9/02/21

PREVENIR LES IMPACTS DE LA CRISE SANITAIRE SUR LE STRESS AU TRAVAIL

Un article publié par la SFCoach

La crise sanitaire provoque en cascade une explosion des arrêts maladie : tests positifs, affections virales, gardes d’enfants, troubles de la santé psychologique … De janvier à août 2020, les indemnités journalières ont ainsi augmenté de +29,9%, selon les chiffres de l’Assurance Maladie. Malgré le déconfinement, la progression se chiffrait encore en août à 7,7%. La seconde cause d’arrêt maladie est devenue, après le Covid, les Risques Psychosociaux, avec notamment une montée importante du mal-être anxieux et du stress au travail.

La crise sanitaire a-t-elle un impact sur cette montée des RPS ? Si oui, pourquoi et comment les prévenir ? Quels est dans ce contexte le rôle des accompagnants pour contribuer à favoriser les équilibres psychosociaux et limiter ainsi l’inflation couteuse des arrêts maladie.

Une crise sanitaire et émotionnelle ?

La reprise de la pandémie et la crise sanitaire génèrent de nombreuses inquiétudes, des peurs d’être touché par le virus ou de le transmettre, et des craintes liées aux impacts de la crise sur le travail, l’organisation, la charge ou encore, les résultats de l’entreprise, avec leurs impacts sur l’emploi. Ces peurs s’installent souvent dans la durée provoquant un climat social dégradé particulièrement anxiogène et propice aux RPS.

De nombreuses entreprises font aussi état de tensions, d’agressivité, voire de « violence » provoquées par la diversité des comportements, plus ou moins investis ou respectueux des nouvelles règles sanitaires.

Le confinement, puis les mesures barrières imposent des changements de mode de vie, synonyme de perte et de deuil, donc d’une certaine tristesse … Enfin, dans un tel climat social, ce n’est pas toujours la joie (!), pourrait-on dire, d’autant que la plupart des rituels sociaux permettant de célébrer nos succès ou les bonnes nouvelles sont mis au placard, pour des raisons de distanciation sociale.

Quand nos émotions primaires (peur, colère, tristesse et joie), ne peuvent plus assurer leurs fonctions vitales et sociale, nous assurer sécurité, équité, soutien social et partages conviviaux, nous savons que ces dysfonctionnements émotionnels débouchent sur des troubles de la santé psychologique, comme le mal-être, le stress et leurs cortèges d’autres maladies somatiques, du mal de dos, à des pathologies plus graves.

L’impact de la digitalisation de la peur

De nombreuses études scientifiques montrent que l’émotion se diffuse dans la relation, mais aussi à plus grande échelle socialement. A la différence de la grippe de Hong Kong qui a fait de très nombreuses victimes plus rapidement, avec beaucoup moins de retentissement social et d’impacts économiques, le Covid 19 a connu une diffusion à la fois virale et digitale. En 1968, internet n’existait pas, alors qu’en 2020 les informations anxiogènes sont diffusée simultanément, instantanément et continuellement, via notamment les smartphones, à des millions de personnes.  C’est là la pire des épidémies.

En effet, les neurosciences ont aujourd’hui démontré que notre cerveau réagit automatiquement à toute information qui lui signale un danger. Le trop d’informations négatives provoque un dysfonctionnement émotionnel bien connu, appelé « mal -être anxieux » ou « peur sans objet », car notre cerveau ne sait plus distinguer l’origine des centaines d’informations qu’il reçoit et surtout, comment y répondre. C’est d’autant plus bloquant que ce surcroit d’informations est devenu quasi permanent.

Par ailleurs, le confinement a pu souvent provoquer au travail des retards de production mettant en danger les résultats de l’entreprise, voire l’emploi. A un autre niveau, si cet état d’anxiété se trouve assorti d’exigences ou de charge de travail supplémentaires, c’est le stress qui apparait. Il peut se prolonger par un burnout ou par des troubles de la santé, souvent vecteurs d’arrêts maladie.

Nous savons que chaque fois que des évènements dramatiques surviennent, comme des attentats ou des catastrophes naturelles, qu’il faut éviter de trop s’exposer au flux continue d’informations négatives. Pour les psychologues et neuroscientifiques, cette autre « pandémie d’informations » peut se montrer aussi toxique qu’une attaque virale.

Le cercle vicieux de la peur peut donc, si la mécanique du fonctionnement émotionnel n’est pas bien comprise et intégrée dans une politique de prévention, amplifier considérablement les impacts d’une pandémie, en provoquant en cascade d’autres troubles de la santé psychologique et de la santé en général.

C’est ce que montre les évaluations récentes de la montée des RPS, devenu le facteur n° 2 d’arrêts maladie, après ceux liés au Covid 19. Il apparait donc clairement que les deux causes sont intimement liées.

La fragilisation du lien social renforce la souffrance individuelle

Autre conséquence dramatique induite par les mesures de gestion de la crise sanitaire sur les RPS, la fragilisation du lien social. Le travail à distance, les gestes barrières limitent la proximité sociale et les contacts corporels affectifs (bises, hugs…) ou de courtoisie (serrer la main) dont nous avons besoin pour vivre. Ces mesures « de raison » fragilisent la qualité des relations et notre santé. Ce lien est connu comme étant à la base de notre santé psychologique. Les experts en prévention savent très bien que le bien-être au travail repose sur un délicat équilibre entre des facteurs de risque (charge, manque de management, d’organisation ou de ressources,…) et des facteurs dits  « de protection », dont la qualité du lien social apporte le principal ingrédient.

