19/07/13

De la crise éthique au changement par le sens (suite, partie 5)

Suite de l’article publié dans l’Expansion Management Review, rédigée par Pierre-Marie Burgat (juin 2012, 10 p.) : « de la crise éthique au changement par le sens »; N°145 :  Impasses et défis du management.

Lire les précédents extraits :   »Ethique et entreprise : des premières incitations réglementaires à la quête des nouveaux consommateurs »; « L’éthique commence par soi-même »  »De quelle crise parlons nous » ?   »Mettre l’homme et l’éthique au centre » Quels changements voulons nous ?

L’éthique pour sortir de l’ego et nous ouvrir à l’unité ?

« Et pour la première fois dans l’histoire du monde l’argent est maître sans limitation ni mesure. Pour la première fois dans l’histoire du monde l’argent est seul en face de l’esprit  »…. [1]

De nombreux intellectuels prédisent ou espèrent un XXIème siècle plus ouvert à la dimension spirituelle.

Et si la spiritualité, nous permettait de sortir des vaines quêtes matérialistes toujours insatisfaites … Et si le bonheur, notre réalisation et notre sérénité étaient ailleurs que dans la quête sans conscience de nos besoins ?

Peut-être y a- t-il en fait aujourd’hui de moins en moins de « citoyens consommateurs »  pour penser  avec ce célèbre publiciste, que pour se montrer accompli à 50 ans, « il faut avoir pu acheter une Rolex »[2]! Le culte de l’objet (et de l’Ego) comme seul moyen de reconnaissance sociale et d’accomplissement signe les dérives narcissiques de notre société matérialiste et individualiste.

D’après un récent sondage[3], pas moins de 88% de français pensent que « la crise est l’occasion de changer nos modes de consommation », voire de consommer autrement. Et qu’est ce que consommer autrement, sinon moins et plus « juste » ?

A l’autre extrémité du matérialisme, il y a la conscience … et derrière l’Ego – comme l’a modélisé Carl Gustave Jung il y a plus d’un siècle,  il y a le Soi, et son ouverture vers le spirituel.

Nous associons trop souvent la spiritualité à la religion. La spiritualité est plus simplement liée au dépassement de cet Ego aliénant, par  l’élargissement de notre champ de conscience, nous ouvrant au sentiment d’appartenance à l’Humanité une, à la nature et au cosmos[4].  C’est aussi le chemin d’une certaine transcendance qui nous éloigne de ce fameux culte de l’objet, de la possession stérile et de la consommation.

N’est-ce pas cela dont il s’agit aussi dans la globalisation ? Si les échanges de biens ou d’informations deviennent planétaires, la conscience morale ne doit-elle pas devenir aussi planétaire ? Ne sommes nous pas tous citoyens du monde, tous unis par les mêmes archétypes spirituels et le besoin de protection de notre planète ? Le ciel n’a pas de frontières et nous respirons le même air…

Si nous souhaitons pour beaucoup consommer autrement, sortir du matérialisme et de la surconsommation n’est ce pas en nous ouvrant à d’autres cultes que celui de  l’objet ?

Et cette prise de conscience exprimée par une majorité de « citoyens-consommateurs » de « changer nos mode de consommation », ne marque-t-elle pas l’entrée tant annoncée dans l’ère postindustrielle [5]?  Et ne va-t-elle pas bientôt bouleverser le paysage de nos entreprises et bien au-delà de ce qu’annonce notre crise dite « financière » ?

Pour le philosophe André Le Compte Sponville, la « spiritualité sans dieu »[6] sur laquelle s’ouvre le XXIème siècle, c’est aussi rentrer davantage en cohérence avec les valeurs universelles véhiculées par nos traditions spirituelles. C’est autrement dit développer la fidélité à ses valeurs et son alignement. Plus de cohérence entre les valeurs qui m’ont fondé et aussi ma civilisation, mon action, mes comportements au quotidien, comme par exemple, ma « consommation » …

Sommes-nous si loin, dans cette spiritualité là des besoins de « l’entreprise du futur » et de sa responsabilité sociétale ?

Sommes-nous si loin dans cette spiritualité là, de notre désir personnel de retrouver un lien avec l’énergie et la chaine du vivant, de retrouver du sens à nos propres contributions et de construire ensemble nos nouvelles « cathédrales » ?

« Le changement global ne commence t-il pas toujours par le changement personnel »[7] et ses propres engagements ?  Et ne sommes nous pas déjà tous en route ?

L’utopie et l’idéal ont ceci de puissant que, comme l’éthique, ils guident nos choix et orientent nos vies.

