiques (sens, reconnaissance, cadre, partage, réconfort, réparation, sécurité…)  sont pour moi les rubriques clés du nouveau « compte de résultat » du bien être au travail ! Le bien-être relationnel est lui  lié à 4 critères clés : la confiance en l’autre, la reconnaissance reçue, l’empathie et enfin, les valeurs partagées. Mais il ne peut pas y avoir de bien-être relationnel, sans bien-être personnel. Le développement du bien-être au travail suit ce chemin vertueux de l’écoute de soi vers l’écoute des autres, à la base du bien-être relationnel.

Le bien-être en équipe, est-ce bien différent ? Quels sont les facteurs qui vont nous permettre de le mesurer et de le développer ?

Mais qu’est-ce qu’une équipe ? Les managers cherchent à développer la cohésion de leur équipe. Est-ce bien différent du « bien-être en équipe » ? Une équipe soudée est-elle synonyme de bien-être ?

Une équipe répond à des mécanismes de fonctionnement spécifiques dont vont dépendre sa cohésion. Elle doit notamment avoir un leader reconnu, un but commun, un cadre clair qui délimite les rôles et responsabilités de chacun. La cohésion d’une équipe dépendra aussi de facteurs dits « subjectifs »,  comme la qualité des relations ou la confiance.

Le bien-être ensemble ou en équipe renvoie pour moi à 3 autres critères : l’appartenance, la solidarité et l’énergie du collectif.

1.Mon équipe (appartenance) : Comment l’équipe contribue-t-elle à mon identité sociale et professionnelle ?

Au travail, l’équipe correspond au premier niveau de l’appartenance sociale et professionnelle : mon équipe, mon service, mon entreprise, mon secteur d’activité ; mon activité, mon métier, ma mission (complémentaire des autres)….

L’équipe est un maillon ou un échelon de notre identité sociale et professionnelle …  Je suis bien dans mon équipe, si mon identité est respectée, notamment, si je peux retrouver dans l’équipe suffisamment de cohérence avec mes valeurs.

2.L’équipe solidaire : Comment l’équipe constitue-t-elle un  lieu de protection, contre le mal-être, ou les facteurs de risque ?

Le lien et la solidarité sociale jouent un rôle fort de protection, contre la souffrance au travail et les risques psychosociaux. La qualité de ce lien permettra à des personnes en difficulté de passer un cap ou de mieux gérer une situation difficile : « heureusement qu’il y a les collègues et l’équipe en ce moment »… Ainsi je suis bien dans mon équipe, si je me sens soutenu face aux difficultés du travail, si la coopération  et la solidarité supplantent l’individualisme.

3. L’équipe ressource : comment l’équipe devient-elle une source d’énergie

Je suis bien dans mon équipe si je peux y « recharger les batteries ». C’est d’autant plus vrai dans certains métiers exposés émotionnellement, comme aux relations clients. Notre énergie et nos équilibres dépendent ne l’oublions pas, de nos 7 besoins, énergétiques (sens, reconnaissance, dans un cadre clair) et émotionnels.

Un lieu ressource et de bien-être est aussi un lieu d’écoute et de régulation. On se croise dans les couloirs d’un bonjour poli mais pressé, ou, prenons-nous le temps de nous écouter, en bilatéral et en équipe ? Comment nos réunions sont-elles organisées ? Laissent-elles de la place aux partages des ressentis, au débriefing? Ou, « on n’a pas le temps, pas d’état d’âme » !  L’équipe ressource doit permettre à chacun de poser ses craintes, pour favoriser l’émergence de nouvelles motivations et re-booster les énergies.

Ces trois critères  - appartenance, solidarité, énergie- vont faire que chacun se sentira plus ou moins bien dans son équipe. Ils signent aussi le degré de maturité de l’équipe. Une  équipe ne peut exister sans identité. Avec son identité,  la solidarité la rendra plus forte. Pour la bonne gestion de son énergie, et atteindre un certain bien-être, elle doit devenir un véritable « lieu ressource ».

Les équipes sous stress

Les équipes aujourd’hui sont souvent mal menées. Les 5 principaux facteurs de risques que j’observe sont : les changements, la pression sur les délais, le manque de moment de partage, le mode de management et l’individualisation des salaires.

-          les changements fragilisent les équipes : turn-over des équipiers, changements de leaders, etc. C’est le cas notamment lors des fusions ou des réorganisations.

