13/01/17

Le bien-être au travail en 10 questions : paradoxe, leurre ou nouveau contrat social ?

Q. 8/10 – Le bien-être, quels leviers d’actions ?

Que peuvent faire concrètement, les personnes, les managers et l’entreprise, chacun à son niveau, pour favoriser l’intelligence émotionnelle et le bien-être au travail ?

Dans les articles précédents (Q. 1 à 8), je constatais que si le bien-être était lié à nos conditions matérielles, c’était aussi un état psychique, voire une philosophie. Je discutais de l’intérêt pour une entreprise de le promouvoir, dans des contextes parfois défavorables. Beaucoup d’organisations font le pari que la « qualité de vie » et le « bien-être » deviennent des leviers incontournables de performance « durable »… Mais « qualité de vie » ou « bien-être au travail » est-ce la même chose ? Le « bien-être » apparait avant tout centré sur la personne … La « qualité de vie au travail », elle, implique davantage de facteurs exogènes, comme les conditions de travail. Pour moi, bien-être et qualité de vie au travail ne s’opposent pas. Ils s’appuient tous deux sur la restauration de la confiance et de la responsabilité partagés dans une entreprise « libérée ».Mais pour faire progresser le bien-être au travail, il est indispensable de pouvoir mesurer ses progrès. Les 7 besoins psychologiques sont pour moi les rubriques clés du nouveau « compte de résultat » du bien être au travail ! Le bien-être relationnel est lié à d’autres critères, comme la confiance en l’autre, l’empathie et les valeurs partagées. Et le bien-être en équipe ? Au-delà de la cohésion, le bien-être en équipe dépend de la conjonction de 3 facteurs : le niveau d’appartenance, la solidarité et la coopération, enfin, l’énergie qu’elle va générer comme lieu ressource, favorisant ainsi l’intelligence et l’efficacité collective. Enfin, le bien-être « au travail » nécessitera dans l’action, un pouvoir « bien-faire », pour être ainsi  « fier » de son travail.

bien-êtreperso

 

 

 

 

 

Quelque soit l’environnement de travail, nous savons que le bien-être demeure une    perception, négative ou positive, différente selon les individus. Dans notre vie privée  comme au travail, notre bien-être dépend en fait pour beaucoup de notre intelligence émotionnelle. Nous pourrons apprendre grâce à elle à nourrir volontairement nos besoins psychiques, à compenser les frustrations liées à des facteurs exogènes, y compris très toxiques ou agressifs. Les témoignages de survie en camp de concentration dont les plus célèbres du psychologue Victor Frankel[1] ou de la pianiste Alice Sommer Herz[2] sont là pour nous le démontrer.

L’intelligence émotionnelle nous permettra de limiter les impacts négatifs de nos frustrations, à l’origine si elles se prolongent, du stress et de bien d’autres petits et grands mal-être au travail. Ce travail sur soi ne doit cependant nullement nous affranchir d’un travail sur les facteurs de risque exogènes, liés au management et à l’organisation.

Les leviers pour développer le bien-être au travail se situent donc à trois niveaux complémentaires indissociables :

-          de l’action personnelle que peut mener tout individu

-          du manager, dans sa sphère d’influence, indépendamment du système managérial

-          de l’organisation, avec sa politique et ses modes d’organisation, déclinés dans le système de management.

Nous nous intéresserons, pour cette question 8, aux leviers dont chacun peut disposer à titre personnel. Les deux leviers seront discutés dans questions suivantes.

Renforcer sa capacité à développer son bien-être pourrait faire l’objet d’un livre entier. Cela nous renvoie au long chemin du développement personnel, dont les finalités sont l’épanouissement, la réalisation de soi, voire le bonheur !

En synthèse quelques principes simples pour cheminer avec le bien-être

1) Prendre soin de soi 

«  Take care » m’a dit en quittant la maison un ami américain. Derrière cette expression, nous retrouvons un des fondements essentiels du bien-être : « prendre soin de soi ». Comment par l’écoute de soi répondons-nous aux « messages de l’intérieur », psychiques ou corporels, pour nous protéger des dangers de l’existence et préserver nos équilibres ?

2) Développer son intelligence émotionnelle

« Comment je me sens ? » La plus ou moins grande richesse de nos perceptions traduira notre niveau d’intelligence émotionnelle. De nombreux spécialistes ont montré que cette intelligence commençait par le développement de nos capacités de perception de nos émotions.