Chaque geste compte dans l’intention éthique et dans un changement holomorphique, le système en mouvement nous le renverra au centuple …

Le monde de demain nous appartient et je nous fais confiance.

Notre révolution est entre nos mains !

Pierre-Marie


[1] Charles PEGUY- Note conjointe sur M. Descartes (1914)

[2] Parole du publiciste Jacques Séguéla  très souvent tournée en dérision dans les médiats: «une Rolex, enfin ! tout le monde a une Rolex ! Si à 50 ans on n’a pas une Rolex on a quand même raté sa vie ! »

 

[4]Alain Setton – Gagner sa vie sans perdre son âme – Presse renaissance -2011 ;  Interview de Robert Kulling, pour la SF coach- Mars 2012.

[5] Vincent LENHARDT. Les responsables porteurs de sens – Insep Editions, 2001

[6]  André COMTE-SPONVILLE. – La spiritualité sans dieu – Frémeaux & Associés – 2008

[7] Dali Lama.

26/06/13

De la crise éthique au changement par le sens (suite, partie 5)

Suite de l’article publié dans l’Expansion Management Review, rédigée par Pierre-Marie Burgat (juin 2012, 10 p.) : « de la crise éthique au changement par le sens »; N°145 :  Impasses et défis du management.

Lire les précédents extraits ?   »Ethique et entreprise : des premières incitations réglementaires à la quête des nouveaux consommateurs »; « L’éthique commence par soi-même »  »De quelle crise parlons nous » ?   »Mettre l’homme et l’éthique au centre »

QUELS CHANGEMENT VOULONS-NOUS ?

Toujours plus de profits ou plus de rentabilité, des organisations éclatent, fusionnent, des usines ferment pour s’installer quelques milliers de km plus loin, avec évidemment les cortèges de violence, de drames et de souffrances humaines qui en résultent… Le monde change trop vite. Dès lors, la question qui se pose à tous les responsables – dirigeants, managers ou accompagnants – est la suivante : si nous ne pouvons-pas arrêter le train du changement en marche, comment l’accompagner « autrement », pour moins de violence et de souffrance ?

A un second niveau, quel autre changement de fond faut-il impulser pour en finir avec ce changement là ?

Accompagner le changement autrement

Les principes d’accompagnement du changement humain sont bien connus mais peu appliqués. Nous savons tous que le changement « se conduit » au niveau rationnel de l’organisation et qu’il devrait plutôt être « accompagné », et à un autre rythme plus « écologique », aux plans humain, social et culturel. Cependant, nous savons tous aussi que ces principes ne sont que peu suivis, souvent prisonniers que nous sommes de l’urgence et des pressions de l’organisation.  De nombreuses études montrent pourtant que la très grande majorité des échecs des transformations – avec des impacts financiers considérables – sont liés à une carence d’accompagnement à ces niveaux dits « subjectifs » [1].

Accompagner le changement autrement, de manière plus éthique, n’est-ce pas déjà tout simplement questionner en tant que manager sa propre éthique et son alignement, dans le respect de ces principes fondamentaux ? Est-ce que je prends le temps d’associer les acteurs ? Est-ce que j’intègre l’histoire, nos « missions»… pour reconstruire une nouvelle vision partagée qui s’ancre dans nos valeurs … ? Ou est ce que je pars tête baissée vers les objectifs financiers que je décline aveuglément et en me réfugiant dans l’action  …

Il n’y pas dans cette logique, ni nouveauté, ni solution idéale, mais avant tout et dans l’humilité, de meilleurs compromis à trouver en conscience, entre le respect de l’humain et les contraintes économiques.

Accompagner l’autre changement

Mais quel est le vrai changement auquel nous aspirons ?

Le « vrai changement », n’est-il pas celui qui va permettre non pas de donner plus de sens à la même réalité inacceptable, mais bien de « manager par le sens »[2] et donc par l’éthique et les valeurs. C’est, autrement dit, de replacer la performance économique et financière comme une résultante et non comme un but.

Quelle ambition éthique et  sociétale pour mon entreprise ?  Quelles valeurs servir et quels moyens mettre en œuvre  pour réussir dans mon métier avec ces valeurs ?

Cette orientation est loin d’être utopique. A un moment où le monde et notre civilisation vacillent, où autrement dit, notre système cherche de nouveaux équilibres, l’ambition éthique est un vrai levier d’engagement et donc de « performance autrement ».

Elle demande simplement, à chaque dirigeant, à chaque manager ou à chaque « accompagnant », de prendre ses responsabilités. Elle demande aussi, de l’autre coté, de faire notre « marché éthique » au quotidien, autrement dit de changer notre mode de consommation. L’un ne va pas sans l’autre.