-          la pression sur les délais laisse moins de temps à l’écoute, facteur essentiel de cohésion. La pression sur les résultats appauvrit l’équipe en échange de signes de reconnaissances, autre facteur clé de coopération

-          la diminution, pour des raisons budgétaire, des moments de partages et des rituels d’équipe (repas, pots, célébrations, séminaires, team building…) bloque certains processus de gestion des émotions au travail. Le processus  du deuil est freiné par l’absence de rituels, comme les pots de départ, par exemple.

-          un management gestionnaire trop centré financier ne laisse pas de place au partage des ressentis. Beaucoup de manager aujourd’hui confondent « débriefing » des ressentis et reporting des résultats. L’optimisation des temps de réunion et le management à distance renforcent cette tendance désastreuse pour le bien-être ensemble.

-          Enfin, l’individualisation salariale nuit fortement à l’esprit d’équipe et à la coopération.

Comment évaluer le bien-être en équipe et le faire progresser ?
Comme dans toute démarche de prévention des risques psychosociaux, le premier travail d’évaluation est d’identifier dans ces 5 domaines, les facteurs de risques  et leur importance. Il s’agira ensuite de les éliminer ou de les limiter au mieux.

Dans les audits humains que je conduis, je cumule les 3 séries de facteurs qui fondent le bien-être au travail : les 7 besoins clés du bien-être personnel, les 4 critères relationnels (confiance, reconnaissance reçue, l’empathie, les valeurs partagées) et les 3 critères que nous avons définis pour qualifier la maturité d’une équipe : l’appartenance, la qualité du lien (solidarité, coopération…), et l’énergie d’équipe, associé au degré d’ouverture et de confiance mutuelle.

Ces 10 critères peuvent facilement donner lieu, grâce à quelques questions simples, à  une auto-évaluation et à la définition d’un plan d’améliorations.

En guise de conclusion, au delà de la cohésion, facteur puissant de protection, le bien-être en équipe requiert pour sa part, un niveau élevé de maturité managériale pour faire de l’équipe un « lieu ressource », d’écoute, de partage, dans l’ouverture et la confiance réciproque. Ils permettront à chacun d’accroître son bien-être, pour favoriser l’efficacité collective au travail.

Comment développer son bien-être personnel ? Cela nécessite-t-il nécessairement un travail sur soi ?  L’intelligence émotionnelle est-elle un facteur de bien-être  personnel  ou relationnel ? En quoi l’intelligence émotionnelle joue-t-elle sur le bien-être en équipe ?

Retrouvons-nous prochainement pour échanger sur ces nouvelles questions !

bien-être en équipe Capital Santé

bien-être en équipe Capital Santé

27/10/16

Question 5 – QU’EST- CE QUE LE BIEN-ETRE RELATIONNEL ? COMMENT LE MESURER ?

Suite de ma chronique sur le bien-être au travail 

Le bien-être au travail en 10 questions
Paradoxe, leurre ou nouveau contrat social ?

Dans les articles précédents (questions 1, 2, 3 et 4), je constatais que si le bien-être était lié à nos conditions matérielles, c’était aussi un état psychique, voire une philosophie. Je discutais ensuite de l’intérêt pour une entreprise de le promouvoir, dans des contextes parfois défavorables. Pourtant beaucoup d’organisations font aujourd’hui le pari que la « qualité de vie » et le « bien-être » sont devenus des leviers incontournables de performance « durable »… Mais qualité de vie ou bien-être au travail est-ce la même chose ? Le bien-être apparaît davantage centré sur la personne, la capacité à préserver ses équilibres pour se sentir bien au travail … La qualité de vie au travail, elle, implique davantage de facteurs objectifs, comme les conditions de travail. Pour moi, bien-être et qualité de vie au travail ne s’opposent pas. Ils s’appuient tous deux sur la restauration de la confiance et de la responsabilité partagés. C’est ce que certains appellent les « entreprises libérées ». Pour faire progresser le bien-être au travail, il est indispensable de pouvoir évaluer la situation de départ et, par la suite, de mesurer les progrès. Les 7 besoins psychologiques (sens, reconnaissance, cadre, partage, réconfort, réparation, sécurité…) sont pour moi les rubriques clés du nouveau « compte de résultat » du bien être et de la qualité de vie au travail !

Si la mesure du bien-être au travail renvoie à la psychologie individuelle dans l’organisation, évaluer le bien-être nécessitera de s’intéresser aussi à la qualité des relations. C’est ce que certains appellent le « bien-être relationnel ».
Enfin la mesure du bien-être demandera également d’évaluer le niveau d’intégration sociale, dont le premier maillon est l’appartenance à l’équipe. C’est « le bien-être en équipe ».