La première étape du mieux-être est donc d’apprendre à différencier nos ressentis, à mieux écouter les besoins qui y sont associés et de nous mettre en marche pour y répondre. Par exemple, nous pouvons avoir plus ou moins conscience dans un changement, des peurs qui inhibent nos initiatives ou génèrent chez nous de l’anxiété. « Prendre soin de soi », dans ce cas serait mettre tout en œuvre pour les écouter et nous sécuriser, sans inhiber l’action. C’est une des principes de base des techniques de survie dans les sports à risque, comme la haute montagne que j’ai beaucoup pratiqué.

Vous pourrez trouver dans « manager avec l’intelligence émotionnelle »[3], toute une série de conseils pratiques pour développer notre intelligence émotionnelle et ses équilibres : comment prendre conscience de ses freins émotionnels éducatifs et culturels ? Comprendre les mécanismes émotionnels pour les maîtriser ; Pratiquer au quotidien la régulation des émotions ; Mieux gérer ses trop pleins d’émotions ; Faciliter ses équilibres émotionnels…

3) Gérer ses équilibres psycho-corporels

Les émotions s’accompagnent de puissants mécanismes psycho-corporels influençant notre mode de respiration et notre rythme cardiaque. Nos automatismes cérébraux analysent sans cesse les informations stockées dans notre mémoire, pour choisir, évaluer et agir. Associées à notre système de croyance, ils nous permettront de décider et de nous projeter dans l’avenir. Nos déséquilibres émotionnels et nos frustrations produisent des ressentis et des pensées négatifs.

La plupart des techniques de gestion du stress utilisent la respiration pour reprendre la gouvernance de ces automatismes. Les plus pratiquées aujourd’hui en entreprise sont la « pleine conscience », la « sophrologie » ou certaines formes de « yoga ». Il y en a bien d’autres, plus ou moins occidentalisés, car, pour la plupart, ces techniques proviennent de très anciennes pratiques orientales.

NEW_wolkin_wellbeing

 

 

 

 

 

4) Éviter et se protéger

Pour favoriser son bien-être, chacun doit apprendre à se protéger des environnements et des personnes génératrices de mal-être. Si un collègue ou un manager, volontairement ou non (si lui-même est en souffrance), nous renvoie trop de signes ou d’émotions négatifs, nous allons, plus ou moins consciemment les ressentir et nous laisser gagner par le mal-être. C’est un phénomène de contagion bien connu, autant redouté dans certains sports collectifs qu’au travail. Au delà, une personne pourra générer volontairement des signes de reconnaissance négatifs pouvant altérer violemment l’estime de soi. C’est le cas des « pervers-narcissiques ». Là encore, notre intelligence émotionnelle pourra nous aider à détecter ces situations, pour nous en éloigner ou repousser « l’agresseur ».

5) Voir les choses positivement

« Enjoy », dit souvent Will en guise du traditionnel « bon courage ». Autre système de croyance très en vogue dans les entreprises, la « psychologie positive », plus naturelle chez les américains qu’en France. Ces théories sont basées sur des principes philosophiques très anciens. Ils nous invitent à voir l’avenir, les autres et le monde plus positivement. Cet état d’esprit cependant ne se décrète pas. Il ne suffit pas non plus de les apprendre pour que ça marche ! Ils sont davantage pour moi le signe d’un « bien-être intérieur » et d’un niveau de conscience plus développé.

La « méthode Coué [4]», basée sur l’intégration d’un système de croyances positives souvent caricaturée (tout va bien – tout va bien !)  pourra néanmoins nous aider à renforcer notre bien-être ! De mes années d’études en psychologie, j’ai retenu ainsi deux principes essentiels que j’applique au quotidien : le premier est de toujours chercher à comprendre le fonctionnement ou la personnalité d’autrui, plus que de le juger. Le second, c’est de toujours trouver un point d’intérêt chez l’autre et un plaisir dans les situations diverses que je vis, quelles qu’elles soient. Quand j’assiste, par exemple, à une conférence avec des collègues, je suis toujours surpris de la diversité des états d’âme, à la sortie de la salle. J’ai appris  à toujours trouver un intérêt qui viendra nourrir ma curiosité et me satisfaire. Je ressors donc la plupart du temps content, rarement frustré, même si l’orateur se situe en dehors de mon cadre de référence, voire de mes croyances. Nous pouvons tous tirer parti de ce type d’attitude.