Promouvoir le changement holomorphique 

« La partie est dans le tout et le tout est dans la partie » … Il est connu au travers de ce principe que le changement dans son périmètre d’influence peut faire évoluer le système qui vous le renvoie alors. Changer de type d’épargne banque par exemple et il y aura alors demain de plus en plus de fonds et de banques éthiques ! Il n’y a donc pas, dans cet esprit, de responsabilités ni de changements mineurs, tant par le nombre de personnes que par l’ampleur du changement initié.

Le changement holomorphique, c’est aussi « ici et maintenant ». Il a déjà commencé avec vous qui lisez ces lignes. Chaque prise de conscience compte et chacun peut par ses petits gestes nourrir le changement au bon endroit.

S’il n’est pas possible de changer le monde …, il est toujours possible de le changer « un homme à la fois » et en commençant par soi même ! Il est aussi possible de sortir de la passivité et d’avancer dans son périmètre d’influence et nous en avons tous un !

Il faut aussi sortir de l’idée que le changement vient « d’en haut » ou qu’il doit être « global » pour réussir. Il commence encore une fois toujours par soi et nous en sommes donc tous responsables.

De même que l’acte d’achat a un pouvoir d’influence fort s’il est orienté communément, tout comportement volontaire dans l’entreprise influence aussi le système dans lequel il se situe qui le lui renvoie ensuite.

Un exemple peut être celui de cette unité de production d’un grand spécialiste mondial de la gestion d’énergie. Pour conduire un changement profond de stratégie et de vision, la direction a préféré promouvoir une démarche d’intelligence collective, plutôt qu’un processus de sélection. En accordant sa confiance à tous ses managers, pour conduire ses transformations, par la promotion de la connaissance de soi de l’intelligence émotionnelle au service de la coopération, elle a permis le succès de ces changements[3]. Cette initiative a ensuite été dupliquée en transversal. Sur la base du volontariat, plus de cent autres managers ont depuis participé à propager ces valeurs et cet état d’esprit[4] au sein du Groupe.

C’est aussi, par ailleurs l’idée de la contagion positive par des comportements éthiques, comme la coopération, la solidarité, la reconnaissance, le partage ou encore la bienveillance. Le système vous le renverra aussi, alors n’hésitez pas …, il n’y pas d’over doses, juste une peu d’authenticité ! De nombreux accompagnants coachs ont pu en faire l’expérience dans la conduite de leurs missions.

La prochaine fois mi-juillet

L’éthique pour sortir de l’ego et nous ouvrir à l’unité ?

« Et pour la première fois dans l’histoire du monde l’argent est maître sans limitation ni mesure. Pour la première fois dans l’histoire du monde l’argent est seul en face de l’esprit  »…. [5]

 


[1]  Gartner Group study “50% of projects do not achieve their stated goals. Furthermore, if we take the time factor into account, the failure rate rises to 80 %”

[2] Manager par le sens – David Autissier – Editions Eyrolles 2010.

[3] SCHNEIDER ELECTRIC PEC – Dispositif leadership – « Les nouveaux leaders- © »

[4] Formations « Practice leadership »- les nouveaux leaders vers la performance autrement.

[5] Charles PEGUY- Note conjointe sur M. Descartes (1914)

 

13/02/13

Conduire le changement par le sens : éthique, cohérence et engagement

Premier chapitre de la note de réflexion parue dans l’Expansion Management Review « Impasses et défis du management », rédigée par Pierre-Marie Burgat (juin 2012, 10 p.)

Une société a besoin de principes et de règles pour se pérenniser et se développer harmonieusement. La plupart de nos « valeurs morales » qui organisent les relations sociales – telles la solidarité, le respect, la justice, ou le partage – ont été véhiculées depuis la nuit des temps par les grandes traditions spirituelles. Nous sommes tous intrinsèquement porteurs de ces codes culturels, à dominante judéo-chrétiens, en ce qui concerne la majorité d’entre nous.

Or les systèmes de valeurs qui structurent notre civilisation sont aujourd’hui mis à mal par l’emprise du spéculatif sur nos économies, la tentative de transformation du travail, de la culture, de l’eau, de l’air, de l’espace… et même des relations entre les êtres, en marchandise[1].

De cette crise éthique générale découlent toutes les autres crises : économiques, géopolitiques, politiques, écologiques, sociales,  humanitaires … et les crises au sein de nos organisations.

DE QUELLE CRISE PARLONS-NOUS ?

A la racine de nos crises, il y a une implosion identitaire en chaîne … et donc une implosion des valeurs morales qui structurent nos identités et qui concourent à l’éthique. Mais qu’est-ce que l’éthique ?