Le bien-être, « être bien » c’est en premier lieu « être bien avec soi ». Comment suis-je capable de gérer mes frustrations, de maintenir mes équilibres émotionnels, ou ma « cohérence identitaire », l’alignement avec mes valeurs. Mais le bien-être dépend aussi très étroitement, comme le bonheur, de la qualité de nos relations, comment elles peuvent nous « nourrir ». Si évaluer notre bien-être dépend de la satisfaction des sept besoins examinés précédemment (sens, reconnaissance, cadre, partage, réconfort, équité, sécurité), le bien-être relationnel dépend pour moi de 4 critères clés :

  • la confiance en l’autre
  • la reconnaissance reçue, dans ses relations (pairs, collègues, clients, hiérarchie…)
  • l’empathie dans les relations, voire, la compassion
  • les valeurs partagées dans les relations au travail

J’ai plus souvent l’occasion de diagnostiquer des situations de souffrance personnelle et relationnelle que de bien-être ! C’est pourtant ce dernier que je mets toujours en perspective, comme notre étoile du berger ou un idéal à tous retrouver. L’absence de confiance paralyse les relations, sans reconnaissance nous perdons l’estime de soi et des autres, sans empathie ni soutien mutuel, l’individualisme règne en maître et l’absence de valeurs partagées ouvre grand la porte à tous les conflits.

Mais ces quatre principaux critères de bien-être relationnel ne pourront être satisfaits que dans la mesure où nous disposerons d’un équilibre et d’un bien-être personnel suffisant. Si de nombreuses études tendent à montrer que le bien-être, voire le bonheur, sont liés à la richesse de nos relations, cette qualité relationnelle dépend pour beaucoup au départ du bien-être avec soi.  Il est ainsi bien connu que les frustrations personnelles et les souffrances qu’elles peuvent engendrer ne facilitent pas la qualité des relations.

  • La confiance envers autrui dépend très étroitement de la confiance en soi. L’image plus ou moins positive d’autrui apparaît très liée à l’image de soi. Si la confiance peut se gagner au fur et à mesure des échanges, dans les nouvelles relations ou les nouvelles situations, notre capacité à faire confiance aux autres dépend en grande partie de la « confiance en soi ». La confiance se développe aussi grâce à notre ouverture, à notre capacité à accepter ses propres vulnérabilités, comme celles des autres.
  • La reconnaissance, nourrissant la relation dépendra de notre propre capacité à en « donner », « recevoir » et aussi à en « demander ». La reconnaissance est bien une dynamique personnelle et relationnelle dont on dit qu’elle est « systémique ».
  • L’empathie, qualité d’écoute de l’émotionnel d’autrui résultera de notre propre maturité émotionnelle. Au delà de l’empathie, écouter la souffrance de l’autre dépend étroitement de notre capacité « d’auto-compassion ». Dans la philosophie taoïste, entrer dans la sagesse, c’est accéder à la compassion. Pour être capable de cette vertu, il faut avant toute chose savoir écouter sa propre souffrance.
  • Les valeurs sont de puissants marqueurs identitaires, facteurs de lien social. Une valeur c’est ce qui vaut pour moi. Une valeur partagée c’est ce qui vaut pour l’un comme pour l’autre. Les valeurs sont au centre du bien-être relationnel. Mais si je m’en éloigne, si je vis dans l’incohérence, la culpabilité m’envahira. Si quelqu’un attaque mes valeurs et croyances, la colère voire la haine installera le mal-être, le conflit ou la guerre dans les relations.

Confiance, reconnaissance, empathie, valeurs partagées… le bien-être relationnel se construit sur le chemin du développement du bien-être personnel. Au-delà des relations au travail, nous appartenons tous à un collectif, à une organisation dont le premier maillon est l’équipe.

Le bien-être en équipe dépendra d’autres facteurs dont nous pourrons discuter prochainement.

20/09/16

Question 3. Qualité de vie ou bien-être au travail, quelle différence ? Que choisir ?

Le bien-être au travail en 10 questions : le bien-être au travail, paradoxe, leurre ou nouveau contrat social pour une performance durable ?

Dans le premier article j’explorais les origines et les définitions du bien-être. Si le bien-être est lié à nos conditions de travail, à la qualité de notre environnement social et de nos relations, c’est aussi un état psychique, un niveau de conscience, voire une philosophie. Dans le billet suivant je posais la question du réel intérêt pour une entreprise de promouvoir le bien-être, qui plus est dans des contextes socio-économiques parfois défavorables. Beaucoup d’entreprises font le pari aujourd’hui que le bien-être est devenu un levier incontournable de performance « durable »…, pour l’actionnaire et on l’espère aussi pour la planète ! Je remercie France 2 pour son « Envoyé Spécial [1]» et ses nombreux témoignages très éclairants sur les « entreprises libérées », le jour où je publiais ce second billet sur les réseaux sociaux. La révolution du bien-être au travail est en route, même si elle ne va pas assez vite pour tous !