Poursuivre son chemin avec les vertus de sagesse

Quelques soient leurs origines, la plupart des courants spirituels véhiculent des principes de sagesse porteurs d’un certain bien-être. Ils sont souvent repris par les diverses doctrines des écoles de psychologie. Nous retrouvons aussi beaucoup de ces principes en entreprise, véhiculés par les coachs et autres « gourous » laïques du bien-être, dont je fais parti !

La bonne nouvelle, c’est que les neurosciences arrivant maintenant à objectiver de nombreux phénomènes psychiques jusqu’alors taxés d’ésotériques[5], de plus en plus scientifiques s’ouvrent à une certaine spiritualité laïque. Avec la bénédiction de « la science », cette avancée lui donne son droit d’entrée en entreprise.

Et quels meilleurs remèdes que la spiritualité contre le stress et pour accéder au bien-être qu’un peu de spiritualité ? Sur la route d’une formation à la prévention des RPS, j’ai eu un soir une discussion surprenante avec un chauffeur de taxi. Je l’ai partagée sur mon blog dans mon livre (« rencontre avec Dieu dans un Taxi »[6]). C’est une belle leçon d’humilité et de sagesse populaire.

Mais « peu importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse » ! Quelque soit son origine culturelle, du christianisme, à l’islam en passant par le bouddhisme, voire, le chamanisme…, la spiritualité nous invite à nous nourrir des mêmes vertus,  du don de soi, de notre reconnaissance ou de cadeaux plus matériels. La gratitude fait partie aussi des clés de sagesse pouvant favoriser notre bien-être personnel et également au travail.

Enfin, les traditions spirituelles, comme aussi le taôisme dont s’inspire la psychologie chinoise traditionnelle, nous invitent à la compassion. Elles nous rappellent que l’entrée dans les « vertus de sagesse » commence nécessairement par l’écoute de sa propre souffrance, autrement dit, par « l’auto compassion »… Le bonheur ne dépend-il pas de notre capacité à nous construire dans la conscience et le dépassement de nos propres souffrances ?

Un manager me demanda un jour en stage de leadership, si la compassion était un sentiment compatible avec la vie en entreprise et ses obligations de résultats et d’excellence…

La compassion est-elle une faiblesse ou une nouvelle compétence en management  … ?

Nous en discuterons la prochaine fois si vous le souhaitez et des autres nombreux leviers dont dispose cette fois le manager de bien-être et l’entreprise, au service de l’efficacité collective, dans le plaisir partagé !


[1] Le médecin Victor Frankel produira plusieurs ouvrages issus de son expérience de survie dans les camps de concentration. Ses travaux déboucheront sur une nouvelle école de psychologie, toujours très active dans le monde, orientée sur le sens et son rôle fondamental dans la dynamique humaine. Pour Victor Frankel, si nous pouvons vivre sans nourriture ou sans sexe, nous ne pouvons pas vivre sans « sens ». Le sens permet de résister aux frustrations des besoins vitaux.

[2] Alice Sommer Herz,  nous donne un des plus grandes leçons de psychologie positive. C’est  son attitude toujours positive et reconnaissante y compris envers ses bourreaux qui la nourrira, lui permettra non seulement de survivre en camp de concentration, mais de s’épanouir là où la plupart dépériront : « je regarde toujours du côté du bien », « je n’ai jamais haï personne », ni même mes bourreaux, y compris dans les situations de souffrance et les frustrations les plus intenses.Cf. « Conversation avec une survivante de l’holocauste » et « Le monde d’Alice, 108 ans de sagesse », Michel Lafond, 2012.

[3] InterEditions 2016 – Chap. 2 P. 416 Développer son émotionnel.

[4] Tire son nom des travaux du psychologue et pharmacien français Émile Coué de la Châtaigneraie (1857 – 1926). Cette méthode est une forme d’autosuggestion censée entraîner l’adhésion du sujet aux idées positives qu’il s’impose et ainsi un mieux-être psychologique ou physique. Elle se veut autant préventive que curative.

[5] des effets de la méditation, à certains comportements « vertueux » sur le fonctionnement du cerveau, en passant par le rôle énergique des chakras, ou la visualisation de l’aura d’un saint, appelé aussi corps éthérique.

[6] Voir sur mon blog : http://ecologie-manageriale.fr/stress-et-spiritualite/

7/01/17

TF1 s’intéresse à mon approche « manager avec l’intelligence émotionnelle »

TF1 s’intéresse à « manager avec l’intelligence émotionnelle » !

