13/02/13

Conduire le changement par le sens : éthique, cohérence et engagement

Premier chapitre de la note de réflexion parue dans l’Expansion Management Review « Impasses et défis du management », rédigée par Pierre-Marie Burgat (juin 2012, 10 p.)

Une société a besoin de principes et de règles pour se pérenniser et se développer harmonieusement. La plupart de nos « valeurs morales » qui organisent les relations sociales – telles la solidarité, le respect, la justice, ou le partage – ont été véhiculées depuis la nuit des temps par les grandes traditions spirituelles. Nous sommes tous intrinsèquement porteurs de ces codes culturels, à dominante judéo-chrétiens, en ce qui concerne la majorité d’entre nous.

Or les systèmes de valeurs qui structurent notre civilisation sont aujourd’hui mis à mal par l’emprise du spéculatif sur nos économies, la tentative de transformation du travail, de la culture, de l’eau, de l’air, de l’espace… et même des relations entre les êtres, en marchandise[1].

De cette crise éthique générale découlent toutes les autres crises : économiques, géopolitiques, politiques, écologiques, sociales,  humanitaires … et les crises au sein de nos organisations.

DE QUELLE CRISE PARLONS-NOUS ?

A la racine de nos crises, il y a une implosion identitaire en chaîne … et donc une implosion des valeurs morales qui structurent nos identités et qui concourent à l’éthique. Mais qu’est-ce que l’éthique ?

On peut définir l’éthique comme « l’art de diriger sa conduite, son comportement… », à partir de l’intégration d’une « morale, science du bien et du mal »[2].

Le capitalisme en lui-même n’a jamais été éthique. Il ne possède pas de morale intrinsèque. Il ne peut être régulé que de l’extérieur, par la loi. Cela n’est pas nouveau. Ce qui est nouveau, en revanche, et que certains auteurs ont pu qualifier de «  révolution ultralibérale », [3]c’est la sacralisation du marché[4]  comme principe général de régulation de la vie en société. L’économie n’est plus «  encastrée »[5] dans la société comme c’est le cas depuis des millénaires, mais c’est la société qui se retrouve «  encastrée » dans l’économie.

L’emprise de l’économie sur la société et celle de la finance sur l’économie, couplées avec la libre circulation de l’image sur web concourent à broyer les cultures et leurs valeurs morales.

Le malaise que l’on observe dans les organisations s’inscrit dans le cadre d’une dérive globale qui est donc loin de n’être « qu’économique ». C’est vrai ainsi de la chute des valeurs de la République, par exemple au travers des surprenantes évolutions du système fiscal français [6] ou encore de ce qu’est devenue en peu de temps la liberté de la presse[7]. C’est vrai, des salaires des footballeurs et du star-système en général, de la dérive de la télévision de consommation[8] ou encore de l’absence totale de garde-fou moral du web. C’est vrai encore, du non alignement éthique de beaucoup de nos responsables politiques qui ne modélisent plus suffisamment l’intégrité à laquelle devrait pouvoir s’identifier tout citoyen et, qui plus est, les  nouvelles générations.

Ce monde devenu global nécessiterait soit des instances de régulation fortes (les instances internationales existantes n’arrivent pas réguler quoi que ce soit), soit un haut niveau de conscience individuelle. C’est d’autant plus vrai dans la plupart des pays industrialisés en occident, que la guidance spirituelle ou religieuse qui assure ce rôle fondamental s’est plus ou moins effacée.

 La suite le 3 mars 2013 : « Ethique et entreprise, des premières incitations réglementaires à la quête des nouveaux consommateurs »



[1] L’exploitation financière de la relation et du lien social par les gestionnaires de réseaux sociaux, dont Face book.
[2] J. ROJOT, « Déontologie et gestion des ressources humaines », 1992, p. 118.
[3] Voir Alain Supiot, «  L’Esprit de Philadelphie, la justice sociale face au marché total », Paris, Seuil, 2010
[4] Expression de Dany-Robert Dufour. Voir aussi Jean-Michel Saussois : «  Le capitalisme, un Dieu sans bible », éditions le cavalier bleu.
[5] On doit cette notion d’encastrement à Karl Polanyi.
[6] Rapport IPP– étude de la fiscalité 1997-2012- de 2002 à 2012, l’impôt s’est allégé pour les tranches supérieures » « notre système fiscal avantage depuis plus de 10 ans  les détenteurs de patrimoines »
[7] Cf. « La concentration dans les médias »-  Observatoire Français des Médias (OFM). Place de la concentration des médias dans les dérives médiatiques actuelles
[8] Voir documentaire : « Le temps de cerveau disponible ». http://youtu.be/4S20kG2MoxI;