« Peu importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse » ?

Si ces deux thèmes de campagne de l’humanisme contemporain au travail visent à remettre l’homme au centre,  les chemins sont assez différents et peut-être plus ou moins faciles à arpenter …

En France, au delà des obligations légales de prévention des RPS, de nombreuses entreprises  lancent des actions orientées soit vers la « qualité de vie », soit vers le « bien-être » au travail ( « well being at work » pour les grands groupes). Est-ce la même chose, avec un habillage marketing différent ? La Qualité de Vie au Travail dépend-t-elle des mêmes facteurs ? Comment se positionnent les entreprises étrangères ? Est-il possible de mesurer et de suivre les progrès réalisés en matière de qualité de vie, comme de bien-être au travail ?

Des différences selon les pays et les cultures

Derrière l’intention humaniste, les idées de « qualité de vie » ou de « bien-être » au travail sont perçues différemment en France, en Europe et dans le monde anglo-saxon. Selon la culture plus ou moins internationale de chaque entreprise, de la petite entreprise locale, au grand groupe mondial, ces notions sont comprises et déclinées très différemment.

Historiquement en France, la qualité de vie au travail est une extension de la notion « de conditions de travail », avec une connotation plutôt « risques professionnels » et prévention.

« Ce n’est que récemment que le terme qualité de vie au travail émerge dans des accords d’entreprises puis dans l’accord national interprofessionnel de juin 2013 »[2] : « Les conditions dans lesquelles les salariés exercent leur travail, leur capacité à s’exprimer et à agir sur le contenu de celui-ci déterminent la perception de la qualité de vie au travail qui en résulte ».

La qualité de vie au travail peut aussi être positionnée comme une démarche de prévention positive du stress et des RPS. Pour un de mes clients en France, dont le siège est à l’étranger, il n’est même pas envisageable pour ce patron de site, de parler à sa direction de « prévention des RPS » ou de l’action qu’il mène avec son CHSCT en la matière !  « Je crains de faire peur aux investisseurs me confiera t-il ». En effet, pour être mieux compris du siège en Allemagne et des investisseurs Américains, mieux vaudrait parler d’approches plus positives et managériales, comme la qualité de vie au travail, pouvant impacter plus clairement les résultats.

 A la différence de la France, l’approche européenne se centre davantage sur  la dimension collective, par le partage des décisions ou la participation qui entraîneront plus de motivation et d’engagement.

 Enfin, le monde anglo-saxon inscrit la qualité de vie au travail dans une perspective davantage individuelle associée au bien-être. Elle intègre aussi mais de manière moins forte, les dimensions organisationnelles du poste de travail et de la santé physique au travail (cf. démarche « cool site » ou cool work »). On parlera plus facilement de « well being at work », dans une définition proche de la santé au travail, c.a.d. de conditions permettant un état de « bien être ».

D’une manière générale, j’ai pu moi-même constater dans mes interventions que les approches « well being », véhiculées en France par les entreprises internationales à culture anglo-saxonne se décalent clairement de l’amélioration des  conditions de travail, pour se centrer sur l’individu et son bien-être.

Nous rediscuterons dans les autres questions, des leviers utilisés. Ils rejoignent avant tout le développement personnel, avec par exemple la méditation ou la pleine conscience au travail.

Améliorer la qualité de vie au travail nécessite pour l’entreprise un investissement plus conséquent, avec une remise en cause organisationnelle et managériale, plus complexe à mettre en œuvre.

S’il n’existe pas de définition consensuelle de la qualité de vie au travail, ses grands leviers sont bien identifiés. Ils touchent de nombreux domaines, comme : les conditions de travail, le management (plus ou moins responsabilisant…), le sens donné au travail, la communication, la qualité des relations et le climat social, les possibilités de développement professionnel et personnel,  différents critères objectifs, comme les indicateurs : démographiques, d’absentéisme, de santé, de sécurité (nombre d’accidents) ou de conditions de travail…

Qualité de vie et bien-être des perceptions ?
Mais, paradoxalement,  si les entreprises cherchent des facteurs objectifs de mesure, la qualité de vie au travail, comme le « bien-être » résultent en fait tous deux d’une perception, donc par essence subjective !  Ainsi lira-t-on dans l’Accord National Interprofessionnel lui-même que « la Qualité de Vie peut se concevoir comme un sentiment de bien-être… » [3]. Il s’agit donc pour le « bien-être », comme la « qualité de vie » d’un sentiment, état psychique lié directement à notre équilibre émotionnel et à la gestion de nos frustrations.