Suite à un article dans Les Echos, sur le livre et la reconnaissance au travail

Sylivie PINATEL grand reporter de TF1 est venue vendredi 5 janvier  à STIMULUS- filmer la conférence que j’animais sur « Bien-être et reconnaissance au travail », avec les acteurs de « un rôle à jouer ».

TF1- 14-51-27

 

 

 

Qu’est ce que que le bien-être ? Quel rôle joue l’intelligence émotionnelle dans le bien-être ? Pourquoi utilise t-on si peu la reconnaissance au travail quand on connait ses bienfaits ? ET si nous manquons de reconnaissance, quels impacts sur soi et les relations ? Que peut-on faire pour que ça change ? …

conf

 

 

Très prochainement au 20h de TF1, un reportage avec le témoignage de NISSAN sur ses nouvelles pratiques de reconnaissance, d’IPSOS pour son baromètre du bien-être et des extrait de notre conférence théâtralisée.
Plus d’informations dans les webinars que jorganise avec STIMULUS ! (voir sur notre site)
17/11/16

A CHAQUE ÉMOTION SON ORGANE

Notre santé dépend étroitement de notre bon fonctionnement émotionnel

 Un article de « passeportsanté.net » et mon analyse.

diagramme-2Pour la médecine chinoise, les émotions primaires sont par essence biologiques et psychocorporelles. Chaque émotion est liée à un organe (ou une série d’organes), et nos dysfonctionnements émotionnels conduisent à des pathologies bien identifiées.

Nos émotions primaires ont une fonction puissante. La peur permets d’assurer notre sécurité, la colère de préserver notre territoire et notre identité, la tristesse de nous permettre de traverser les deuils et les diverses transitions de l’existence, et la joie, de partager et célébrer tous les événements heureux de l’existence .Il n’y a donc pas d’émotions positives ou négatives, bonnes ou mauvaises. La tristesse n’est pas une émotion négative, ni même la peur. Elles nous sont  très utiles. Ce qui est « négatif », c’est leur excès, leur manque et les ressentis des frustrations des besoins qui leurs sont associés, comme le besoin de sécurité, à la peur.

Les dysfonctionnements émotionnels se produisent donc quand notre émotion ne peut assurer sa fonction. Par exemple, si j’ai peur de perdre mon emploi et que mon métier et/ ou mon âge sont des barrières fortes à mon employabilité, ma peur risque de se pérenniser, sans que je puisse trouver, en tout cas à court terme, une sécurité. Ces dysfonctionnements peuvent alors provoquer, ce qu’en occident nous appelons de la « somatisation ». Bref, on va se rendre malade…

J’ai eu la chance de suivre un cursus de psychologie chinoise. Ma vision de la gestion des émotions en a été transformée. Les nombreuses années d’études en psychologie que j’avais suivie en France auparavant pour obtenir mon diplôme ne m’avaient en effet jamais donné ces clés de lecture, indispensables pour comprendre leur fonctionnement psychocorporel. Ces approches sont essentielles pour bien comprendre les équilibres fragiles de notre santé et aussi de notre bien-être.

medecine-chinoise-ressources-plurielles-02

Mais le vocabulaire utilisé par la médecine chinoise résonne encore parfois pour
la médecine traditionnelle, comme « ésotérique ». La notion d’énergie par exemple, très
peu  utilisée est mal perçue. Et pourtant, nous acceptons volontiers, l’efficacité de
notre ostéopathe, d’un médecin acuponcteur, ou la réalité plus troublante, de
ces milliers d’opérations réalisées par les chirurgiens chinois, grâce à cette
approche,  sans aucune anesthésie chimique.
Cette énergie émotionnelle est « fluide », si nos émotions peuvent assurer leur        fonction sans entrave (« j’ai peur, je peux trouver rapidement sécurité »), l’énergie
« stagne », si l’émotion n’arrive pas à répondre à sa fonction, quand l’émotion produit de la douleur corporelle, « la cellule est touchée », et lorsque nous entrons dans la maladie parfois grave, « le fonctionnement de l’organe, voire l’organe est endommagé ».

Suite à un audit des risques psychosociaux  conduits récemment au sein d’une PME restructurée, les deux personnes au centre de la tourmente, la DRH et le responsable informatique avaient toutes les deux en réponse à l’hyper- stress, contracté un cancer… Quand on sait que le stress est ni plus ni moins qu’un déséquilibre émotionnel, nous comprenons mieux le rôle primordial de nos équilibres émotionnels sur notre santé.