De la même manière, plus une équipe sera soudée, plus un collectif au travail sera solidaire, vecteurs de coopération et de soutien mutuel, plus chacun y trouvera les équilibres psychologiques nécessaires à sa santé et à son bien-être.

Au-delà de cette nécessaire distanciation physique liée aux mesures de protection sanitaire, on observe une grande divergence de comportements. Au plan psychologique, ces écarts sont liés à une relation individuelle différente selon les personnalités, d’une part à la peur et, d’autre part, à la règle, ici imposée par les autorités sanitaires.

A l’image des scientifiques, partagés dans l’analyse des données sanitaires, le pays tout entier se montre clivé en fonction de sa représentation de la gravité de la pandémie et des comportements à respecter. Qui ne s’est pas opposé à un proche sur ce sujet, avec une opinion opposée à la sienne ? Il est ainsi observé au travail de nombreuses tensions liées à ces divergences d’opinions. Elles fragilisent aussi le lien social et la qualité des relations au travail. C’est d’autant plus vrai en France ou les mesures touchent à la liberté, valeur culturelle clé dans notre culture.

Les impacts économiques sur l’employabilité et le management

Enfin, nombreuses sont les organisations qui ont été impactées par la crise sanitaire, avec des effets économiques parfois catastrophiques, notamment dans les secteurs du tourisme, du spectacle, du transport ou de la restauration. Quel que soit le secteur d’activité, rares sont les organisations non touchées, avec parfois au contraire une forte montée de l’activité, également génératrice de stress.

Ces impacts touchent aussi directement le management. Si le manager doit savoir gérer la cohésion d’équipes parfois fragilisées, s’il doit prendre le temps d’écouter les personnes plus affectées par la crise, il doit aussi intégrer à son management, une vigilance toute particulière à la fluctuation de la charge, la pression sur les volumes –mais aussi très souvent, la sous-charge, également très anxiogènes.

Les répercussions de la crise impactent aussi parfois directement l’emploi, avec une montée importante des plans sociaux, voire la fermeture de TPE. Les répercussions en termes de RPS sont évidemment immédiates, tant l’inquiétude est grande pour retrouver du travail ou relancer une nouvelle activité dans un tel environnement. C’est aussi de la santé des dirigeants dont il s’agit.

Les mesures à prendre pour mieux prévenir les RPS et maintenir le bien-être au travail dans ce contexte

 

A un niveau politico-médiatique

Depuis que la presse existe, les médias savent que l’homme et son cerveau sont en quête permanente d’informations qui peuvent toucher sa survie. La peur fait vendre et la recette fonctionnera toujours. Pour s’en protéger, c’est à chacun de faire preuve d’intelligence émotionnelle et a minima, de se couper de cette inflation d’informations anxiogènes.

Au plan politique, le même constat a été fait. Il a été théorisé la première fois il y a plusieurs siècles, dans l’un des plus célèbres traités de sciences politiques « Le Prince », de Machiavel : « celui qui contrôle la peur des gens devient le maitre de leur âme ». Un gouvernement sait que s’il veut être réélu, il doit savoir apporter la sécurité à ses électeurs. Ce constat enseigné à tous les étudiants de science politique peut générer des « dérives sécuritaires », comme nous en avons tous connu ces cinquante dernières années.

Nous ne pouvons que souhaiter à nos médias et nos gouvernants une meilleure intelligence émotionnelle et prise de conscience des impacts de cette communication par la peur sur la santé psychologique. C’est vrai que ce soit pour la bonne santé des personnes âgées ou, d’une manière plus générale, pour trouver un bon équilibre entre « la peur du gendarme », synonyme de respect des règles et la « peur anxieuse sans limite » qui, elle, peut amplifier la souffrance au travail. Ces désastreux « effets secondaires » sont parfois plus nocifs que le « remède » imaginé pourtant comme protecteur.

Les RH en entreprises : maintenir à tout prix les rituels sociaux

Toute situation qui provoque un fort émotionnel, que ce soit un gros changement et aujourd’hui, les impacts de la crise sanitaire doit-être traitée au bon niveau, cad au plan des déséquilibres psychologiques provoqués par l’excès d’émotion. Tout écosystème humain doit pouvoir disposer de mécanismes de régulation de la pression émotionnelle pour qu’il fonctionne bien.

Nous oublions souvent que la plupart des rituels sociaux au travail ont cette fonction de régulation émotionnelle. Par exemple, un repas ou un pot d’équipe sert souvent à célébrer un succès, générateur de joie et d’un besoin de partage. Un pot de départ, sert à favoriser le deuil d’une perte d’un collègue qui s’en va, d’un projet qui se termine… Nous observons en ce moment que la crise limite, voire supprime beaucoup de ces rituels. Pourtant, cet émotionnel collectif est, avec les valeurs partagées, à la base du lien social. Leur suppression accentue dans un cercle vicieux désastreux le mal-être social, avec un impact important sur les RPS.

 

L’action managériale : écouter pour libérer les émotions

S’il y a trop d’émotionnel – avec cette crise beaucoup d’inquiétude, voire d’agacement – il faut donc veiller au maintien de ces rituels et mettre en place des modalités spécifiques de régulation de la pression émotionnelle, à tous les niveaux.