A titre d’illustration, dans cette grande entreprise Française que j’accompagne, les grands changements en cours génèrent beaucoup de mal être et d’état d’âmes, souvent bien sombres. Dans cette même entreprise, au même moment, avec des conditions de travail identiques, j’échange avec de nouveaux arrivants : « ils ne se rendent pas compte les anciens, ils se plaignent sans arrêt… «  moi je viens d’un petite entreprise qui a fermé, ici c’est un vrai paradis » … Autre exemple, dans cet établissement de soin en crise, le personnel de l’hébergement se plaint des nouveaux horaires. Mais dans mon audit, les avis divergent. Pour Paul, « ce n’est plus comme avant », il termine parfois « après l’heure, c’est inadmissible !». Pour Luc, qui arrive de la restauration privée : « j’ai retrouvé une vie ici… Ce n’est pas grave si je dois terminer parfois plus tard »… « Avant je n’avais plus de vie de famille,… ce n’était pas 18h le départ, mais 23h » … « Ici c’est le bonheur, j’y suis vraiment bien et j’adore en plus les patients, ils sont moins pénibles… que les clients d’un restaurant  … ». Nous le savons tous, c’est une banalité parfois oubliée, tout est question dans le fonctionnement de notre cerveau, de cadre de référence, de comparaison avec le passé et aussi avec les autres …

Mais Paul ne souffre-t-il pas vraiment ? La souffrance comme le stress peuvent-ils-être jugés ? Nous savons aussi qu’il n’y pas de « comédie » avec nos frustrations. Elles sont là et parfois apparemment sans « raison » et nous font parfois beaucoup souffrir.

Le bien-être comme le mal-être sont aussi subjectifs. Ce sont des perceptions, et l’entreprise oublie par contre que l’on ne peut donc pas les mesurer uniquement avec des facteurs objectifs. Notre impuissance parfois à développer le bien-être est un peu comme dans cette célèbre allégorie, de l’homme qui cherche ses clés des heures inlassablement sous le lampadaire sans les trouver, car c’est le seul endroit éclairé ! Et si les clés du bien-être et la lumière étaient ailleurs, pour l’entreprise comme pour nous, loin de la pénombre de notre rationalité. Et s’il s’agissait aussi de monter en conscience,  dans l’intelligence de nos émotions et de nos frustrations pour retrouver notre bien-être?

Qualité de vie ET bien-être au travail dans une entreprise responsable
Pour conclure cette troisième question, certains estiment que la « mode  du bien-être » en entreprise n’est qu’un écran de fumée, pour faire passer des mesures socialement plus difficiles. « Restez zen, ce n’est qu’un nouveau petit plan social ou une cure de lean-manufacturing participatif qui favorisera votre bien-être » (!). On reproche aussi à la « logique bien-être », de ne pas s’attaquer aux questions de fond, comme les conditions de travail ou l’organisation.

Pour dépasser ce débat, je pense que l’un n’empêche pas l’autre. Un travail sur soi, son bien-être, qui permettra de mieux vivre un changement difficile, ne rend ni idiot, ni aveugle.  Au contraire, c’est pour moi un facteur de montée en conscience et de qualité relationnelle. Rien n’empêche pour autant de se battre simultanément pour améliorer ses conditions de travail, c’est pour moi  l’autre face indissociable du « well being at work ». Ce n’est pas l’un OU l’autre. N’est-ce pas le bien-être ET la qualité de vie au travail, dans une entreprise responsable que nous cherchons tous ?

Mais quels sont donc  réellement les facteurs qui produisent notre bien-être ?

Si le bien-être est aussi une  « perception », mêlé de sentiments, d’états d’âmes …, est-il possible de le mesurer ? En entreprise, on aime les résultats concrets !

A bientôt pour les prochaines questions  ?

 


[1] Emission du 1er septembre, a voir absolument, encore disponible  sur youtube

[2] D’après l’ANACT – Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail.

[3] Art.1 ANI 2013 :: la QVT « peut se concevoir comme un sentiment de bien-être au travail perçu collectivement et individuellement qui englobe l’ambiance, la culture de l’entreprise, l’intérêt du travail, les conditions de travail, le sentiment d’implication, le degré d’autonomie et de responsabilisation, l’égalité, un droit à l’erreur accordé à chacun, une reconnaissance et une valorisation du travail effectué ».