Cet article de la revue « Passeportsanté » décrit de manière simple et synthétique, le lien entre les émotions primaires et les principaux organes qui y sont rattachés.

http://www.passeportsante.net/fr/Therapies/MedecineChinoise/causes_internes.aspx

 

11/10/16

Question 4 – COMMENT EVALUER LE BIEN-ETRE DANS MON ENTREPRISE ?

Le bien-être au travail en 10 questions
Paradoxe, leurre ou nouveau contrat social ?

Dans les articles précédents (questions 1, 2, 3), je constatais que si le bien-être était lié à nos conditions matérielles, c’était aussi un état psychique, voire une philosophie. Je discutais ensuite de l’intérêt pour une entreprise de le promouvoir, dans des contextes parfois défavorables. Pourtant beaucoup d’organisations font aujourd’hui le pari que la « qualité de vie » et le « bien-être » sont devenus des leviers incontournables de performance « durable »… Mais qualité de vie ou bien-être au travail est-ce la même chose ? Le bien-être apparait davantage centré sur la personne, la capacité à préserver ses équilibres pour se sentir bien au travail … La qualité de vie au travail, elle, implique davantage de facteurs objectifs, comme les conditions de travail. Pour moi, bien-être et qualité de vie au travail ne s’opposent pas. Ils s’appuient tous deux sur la restauration de la confiance et de la responsabilité partagés. C’est ce que certains appellent les « entreprises libérées ».

Pour faire progresser le bien-être au travail, il est indispensable de pouvoir évaluer la situation de départ et, par la suite, de mesurer les progrès.

Le directeur d’un site de production me disait la semaine dernière : « tout ce qui compte pour moi c’est l’impact sur mon RBE[1] » ! Certes, mais il est aussi important de savoir sur quel levier agir et évaluer son «well being ROI », si nous voulons parler résultats financiers !

La qualité de vie au travail est basée sur des facteurs surtout objectifs. Il en existe de nombreux liés,  à l’absentéisme, au turn-over, à la démographie, au développement professionnel (accès à la formation, promotion…), à la santé (maladies professionnelles, inaptitudes…), à la sécurité, ou encore, aux conditions de travail (pénibilité, autonomie, horaires…). La difficulté dans ce travail d’évaluation, c’est que la qualité de vie et, davantage encore le bien-être, dépendent aussi de nos perceptions. Celles-ci sont liées à la qualité nos équilibres psychologiques. Or, l’entreprise sait peu les évaluer. Rares sont les ingénieurs, les gestionnaires RH, encore moins financiers, qui savent mesurer le facteur humain et encore moins l’émotionnel. Ils sont pourtant au centre de la dialectique bien-être/ mal –être au travail.

Dans une situation de mal –être, voire de crise, la seule réponse donnée par l’entreprise que j’observe régulièrement, c’est soit le déni, l’évitement, le « on attend que ça passe », soit, encore le déplacement du problème : on mute ou on organise au mieux la mobilité des salariés concernés. Le responsable prévention et sécurité d’un grand laboratoire pharmaceutique me disait récemment : « que faire avec des RH qui n’ont appris qu’à raisonner compétences. Ils n’ont pour la plupart jamais appris la psychologie. Ils savent gérer des ressources »… Mais ne valons-nous pas mieux que des « ressources » ?! Et oui, si beaucoup d’entreprises ont perdu leur âme, nous en avons tous une, avec ses valeurs et ses émotions. Notre santé psychologique en dépend.

Pour passer à l’action et favoriser le développement du bien-être au travail, il faut pouvoir en diagnostiquer les facteurs, non seulement matériels –comme un changement trop rapide ou une surcharge de travail – mais bien aussi « psychologiques », comme la montée de la peur, avant un changement important, ou des valeurs contrariées. Pour développer le bien-être, il faudra de la même manière connaitre précisément les leviers à actionner.

 Après de très nombreuses investigations et plus de 25 ans d’expérience sur le terrain, je suis persuadé que le bien-être, comme sa dégradation dans les risques psychosociaux, est essentiellement lié à la gestion de nos besoins psychiques et de leur frustration. C’est l’objet de ma dernière  publication.

J’ai défini pour les évaluer, une échelle à dix niveaux. Elle est basée sur les 7 besoins les plus présents au travail et en management. Nous l’utilisons dans tous nos diagnostics.