C’est une des fonctions du management, pour autant qu’il soit suffisamment sensibilisé à l’intelligence émotionnelle au travail. En résumé, un manager devra prendre trois mesure clés

  • Proposer des temps d’écoute individuelle empathique, centrées sur les ressentis et le vécu de la crise.
  • Mettre en place en réunion des temps d’écoute collective et d’expression du vécu. Il existe de nombreuses techniques dédiées à l’expression émotionnelle en réunion.
  • Être en vigilance des tensions interindividuelles, afin de prévenir les conflits, voire d’interagir dès les premiers signaux en posture de médiateur.

 

S’appuyer sur l’accompagnement externe

Si les managers trop « sur le pont » ne sont pas suffisamment disponibles ou ouverts à ces pratiques, un accompagnement externe s’impose. La régulation des émotions et la mise en mouvement d’une dynamique collective positive font partie des fonctions clés des psychologues et des coachs au travail. C’est un investissement important, voire vital dans la période actuelle, pour relancer la dynamique entrepreneuriale et managériale et dépasser les impacts pathogènes de cette crise.

L’accompagnement- coaching peut prendre différentes formes, selon les situations et l’urgence.

  • Tout dirigeant ou manager, plus impacté que d’autres, peut avoir besoin d’un coaching spécialisé, par un expert en santé psychologique au travail.
  • Au plan collectif, faire un diagnostic :
    • Une étude rapide pourra être très utile au dirigeant pour agir avec plus de discernement.
    • S’il s’agit d’embarquer un collectif, un travail plus participatif d’écoute servira à la fois à libérer les peurs et à trouver un consensus social, dans un plan d’action de progrès.
    • Les groupes de travail, laissant place à l’expression émotionnelle sont les outils idéaux pour relancer la motivation et une dynamique positive de progrès. Des ateliers thématiques peuvent, dans le même esprit, être organisés.
    • Enfin, il est important dans ce contexte de mener à bien des actions pour entretenir ou relancer la cohésion des équipes mal menées par la crise.

Repositionner la dynamique de prévention des RPS dans une logique plus dynamique d’équilibre systémique

Enfin, un des premiers enseignements de cette crise, au plan de la prévention des RPS est de nous montrer à quel point le stress et le mal-être individuels sont aussi systémiques.

Nos équilibres psychosociaux sont apparus à la fois tellement fragiles et impactant avec une telle force les grands enjeux humains et économiques, qu’il apparait vital d’apprendre à mieux les maitriser

L’impuissance et l’enfermement des autorités sanitaires dans des logiques analytiques cartésiennes se montrent dénués de toute intelligence émotionnelle. Si des grandes écoles ont enfin compris aujourd’hui le rôle de l’intelligence émotionnelle dans la santé et bien-être au travail, beaucoup trop de nos brillants décideurs se montrent encore totalement analphabètes dans cette dimension émotionnelle, pourtant au cœur des problématiques de santé, de la prévention des RPS et du bien-être au travail.

Par ailleurs, nous entrons à grande vitesse dans l’ère du tout numérique, voire du transhumanisme. La digitalisation des émotions et l’amplification des peurs par les réseaux sociaux leurs donnent une puissance déstabilisatrice phénoménale, totalement inattendue et immaitrisable. Personne aujourd’hui ne semble savoir la gérer, voire simplement s’en préoccuper.

 

La civilisation qui s’ouvre à nous sera écologique ou ne sera pas.

La vitesse exponentielle de croissance du monde amène plus vite que prévu l’écologie comme l’enjeu n°1, tant sociétal qu’économique. Tous nos écosystèmes sont perturbés. La civilisation du digital qui s’ouvre à nous sera écologique ou ne sera pas. La survie de notre planète et de notre espèce en dépend. Nous oublions simplement, comme nous le montre cette crise psychosociale, que l’écologie commence par l’étude des interactions de l’homme lui-même dans ses propres écosystèmes, comme au travail. Se sont bien leurs dysfonctionnements systémiques qui produisent des troubles de la santé physique ou mentale, pour autant que cette distinction cartésienne désuète fasse encore sens pour comprendre et agir pour la prévention des RPS.

 

Puisse la science des équilibres qu’est l’écologie, nous aider demain à adapter nos systèmes de prévention, pour compléter notre vision trop cartésienne – rationnelle analytique – par une évaluation plus systémique de nos équilibres psychosociaux, tel ceux de l’émotionnel au travail, vecteurs majeurs de santé et de bien-être durable.

 

Pierre-Marie Burgat

Coach – Psychologue – Membre Titulaire de la SFCoach

31/10/19

LES NOUVEAUX ÉQUILIBRES DU MANAGER, DANS UN MONDE EN MUTATION »

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Comment concilier bien-être et efficacité dans les organisations soignantes ?

Conférences et ateliers animés par Pierre-Marie Burgat, dans le cadre du séminaire MGEN de MANAGEMENT des ORGANISATIONS SOIGNANTES en établissement de santé ou médico-Sociaux

Dans une période de rupture de civilisation, les anthropologues parlent de notre époque comme d’une « mutation ». Notre économie basée sur la croissance se heurte aux limites de nos ressources. Tous les équilibres planétaires sont impactés, du climat aux équilibres humains – sociétaux, culturels et individuels dont dépendent la santé psychologique et le bien-être au travail.

Dans ce contexte de changements et de pressions permanents, la souffrance et les risques psychosociaux au travail sont particulièrement présents dans les institutions de soin.