On peut définir l’éthique comme « l’art de diriger sa conduite, son comportement… », à partir de l’intégration d’une « morale, science du bien et du mal »[2].

Le capitalisme en lui-même n’a jamais été éthique. Il ne possède pas de morale intrinsèque. Il ne peut être régulé que de l’extérieur, par la loi. Cela n’est pas nouveau. Ce qui est nouveau, en revanche, et que certains auteurs ont pu qualifier de «  révolution ultralibérale », [3]c’est la sacralisation du marché[4]  comme principe général de régulation de la vie en société. L’économie n’est plus «  encastrée »[5] dans la société comme c’est le cas depuis des millénaires, mais c’est la société qui se retrouve «  encastrée » dans l’économie.

L’emprise de l’économie sur la société et celle de la finance sur l’économie, couplées avec la libre circulation de l’image sur web concourent à broyer les cultures et leurs valeurs morales.

Le malaise que l’on observe dans les organisations s’inscrit dans le cadre d’une dérive globale qui est donc loin de n’être « qu’économique ». C’est vrai ainsi de la chute des valeurs de la République, par exemple au travers des surprenantes évolutions du système fiscal français [6] ou encore de ce qu’est devenue en peu de temps la liberté de la presse[7]. C’est vrai, des salaires des footballeurs et du star-système en général, de la dérive de la télévision de consommation[8] ou encore de l’absence totale de garde-fou moral du web. C’est vrai encore, du non alignement éthique de beaucoup de nos responsables politiques qui ne modélisent plus suffisamment l’intégrité à laquelle devrait pouvoir s’identifier tout citoyen et, qui plus est, les  nouvelles générations.

Ce monde devenu global nécessiterait soit des instances de régulation fortes (les instances internationales existantes n’arrivent pas réguler quoi que ce soit), soit un haut niveau de conscience individuelle. C’est d’autant plus vrai dans la plupart des pays industrialisés en occident, que la guidance spirituelle ou religieuse qui assure ce rôle fondamental s’est plus ou moins effacée.

 La suite le 3 mars 2013 : « Ethique et entreprise, des premières incitations réglementaires à la quête des nouveaux consommateurs »



[1] L’exploitation financière de la relation et du lien social par les gestionnaires de réseaux sociaux, dont Face book.
[2] J. ROJOT, « Déontologie et gestion des ressources humaines », 1992, p. 118.
[3] Voir Alain Supiot, «  L’Esprit de Philadelphie, la justice sociale face au marché total », Paris, Seuil, 2010
[4] Expression de Dany-Robert Dufour. Voir aussi Jean-Michel Saussois : «  Le capitalisme, un Dieu sans bible », éditions le cavalier bleu.
[5] On doit cette notion d’encastrement à Karl Polanyi.
[6] Rapport IPP– étude de la fiscalité 1997-2012- de 2002 à 2012, l’impôt s’est allégé pour les tranches supérieures » « notre système fiscal avantage depuis plus de 10 ans  les détenteurs de patrimoines »
[7] Cf. « La concentration dans les médias »-  Observatoire Français des Médias (OFM). Place de la concentration des médias dans les dérives médiatiques actuelles
[8] Voir documentaire : « Le temps de cerveau disponible ». http://youtu.be/4S20kG2MoxI;


2/01/13

Conduire le changement par le sens : éthique, cohérence et engagement

Dossier l’Expansion Management Review « Impasses et défis du management », rédigé par Pierre-Marie Burgat, paru en juin 2012

Expansion-management-review

Manager autrement, c’est sortir de l’impuissance pour user de notre responsabilité et incarner nous-mêmes le changement que nous voulons voir dans le monde

Les points forts

La crise que nous vivons est avant tout une crise éthique. La carence éthique globale impacte en cascade tous les niveaux de gouvernance, du politique jusqu’à la direction et au management des entreprises encastrées dans le système.

Réduit à sa dimension de « ressource humaine » l’individu cherche en vain un sens à son travail. Ecartelé entre ses identités de « citoyen-salarié » et de « consommateur-épargnant », il peine à trouver une cohérence globale à ses actes.

Les entreprises et leurs managers, malgré la complexité et les pressions du système, disposent aussi de leviers pour pratiquer un management éthique, comme par exemple en associant leur vision aux grands enjeux de responsabilité sociétale et de développement durable.

Pour sortir de l’impuissance, la seule voie possible passe par le « changement holomorphique ». Chaque geste ou acte individuel a des répercussions sur l’ensemble du système. Manager autrement, c’est retrouver le chemin de la cohérence, pour un changement sociétal et dans nos organisations porté par l’éthique et la responsabilité individuelle.

La suite le 28 janvier 2013

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