  1. le « sens », qui alimente notre identité professionnelle. C’est de sa satisfaction dont dépendra en grande partie l’engagement dans l’entreprise et ses projets
  2. la « reconnaissance », quelle soit ou non matérielle, salariale, managériale, relationnelle ou liée à l’estime de soi
  3. le « cadre » donné par la mission,  les objectifs ou les règles du jeu, voire une déontologie
  4. le « partage » des joies,  succès, réussite professionnelle et leur reconnaissance collective
  5. le soutien et le « réconfort », notamment en situation de transition, de deuil ou de changement
  6. l’équité, le sentiment de  « justice », et, en cas de dommage, le besoin de réparation, pour la défense de nos territoires et de notre identité professionnels
  7. la « sécurité » dont nous avons besoin pour faire  face à nos multiples peurs et inquiétudes au travail

Pour chaque critère, les niveaux supérieurs tendent vers le bien-être, alors que les échelons du bas reflètent notre frustration et la souffrance au travail qui l’accompagne.

Par exemple : comment vous sentez-vous quand vous vous retrouvez pleinement dans la vision de votre entreprise, est-ce que vous vous sentez en cohérence avec ses valeurs … ? En pleine énergie et engagé à fond ?! A l’inverse, que se passe t-il quand vous ne vous y reconnaissez plus du tout ? N’est-ce pas un  cas fréquent de départ,  de divorce ou, s’il est impossible de partir, l’arrivée du mal être au travail  … ?

En guise de conclusion à cette quatrième question, il est impossible de mesurer le bien-être sur la base de facteurs uniquement objectifs,  car par essence, c’est bien de l’être au travail dont il s’agit.

Si nous sommes tous convaincus que le bien-être au travail est un facteur majeur de performance, alors il est grand temps d’explorer d’autres clés et d’autres indicateurs de la santé psychologique de l’homme au travail.

Ces 7 besoins sont pour moi les rubriques clés du nouveau « compte de résultat » du bien être et de la qualité de vie au travail !

Ce sont ces 7 critères que nous utilisons pour évaluer le bien-être personnel dans les organisations.

Prochaine question et article : « comment mesurer le bien-être relationnel et en équipe » ?



[1] Pour les « psy »( !) : RBE : Résultat Brut d’Exploitation. ROI : Return On Investment

1/09/16

Well being at work manipulation ou levier de performance durable ?

BIEN-ETRE AU TRAVAIL : PARADOXE, LEURRE OU NOUVEAU CONTRAT SOCIAL ?

Question 2 – Well being at work manipulation ou levier de performance durable ?

Cet article est le second billet sur le bien-être au travail que je vous propose de discuter sur mon blog, dans les semaines à venir: C’est quoi le bien-être ?  Est-il possible de développer le bien-être au travail en situation de tension ? Quels intérêts pour l’entreprise, le management, les salariés ? N’est ce pas qu’une utopie ou une manipulation ? Le bien-être est-il réellement un facteur d’efficacité et de « performance durable » ? Le bien-être prévient t-il du stress et burnout ? Quels sont les leviers pour le développer?  Quelle est la différence avec  la Qualité de Vie au Travail ?  Le manager peut-il agir et comment ? Et en tant que salarié, y a-t-il des risques à suivre ce mouvement ? L’intelligence émotionnelle est-elle un facteur de bien-être?  Le bien-être est matériel, psychologique, n’est-il pas aussi « spirituel » ? Et au travail ? …

Dans le billet précédent (http://ecologie-manageriale.fr/le-bien-etre-au-travail-paradoxe-leurre-ou-nouveau-contrat-social/), j’explorais les origines et les définitions du bien-être. L’OMS définit la santé comme un état de bien-être physique, économique et psychologique. Nous savons tous que si la santé physique est relativement objective, le bien-être économique est plus complexe à appréhender. C’est le fameux « paradoxe de l’abondance »[1] qui nous montre les limites de l’analyse économique. Le bien-être matériel est à la fois une réalité mesurable et une perception subjective de nos besoins, de notre satisfaction et de nos éternelles frustrations. Nous sommes souvent frappés en voyage, quand nous quittons notre culture, de la joie de vivre et de la capacité de partage de populations pourtant beaucoup plus démunies que nous, en Afrique ou dans certains pays d’Asie, par exemple. Le bien-être est en effet aussi un état psychique, un niveau de conscience, voire une philosophie. Par ailleurs le bien-être possède une dimension historique, bien ancrée dans nos racines culturelles et religieuses. Dans la tradition chrétienne par exemple, le bien-être était un « non-sens » sur terre, lieu avant tout de souffrance. Il n’existait qu’au paradis (et pour certains !). Plus sérieusement, pour la plupart des religions, le bien-être au-delà du matériel est avant tout spirituel. Pour la médecine traditionnelle, le bien-être, du fait de sa composante psychologique ne fait pas non plus toujours « sens », ni avancer le commerce médical avec les laboratoires pharmaceutiques …