 Et si l’écologie était aussi et avant tout humaine ? Les forêtsinfirmiere-couloir-urgences-g-e5c47 brûlent mais combien de « burn-out » aujourd’hui dans les organisations « soignantes ». Les urgences sont en crise, générant stress et mal-être, mais
si la cause était avant tout systémique ? N’est-ce pas le déséquilibre de toute
l’offre de soin en France qui vient engorger les urgences ?

On dit de l’écologie qu’elle est aussi la science des équilibres. Ses principes éthiques peuvent nous aider à repenser le management pour qu’il trouve ses équilibres dans des organisations chahutées par la plus grande des transitions jamais vécue par l’espèce humaine : passer du « néolithique » pour entrer à grande vitesse dans l’ère du « transhumanisme » avec ses impacts sur l’homme au travail et sa santé.

Comment redonner du sens au management à travers le concept d’écologie managériale ?

Conférence en plénière : « Entre stress et bien-être, les grands équilibres du management aujourd’hui »

3 ateliers  autour des nouvelles pratiques managériales à mettre en œuvre pour favoriser les équilibres humain et le bien-être au travail :

- Ateliers 1 : comment manager les équilibres émotionnels au travail

- Ateliers 2 : comment manager les équilibres identitaires et du sens

- Ateliers 3 : comment manager les équilibres humains dans le changement

Pour chaque atelier partage sur la compréhension des concepts et des outils, sur un autodiagnostic de sa situation de travail et les idées de progrès à mettre en œuvre pour favoriser l’écologie humaine et managériale dans les organisations soignantes.

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1/12/16

Le bien-être au travail en 10 questions – Paradoxe, leurre ou nouveau contrat social ?

Q. 7/10 – Comment développer le bien-être personnel relationnel et d’équipe ?

Dans les articles précédents (questions 1, 2, 3 4, 5,6), je constatais que si le bien-être était lié à nos conditions matérielles, c’était aussi un état psychique, voire une philosophie. Je discutais ensuite de l’intérêt pour une entreprise de le promouvoir, dans des contextes parfois défavorables. Pourtant beaucoup d’organisations font aujourd’hui le pari que la « qualité de vie » et le « bien-être » deviennent des leviers incontournables de performance « durable »… Mais « qualité de vie » ou « bien-être au travail » est-ce la même chose ? Le « bien-être » apparaît davantage centré sur la personne, la capacité à préserver ses équilibres pour se sentir bien au travail … La « qualité de vie au travail », elle, implique davantage de facteurs objectifs, comme les conditions de travail. Pour moi, bien-être et qualité de vie au travail ne s’opposent pas. Ils s’appuient tous deux sur la restauration de la confiance et de la responsabilité partagés. Pour faire progresser le bien-être au travail, il est indispensable de pouvoir évaluer la situation de départ et de mesurer les progrès. Les 7 besoins psychologiques (sens, reconnaissance, cadre, partage, réconfort, réparation, sécurité…)  sont pour moi les rubriques clés du nouveau « compte de résultat » du bien être au travail ! Le bien-être relationnel est lui  lié à 4 critères clés : la confiance en l’autre, la reconnaissance reçue, l’empathie et enfin, les valeurs partagées. Mais il ne peut pas y avoir de bien-être relationnel, sans bien-être personnel. Le développement du bien-être au travail suit ce chemin vertueux de l’écoute de soi vers l’écoute des autres, à la base du bien-être relationnel. Et le bien-être en équipe ? Une équipe fournit à chacun une protection et un lieu ressource important pour le bien-être au travail. Au-delà de la cohésion, le bien-être en équipe dépend de la conjonction de trois facteurs : le niveau d’appartenance, la solidarité et la coopération, enfin, l’énergie qu’elle va générer comme lieu ressource, favorisant ainsi l’intelligence et l’efficacité collective.

Comme nous l’avons débattu dans les premières questions, le « bien-être » est basé sur une perception subjective, échappant à notre contrôle. « Je me sens » plus ou moins bien et  parfois,  sans « raison » apparente.

Le « bien-être au travail » dépend par essence du travail lui-même. Il nécessite un « pouvoir  bien-faire ». Le travail va-t-il me permettre de « fabriquer », de « concevoir», de « me » réaliser de manière autonome, de laisser ma trace au quotidien, voire, de manière plus pérenne, rassurant ainsi au passage notre plus grande peur existentielle ? Mon travail va-t-il me permettre, par la qualité des relations, de recevoir la reconnaissance dont j’ai besoin ? Serais-je fier de mon travail, fera-t-il sens pour moi, dans ma représentation du monde, nourrissant ainsi l’estime-de soi,  facteur clé du bien-être au travail ?

Mais pour le renforcer et ressentir plus souvent ce bien-être tant recherché, notre perception sera sans cesse influencée par le souffle parfois agité de nos états d’âme, autrement dit, par nos équilibres psychiques. Au centre cet équilibre, il y a nos émotions, nos sentiments et les besoins psychologiques.

Comment donc l’intelligence émotionnelle influence-t-elle cet équilibre au centre du bien-être  personnel, relationnel  et d’équipe ?

Les émotions primaires sont au cœur de nos fonctionnements psychocorporels. Elles sont responsables tant de nos équilibres psychosomatiques, que de notre énergie dans l’action. Selon la théorie des besoins, « être bien », c’est trouver une satisfaction fluide et régulière, pour chacun de nos besoins majeurs. Nous évitons ainsi les frustrations, à l’origine de nombreuses pathologies psychologiques, mais aussi somatiques.

L’intelligence émotionnelle, par la conscience de ce processus, va nous permettre de faciliter cette quête, de limiter le plus possible nos frustrations ou d’apprendre à les gérer.

Quelle que soit la théorie utilisée, ces principes sont partagés par la plupart des experts scientifiques  dans le monde[1]. J’ai moi-même développé une échelle adaptée au management. Elle est volontairement  focalisée sur les quatre émotions primaires et les sept besoins associés les plus présents au travail. Cette typologie croise les recherches de la science occidentale et le savoir plurimillénaire de la médecine et de la psychologie chinoise, à laquelle j’ai eu la chance d’être initié, sur la base des travaux de Michel Deydier-Bastide.[2]

Ces émotions primaires (la peur, la colère, la tristesse, la joie) sont connues du grand public, grâce au film d’animation de Disney « Vice–versa ». Elles sont communes à tous les mammifères que nous sommes. Leur puissante fonction  génère simultanément un besoin. Il devra trouver satisfaction pour maintenir notre équilibre :

⁻          la peur, génère un besoin de sécurité

⁻          la colère, de réparation et de justice

⁻          la tristesse, de soutien ou de réconfort

⁻          la joie, de partage et de célébration…

La frustration de ces  besoins va générer à un premier stade, du mal-être, puis des troubles plus graves, comme le stress, et enfin, différentes formes de somatisations, bien connues des médecins, des petits maux de tous les jours, jusque des pathologies plus graves, comme certaines formes  de cancers.

En situation de travail, notre énergie psychique dépend aussi souvent simultanément de 3 autres besoins :

⁻          De cadre : Comme tous les mammifères, nous avons tous besoin de « limites », de « barrières »,  autrement dit de « cadre ». Au travail, ce besoin va se traduire par des règles de fonctionnement, des définitions de mission, ou encore des objectifs découlant d’une stratégie. Les limites sont aussi données par la morale, les valeurs et l’éthique. Le cadre peut aussi être déontologique.

⁻          De reconnaissance : Nous avons besoin à plus ou moins fortes doses de l’énergie fournie par la reconnaissance de notre travail, mais aussi de nous-même. Si je travaille en cohérence avec mes valeurs et que je suis fier de ce que je fais, j’aurais davantage de chances de ressentir un certain bien-être au travail.

⁻          De sens : Enfin, seul besoin propre à l’homme et premier des besoins dits « supérieurs », nous avons tous besoin de sens. Seul l’être humain se pose et se repose en effet sans cesse la question du « qui suis-je » ? Cette interrogation est au centre du processus permanent de construction et de reconstruction identitaire. Ces trois derniers besoins (cadre, reconnaissance, sens) sont fortement perturbés par les nombreux changements que vit la plupart des entreprises, dans l’époque de mutation que nous connaissons.

Développer son intelligence émotionnelle, c’est donc prendre davantage conscience des frustrations inévitables de la vie personnelle et professionnelle, moins subir leurs effets parfois douloureux et leurs impacts sur nos états d’âme, voire, sur nos relations et nos décisions au travail, réapprendre à gérer nos équilibres et notre énergie, quand les pressions et les fluctuations trop rapides de notre environnement affolent nos « boussoles intérieures ».

À titre d’illustration, pour la psychologie chinoise, le stress est essentiellement lié à un dysfonctionnement de nos deux émotions de survie que sont la peur et la colère. Si j’ai la perception d’avoir  trop de travail, je vais avoir peur de ne pas pouvoir « m’en sortir » et c’est le début du stress. Si je ne prends pas de recul, ce fonctionnement automatique va inévitablement me faire subir un « stress chronique », lui-même facteur de nombreuses pathologies. Développer son intelligence émotionnelle, c’est pouvoir, dans ce cas, décrypter et désamorcer ce processus, pour maintenir sa sérénité d’action. La colère, émotion de défense du territoire et de l’identité, au centre de l’assertivité, de l’affirmation de soi et du leadership, permettra à chacun de se protéger contre les « agressions » (charge, vitesse, « travail empêché ») susceptibles de provoquer une atteinte corporelle ou psychologique. Si l’énergie colère est trop faible dans une situation donnée, c’est un facteur favorable – par défaut de protection – à la souffrance et au mal-être.

Le mécanisme du stress et la maîtrise de soi qui permettra de rester serein en toute circonstance, s’illustre aisément dans les conduites sportives, particulièrement dans les sports à risque que j’ai moi-même beaucoup pratiqué. Un compétiteur, un alpiniste, un parapentiste et, plus banalement, toute personne confrontée à un danger physique ou mental, quel qu’il soit, doit pouvoir apprendre à dominer les automatismes émotionnels, car ils ne sont pas toujours adaptés. Ils peuvent ainsi bloquer l’action et nous conduire, malgré nous,  au mal-être, à l’anxiété ou au stress.

Si ces techniques véhiculées aujourd’hui en entreprise par de nombreuses pratiques de relaxation ou de « pleine conscience » ne doivent en aucun cas suppléer à une amélioration de la qualité de vie au travail, elles permettront néanmoins à chacun de dépasser les tensions inévitables de la vie professionnelle, pour préserver son bien-être et par la même celui de son entourage.