Enfin, au plan psychosocial, derrière la mode du « bien-être », il y a l’équilibre entre « l’être » et « l’avoir ». La quête actuelle de bien-être est pour moi à la fois le signe du mal être social, mais aussi de notre changement de paradigme. Nous basculons lentement d’une société matérialiste tirée par la croissance et la consommation, vers une société durable plus ouverte à « l’être » et au « bien-être ». C’est aussi un retour à la conscience et aux nouvelles formes de spiritualité laïques – comme le « plein conscience» – comme par hasard au centre des « techniques bien-être » adoptées par de plus en plus d’entreprises.

Vous avez dit « bien-être, être bien » ? Et au travail ?

Le well being at work devient un outil de marketing interne et de management de plus en plus répandu. Beaucoup de grandes entreprises proposent ainsi leur semaine « bien-être » ou « qualité de vie au travail », d’autres des cours de yoga, de tai-chi, voire de méditation, entre midi et deux. Certaines vont jusqu’à inscrire le « well being » au cœur de leur programme stratégique. Les petites entreprises n’ont pas besoin elles de campagnes de marketing. Le développement du bien-être des salariés dépend directement des valeurs humanistes du dirigeant, auxquelles se rattache naturellement l’idée de bien-être au travail. C’est plus simplement prendre soin de ses employés, procurer des conditions de travail agréables ou encore, faciliter la qualité des relations par tout type de manifestations conviviales.

Mais, quelque soit la taille de l’entreprise, est-il possible et bienvenu de promouvoir le bien-être dans le contexte économique que nous connaissons tous ? Peut-on parler sérieusement de bien-être au travail, face à la pression constante sur la productivité et l’emploi, le stress et le mal être que cela peut générer ? Peut-on demander aux managers de rester zen et de promouvoir le well being, y compris quand le bateau prends l’eau ? Et en tant que salarié, y a-t-il un risque à répondre à cette nouvelle injonction de bien-être ?

L’étymologie du mot travail trepalium renverrait à la torture et à la souffrance. Nous sommes donc loin du bien-être ! C’était dur de travailler et de gagner son pain sur terre… C’est en tout cas ce qu’ont entendu nos aïeuls. Nous oublions souvent le chemin parcouru depuis en matière de conditions de travail. Parler de bien-être au travail peut donc raisonner dans notre inconscient comme un « non sens ». Le « fun », le plaisir, voire la « qualité de vie au travail » sont des valeurs qui ne parlent essentiellement qu’aux nouvelles générations. Mais quelque soit notre âge, si nous sommes mal menés par le travail, ou sans travail, nous savons qu’il sera plus difficile évidemment d’y trouver du bien-être. Partout où la pression s’accroît et/ou l’emploi est menacé, il peut paraitre mal venu d’afficher une telle volonté.

Ainsi pour une grande entreprise multinationale que j’accompagne, le bien-être fait partie de ses 8 grands principes stratégiques. « Le bien-être crée la Performance et la Performance est source de bien-être ». Mais, si on examine le résultat de leur dernier baromètre social, 37% des salariés pensent que l’entreprise se préoccupe activement de leur bien-être en France, contre 59 % en moyenne dans le reste du monde. Le bien-être apparait pour la plupart des salariés du groupe comme une réelle préoccupation de sa direction, sauf en France, où la réorganisation des sites de production crée une tension naturellement incompatible avec l’idée de bien-être. La même question peut se poser dans une PME, voire une TPE, toutes soumises à de multiples pressions. Dans la hiérarchie de nos besoins, le bien-être nécessite en effet que notre sécurité et que notre « territoire » au travail soient préservés, avant d’espérer aller vers un état supérieur de conscience et de sérénité, synonymes de bien-être.

Mais quelque soit le contexte économique ou de l’entreprise, plus ou moins sécurisant, le bien-être est aussi pour moi une philosophie et un état d’esprit.