Au plan relationnel, nous savons que la qualité de nos relations est intimement liée au bon fonctionnement de nos émotions dites « de cohésion sociale » (la tristesse et son besoin de réconfort, la joie et son besoin de partage et de célébration). Le niveau d’empathie dans les relations, voire de compassion en cas de grandes difficultés, est directement lié à nos capacités émotionnelles.

Enfin, rappelons-nous que l’équipe est le facteur de protection majeure contre le stress et le mal-être au travail. Une équipe solidaire peut devenir un formidable lieu ressource, tant pour partager ses idées et nourrir l’intelligence collective, pour échanger des signes de reconnaissance, que pour partager ses émotions et faire le plein d’énergie !

Que peut faire l’entreprise et que peuvent faire les managers pour favoriser l’intelligence émotionnelle et le bien-être au travail, quels sont concrètement leurs leviers d’actions et  majeur d’équilibre individuel relationnel et d’équipe ? Nous débattrons ensemble de cette question prochainement ! 



[1] Voir, à ce propos le travail comparatif entre les courants scientifiques effectué par le CNRS. ll fait l’objet d’une vidéo pour le grand public « dans le secret des émotions ». Quatre scientifiques font le bilan des connaissances dans le domaine de la psychologie et de la neurobiologie des émotions : Paul Ekman, professeur de psychologie à l’Université de Californie, Antonio Damasio, professeur de neurologie à l’Université d’Iowa, Ray Dolan, professeur de neuro-imagerie à l’Institut de neurologie de Londres et  Atsuo Takawishi, professeur de génie mécanique à l’Université de Waseda.

[2] D’après l’enseignement de Michel Deydier-Bastide. Ancien élève du Dr Lo Chi Kwong auprès de qui il a obtenu un Doctorat en médecine orientale à Hongkong, Michel Deydier-Bastide se consacre aujourd’hui exclusivement à l’enseignement de la Psychologie Chinoise Xin Li® dont il est le fondateur. Il dirige l’Académie de Psychologie Chinoise de Hong-Kong et de France. Cf. Traité de psychologie chinoise. Deslris, 2005.

9/11/16

Question 6/10 – Qu’est-ce que le bien-être en équipe et comment l’évaluer pour le développer?

Le bien-être au travail en 10 questions -Paradoxe, leurre ou nouveau contrat social ?

Question 6/10 – Qu’est-ce que le bien-être en équipe et comment l’évaluer pour le développer?

Dans les articles précédents (questions 1, 2, 3 4 et 5), je constatais que si le bien-être était lié à nos conditions matérielles, c’était aussi un état psychique, voire une philosophie. Je discutais ensuite de l’intérêt pour une entreprise de le promouvoir, dans des contextes parfois défavorables. Pourtant beaucoup d’organisations font aujourd’hui le pari que la « qualité de vie » et le « bien-être » sont devenus des leviers incontournables de performance « durable »… Mais « qualité de vie » ou « bien-être au travail » est-ce la même chose ? Le « bien-être » apparait davantage centré sur la personne, la capacité à préserver ses équilibres pour se sentir bien au travail … La « qualité de vie au travail », elle, implique davantage de facteurs objectifs, comme les conditions de travail. Pour moi, bien-être et qualité de vie au travail ne s’opposent pas. Ils s’appuient tous deux sur la restauration de la confiance et de la responsabilité partagés. Pour faire progresser le bien-être au travail, il est indispensable de pouvoir évaluer la situation de départ et de mesurer les progrès. Les 7 besoins psychologiques (sens, reconnaissance, cadre, partage, réconfort, réparation, sécurité…)  sont pour moi les rubriques clés du nouveau « compte de résultat » du bien être au travail ! Le bien-être relationnel est lui  lié à 4 critères clés : la confiance en l’autre, la reconnaissance reçue, l’empathie et enfin, les valeurs partagées. Mais il ne peut pas y avoir de bien-être relationnel, sans bien-être personnel. Le développement du bien-être au travail suit ce chemin vertueux de l’écoute de soi vers l’écoute des autres, à la base du bien-être relationnel.

Le bien-être en équipe, est-ce bien différent ? Quels sont les facteurs qui vont nous permettre de le mesurer et de le développer ?

Mais qu’est-ce qu’une équipe ? Les managers cherchent à développer la cohésion de leur équipe. Est-ce bien différent du « bien-être en équipe » ? Une équipe soudée est-elle synonyme de bien-être ?

Une équipe répond à des mécanismes de fonctionnement spécifiques dont vont dépendre sa cohésion. Elle doit notamment avoir un leader reconnu, un but commun, un cadre clair qui délimite les rôles et responsabilités de chacun. La cohésion d’une équipe dépendra aussi de facteurs dits « subjectifs »,  comme la qualité des relations ou la confiance.

Le bien-être ensemble ou en équipe renvoie pour moi à 3 autres critères : l’appartenance, la solidarité et l’énergie du collectif.

1.Mon équipe (appartenance) : Comment l’équipe contribue-t-elle à mon identité sociale et professionnelle ?

Au travail, l’équipe correspond au premier niveau de l’appartenance sociale et professionnelle : mon équipe, mon service, mon entreprise, mon secteur d’activité ; mon activité, mon métier, ma mission (complémentaire des autres)….

L’équipe est un maillon ou un échelon de notre identité sociale et professionnelle …  Je suis bien dans mon équipe, si mon identité est respectée, notamment, si je peux retrouver dans l’équipe suffisamment de cohérence avec mes valeurs.

2.L’équipe solidaire : Comment l’équipe constitue-t-elle un  lieu de protection, contre le mal-être, ou les facteurs de risque ?

Le lien et la solidarité sociale jouent un rôle fort de protection, contre la souffrance au travail et les risques psychosociaux. La qualité de ce lien permettra à des personnes en difficulté de passer un cap ou de mieux gérer une situation difficile : « heureusement qu’il y a les collègues et l’équipe en ce moment »… Ainsi je suis bien dans mon équipe, si je me sens soutenu face aux difficultés du travail, si la coopération  et la solidarité supplantent l’individualisme.

3. L’équipe ressource : comment l’équipe devient-elle une source d’énergie

Je suis bien dans mon équipe si je peux y « recharger les batteries ». C’est d’autant plus vrai dans certains métiers exposés émotionnellement, comme aux relations clients. Notre énergie et nos équilibres dépendent ne l’oublions pas, de nos 7 besoins, énergétiques (sens, reconnaissance, dans un cadre clair) et émotionnels.

Un lieu ressource et de bien-être est aussi un lieu d’écoute et de régulation. On se croise dans les couloirs d’un bonjour poli mais pressé, ou, prenons-nous le temps de nous écouter, en bilatéral et en équipe ? Comment nos réunions sont-elles organisées ? Laissent-elles de la place aux partages des ressentis, au débriefing? Ou, « on n’a pas le temps, pas d’état d’âme » !  L’équipe ressource doit permettre à chacun de poser ses craintes, pour favoriser l’émergence de nouvelles motivations et re-booster les énergies.

Ces trois critères  - appartenance, solidarité, énergie- vont faire que chacun se sentira plus ou moins bien dans son équipe. Ils signent aussi le degré de maturité de l’équipe. Une  équipe ne peut exister sans identité. Avec son identité,  la solidarité la rendra plus forte. Pour la bonne gestion de son énergie, et atteindre un certain bien-être, elle doit devenir un véritable « lieu ressource ».

Les équipes sous stress

Les équipes aujourd’hui sont souvent mal menées. Les 5 principaux facteurs de risques que j’observe sont : les changements, la pression sur les délais, le manque de moment de partage, le mode de management et l’individualisation des salaires.

-          les changements fragilisent les équipes : turn-over des équipiers, changements de leaders, etc. C’est le cas notamment lors des fusions ou des réorganisations.

-          la pression sur les délais laisse moins de temps à l’écoute, facteur essentiel de cohésion. La pression sur les résultats appauvrit l’équipe en échange de signes de reconnaissances, autre facteur clé de coopération

-          la diminution, pour des raisons budgétaire, des moments de partages et des rituels d’équipe (repas, pots, célébrations, séminaires, team building…) bloque certains processus de gestion des émotions au travail. Le processus  du deuil est freiné par l’absence de rituels, comme les pots de départ, par exemple.

-          un management gestionnaire trop centré financier ne laisse pas de place au partage des ressentis. Beaucoup de manager aujourd’hui confondent « débriefing » des ressentis et reporting des résultats. L’optimisation des temps de réunion et le management à distance renforcent cette tendance désastreuse pour le bien-être ensemble.

-          Enfin, l’individualisation salariale nuit fortement à l’esprit d’équipe et à la coopération.

Comment évaluer le bien-être en équipe et le faire progresser ?
Comme dans toute démarche de prévention des risques psychosociaux, le premier travail d’évaluation est d’identifier dans ces 5 domaines, les facteurs de risques  et leur importance. Il s’agira ensuite de les éliminer ou de les limiter au mieux.

Dans les audits humains que je conduis, je cumule les 3 séries de facteurs qui fondent le bien-être au travail : les 7 besoins clés du bien-être personnel, les 4 critères relationnels (confiance, reconnaissance reçue, l’empathie, les valeurs partagées) et les 3 critères que nous avons définis pour qualifier la maturité d’une équipe : l’appartenance, la qualité du lien (solidarité, coopération…), et l’énergie d’équipe, associé au degré d’ouverture et de confiance mutuelle.

Ces 10 critères peuvent facilement donner lieu, grâce à quelques questions simples, à  une auto-évaluation et à la définition d’un plan d’améliorations.

En guise de conclusion, au delà de la cohésion, facteur puissant de protection, le bien-être en équipe requiert pour sa part, un niveau élevé de maturité managériale pour faire de l’équipe un « lieu ressource », d’écoute, de partage, dans l’ouverture et la confiance réciproque. Ils permettront à chacun d’accroître son bien-être, pour favoriser l’efficacité collective au travail.

Comment développer son bien-être personnel ? Cela nécessite-t-il nécessairement un travail sur soi ?  L’intelligence émotionnelle est-elle un facteur de bien-être  personnel  ou relationnel ? En quoi l’intelligence émotionnelle joue-t-elle sur le bien-être en équipe ?

Retrouvons-nous prochainement pour échanger sur ces nouvelles questions !

bien-être en équipe Capital Santé

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27/10/16

Question 5 – QU’EST- CE QUE LE BIEN-ETRE RELATIONNEL ? COMMENT LE MESURER ?

Suite de ma chronique sur le bien-être au travail 

Le bien-être au travail en 10 questions
Paradoxe, leurre ou nouveau contrat social ?