Chaque fois que je pars en vacances, notamment en Asie, voire en Europe, je suis sidéré au retour de retrouver la mentalité française, mixe parfois terrifiant d’individualisme, de critique et de sinistrose. Dans ses tournées européennes, l’écrivain et thérapeute Thierry Jansen racontait que la France était le seul pays en Europe où on lui disait « bon courage » en partant ! Oui nous sommes souvent pessimistes. C’est pour moi le signe que notre cartésianisme allié au matérialisme ne laissent que trop peu de place à notre bien-être et plus simplement à notre « être », à nos ressentis, à nos émotions… Mais, soyons optimistes et positifs (!), cet équilibre et cet état d’esprit « bien-être » se cultivent. C’est un des grands bénéfices de l’intelligence émotionnelle que de faciliter la gestion et le dépassement de ses frustrations, pour développer son bien-être.

Nous savons aussi que du bien-être personnel découle le bien-être relationnel. Si je suis bien avec moi, la communication sera naturellement plus positive et les relations plus constructives. Le bien-être renforce la coopération. En retour, le bien-être psychologique dépend fortement de la qualité des relations et de ce qu’elles produisent chez soi, au plan émotionnel ou en matière de reconnaissance.

Le bien-être au travail est à l’évidence le facteur numéro un de motivation, donc de performance de toute personne et collectif au travail. Comment avons-nous pu l’oublier ? 

Mais n’est-ce pas un brin naïf ou utopique que d’imaginer qu’une entreprise, comme par exemple google, très en avance sur la question, développe le bien-être au travail, pour une autre raison qu’augmenter sa productivité et ses résultats ? La plupart des organisations syndicales en France reprochent à la philosophie well being at work, d’être un simple leurre pour se donner bonne conscience, sans pour autant s’attaquer à l’essentiel, les conditions de travail et de salaire. N’est-ce pas finalement se dire, qu’avec une dose de bien-être, le nouvel « opiacé patronal », un salarié ou un manager pourront rester zen en toute circonstance et donc accepter n’importe quoi ?

Peut-être serait-il intéressant d’apporter une dose de réalisme et de pragmatisme. Premièrement faire du profit à moindre coûts demeurera sans doute encore longtemps l’axe principal de toute bonne gestion d’entreprise, dans un système capitaliste. Rien de neuf, tout est encore et toujours question d’équilibre entre l’économique et « l’écologie humaine ». Donc si une entreprise développe une démarche de well being et que ses résultats s’en ressentent positivement, je ne peux dire que tant mieux ! C’est le jeu, dans le monde d’aujourd’hui. Ca ne veut pas dire pour autant ni que j’y adhère, ni qu’il n’y a pas d’autres alternatives, à plus long terme !

Par ailleurs, développer son bien-être personnel nécessite un travail sur soi, par exemple la gestion de ses émotions, dont on connait l’impact sur le bien-être corporel et la santé …  Ce travail sur soi ne nous « endort pas », même s’il est proposé par son entreprise… Au contraire, si c’est un levier antistress, c’est aussi un facteur important d’éveil et de montée en conscience. C’est ce bien-être là qui est au centre de la maitrise de soi et du leadership personnel. Au plan social, cet « état d’esprit bien-être » n’exclue en aucune façon la protection de soi, la défense de son intégrité, voire au plan collectif la lutte sociale, si l’organisation est inadaptée, voire « mal traitante ». Etre bien avec soi veut dire conserver ses équilibres émotionnels et du sens pour aussi, si cela s’avère nécessaire, inciter sa propre entreprise à mieux préserver le facteur humain. C’est sur ce chemin que j’accompagne depuis des années des managers pour développer leur leadership personnel.

En conclusion, l’état d’esprit bien-être est pour moi aujourd’hui vital à impulser dans les organisations, particulièrement partout où la peur et la morosité s’installent. C’est un moyen pour chacun de préserver ses équilibres, de s’affirmer plus sereinement et aussi de mieux vivre les nombreux changements auxquels nous sommes tous confrontés. C’est une condition sine qua non de ce que l’on peut espérer d’une « performance durable ».

Mais… Directions, managers, collaborateurs… que faire  pour favoriser le bien-être au travail ?

C’est la question suivante ! A bientôt, pour poursuivre cette réflexion ensemble.

 



[1] D’après les économistes, une hausse du PIB ne se traduit pas nécessairement par une hausse du niveau de bien-être ressenti par les individus. Nous savons que c’est vrai aussi (mais à ne pas répéter à votre RH) pour les hausses de salaire !