Dans les articles précédents (questions 1, 2, 3 et 4), je constatais que si le bien-être était lié à nos conditions matérielles, c’était aussi un état psychique, voire une philosophie. Je discutais ensuite de l’intérêt pour une entreprise de le promouvoir, dans des contextes parfois défavorables. Pourtant beaucoup d’organisations font aujourd’hui le pari que la « qualité de vie » et le « bien-être » sont devenus des leviers incontournables de performance « durable »… Mais qualité de vie ou bien-être au travail est-ce la même chose ? Le bien-être apparaît davantage centré sur la personne, la capacité à préserver ses équilibres pour se sentir bien au travail … La qualité de vie au travail, elle, implique davantage de facteurs objectifs, comme les conditions de travail. Pour moi, bien-être et qualité de vie au travail ne s’opposent pas. Ils s’appuient tous deux sur la restauration de la confiance et de la responsabilité partagés. C’est ce que certains appellent les « entreprises libérées ». Pour faire progresser le bien-être au travail, il est indispensable de pouvoir évaluer la situation de départ et, par la suite, de mesurer les progrès. Les 7 besoins psychologiques (sens, reconnaissance, cadre, partage, réconfort, réparation, sécurité…) sont pour moi les rubriques clés du nouveau « compte de résultat » du bien être et de la qualité de vie au travail !

Si la mesure du bien-être au travail renvoie à la psychologie individuelle dans l’organisation, évaluer le bien-être nécessitera de s’intéresser aussi à la qualité des relations. C’est ce que certains appellent le « bien-être relationnel ».
Enfin la mesure du bien-être demandera également d’évaluer le niveau d’intégration sociale, dont le premier maillon est l’appartenance à l’équipe. C’est « le bien-être en équipe ».

Le bien-être, « être bien » c’est en premier lieu « être bien avec soi ». Comment suis-je capable de gérer mes frustrations, de maintenir mes équilibres émotionnels, ou ma « cohérence identitaire », l’alignement avec mes valeurs. Mais le bien-être dépend aussi très étroitement, comme le bonheur, de la qualité de nos relations, comment elles peuvent nous « nourrir ». Si évaluer notre bien-être dépend de la satisfaction des sept besoins examinés précédemment (sens, reconnaissance, cadre, partage, réconfort, équité, sécurité), le bien-être relationnel dépend pour moi de 4 critères clés :

  • la confiance en l’autre
  • la reconnaissance reçue, dans ses relations (pairs, collègues, clients, hiérarchie…)
  • l’empathie dans les relations, voire, la compassion
  • les valeurs partagées dans les relations au travail

J’ai plus souvent l’occasion de diagnostiquer des situations de souffrance personnelle et relationnelle que de bien-être ! C’est pourtant ce dernier que je mets toujours en perspective, comme notre étoile du berger ou un idéal à tous retrouver. L’absence de confiance paralyse les relations, sans reconnaissance nous perdons l’estime de soi et des autres, sans empathie ni soutien mutuel, l’individualisme règne en maître et l’absence de valeurs partagées ouvre grand la porte à tous les conflits.

Mais ces quatre principaux critères de bien-être relationnel ne pourront être satisfaits que dans la mesure où nous disposerons d’un équilibre et d’un bien-être personnel suffisant. Si de nombreuses études tendent à montrer que le bien-être, voire le bonheur, sont liés à la richesse de nos relations, cette qualité relationnelle dépend pour beaucoup au départ du bien-être avec soi.  Il est ainsi bien connu que les frustrations personnelles et les souffrances qu’elles peuvent engendrer ne facilitent pas la qualité des relations.

  • La confiance envers autrui dépend très étroitement de la confiance en soi. L’image plus ou moins positive d’autrui apparaît très liée à l’image de soi. Si la confiance peut se gagner au fur et à mesure des échanges, dans les nouvelles relations ou les nouvelles situations, notre capacité à faire confiance aux autres dépend en grande partie de la « confiance en soi ». La confiance se développe aussi grâce à notre ouverture, à notre capacité à accepter ses propres vulnérabilités, comme celles des autres.
  • La reconnaissance, nourrissant la relation dépendra de notre propre capacité à en « donner », « recevoir » et aussi à en « demander ». La reconnaissance est bien une dynamique personnelle et relationnelle dont on dit qu’elle est « systémique ».
  • L’empathie, qualité d’écoute de l’émotionnel d’autrui résultera de notre propre maturité émotionnelle. Au delà de l’empathie, écouter la souffrance de l’autre dépend étroitement de notre capacité « d’auto-compassion ». Dans la philosophie taoïste, entrer dans la sagesse, c’est accéder à la compassion. Pour être capable de cette vertu, il faut avant toute chose savoir écouter sa propre souffrance.
  • Les valeurs sont de puissants marqueurs identitaires, facteurs de lien social. Une valeur c’est ce qui vaut pour moi. Une valeur partagée c’est ce qui vaut pour l’un comme pour l’autre. Les valeurs sont au centre du bien-être relationnel. Mais si je m’en éloigne, si je vis dans l’incohérence, la culpabilité m’envahira. Si quelqu’un attaque mes valeurs et croyances, la colère voire la haine installera le mal-être, le conflit ou la guerre dans les relations.

Confiance, reconnaissance, empathie, valeurs partagées… le bien-être relationnel se construit sur le chemin du développement du bien-être personnel. Au-delà des relations au travail, nous appartenons tous à un collectif, à une organisation dont le premier maillon est l’équipe.

Le bien-être en équipe dépendra d’autres facteurs dont nous pourrons discuter prochainement.