1/04/14

Le leadership personnel en 20 questions (suite de la question 7)

Mais, les profils des  « managers leaders » d’aujourd’hui ont-ils changés ? Y-a-t-il un profil idéal de « nouveau leader » pour notre époque ?

Suite des 7 questions précédentes sur ce blog : « quels impacts concrets du besoin de sens au niveau de l’entreprise et de son management »; « la différence entre un leader et un manager » et « quelle définition donner du leader et du leadership ».; « on met le leadership à toutes les sauces » ! « N’est-ce pas aujourd’hui aussi un phénomène de mode ? » « Pourquoi ce besoin de sens est-il si important . « Pourquoi les entreprises d’aujourd’hui ont –elles plus qu’avant besoin de « managers leaders » ? » « Quelles sont les caractéristiques ou compétences de base d’un leader aujourd’hui ? »

Nous avons tendance à idéaliser les leaders  et à les ramener à quelques grands personnages charismatiques. Or pas plus que la femme ou l’homme idéal, le leader idéal n’existe pas … Un leader n’est ni un surhomme ni une « wonder woman ».

Un « leader manager » aujourd’hui dans son organisation, c’est avant tout un homme ou une femme comme vous et moi …  Et nous sommes tous des personnes fragiles et vulnérables … Nous subissons tous les contraintes et paradoxes de notre époque…, nous sommes tous en quête de sens …

Pour assumer nos responsabilités d’homme et de femme, de nouveau citoyen, pour assurer notre rôle de leader au quotidien …, pour pouvoir contribuer à conduire les autres de manière sereine, il nous faut donc avant toute chose comprendre ce que nous vivons intérieurement, gérer nos propres transitions, entendre et  dépasser nos  peurs, nos fragilités… gérer notre énergie dans la durée … ! Bref appliquer le « connais-toi toi même » de Socrate !

Pour conduire dans une mer agitée et parfois en eaux troubles …, un manager leader doit en effet développer une excellente connaissance de lui-même et des autres. C’est sa première compétence. Cette « Intelligence de Soi » peut se traduire en termes de compréhension de nos fonctionnements personnels, de développement de l’estime de soi, de la confiance et de l’affirmation de soi, d’intelligence émotionnelle, mais aussi de gestion de ses énergies et de ses équilibres, personnels et professionnels …

Deuxièmement, le leadership est systématiquement associé aujourd’hui à la conduite du changement et des transitions[1]. En période de changements permanents[2], la guidance du leader doit pouvoir intégrer une dimension d’accompagnement des personnes et des équipes. C’est pour cela que de nombreux professionnels associent aujourd’hui le leadership et le coaching.

Troisièmement, face aux enjeux de transformations permanentes, le leader d’aujourd’hui apparaît nécessairement comme un puissant vecteur d’adaptation, de promotion des changements, de progrès et d’innovation.

Cela veut dire que le leader a su développer une forte capacité d’anticipation, d’intuition, pour saisir les enjeux et les traduire dans une vision, ou plus simplement les concrétiser dans l’orientation de son action.

Cela signifie que le leader aura avant cela construit sa propre vision … Comment en effet espérer conduire les autres sans avoir soi même une vision suffisamment claire, autrement dit un projet de vie personnel et professionnel … ?

Quatrièmement, pour affirmer ses convictions, réaliser ses ambitions, innover, adapter son organisation, développer, … un leader d’aujourd’hui doit savoir prendre des risques. Il doit oser confronter le système auquel il appartient pour le faire progresser, confronter ses pairs souvent dans la résistance et aussi dépasser ses propres limites …

Cinquièmement, cette prise de risque jalonne inévitablement sa trajectoire de revers, de difficultés et d’échecs possibles. Le leader doit aussi savoir gérer et dépasser ses échecs. Sans acceptation de l’échec, de sa propre vulnérabilité, il n’y a pas de leadership possible. Encore une fois pas de surhomme en leadership, mais des hommes et des femmes parfois fragiles mais capables d’une certaine résilience

Une analyse plus approfondie dans mon livre à paraître en fin d’année avec Inter-éditions…



[1] Leading change, John Kotter, Harvard Business School Press.

[2] « Le changement est devenu la seule constante dans les organisations » ; Laurent BURATTI – La Transformance- Une stratégie de mise en action des hommes et des organisations- Editions Inter-éditions.

 

 

23/12/13

Connais-toi même, et…?

Oui, OK, mais pour quoi faire ! Ça rapporte quoi et combien ! ?

Nous oublions souvent la seconde partie de cette maxime bien connue, attribuée à Socrate, mais dont l’origine est sans doute bien plus ancienne …

Nul besoin de souligner à des amateurs de développement personnel, que la compréhension du facteur humain commence nécessairement par soi-même…

Mais pour traverser notre mutation et continuer à y performer, voire à y subsister, ne faudrait –il pas pourtant « rediffuser » ce principe philosophique, venu de la nuit des temps ?

Et en entreprise, ne peut-il pas aussi nous aider à sortir des jeux égotiques stériles, à nous conduire au delà de l’efficacité personnelle, vers  d’autres « découvertes » ?
Oui, la suite de la maxime (vous l’aviez oublié aussi ?!), c’est : « … et tu connaîtras l’univers et les Dieux » …

« Connais-toi toi-même et tu connaîtras l’univers et les Dieux … »

Et le « mindfullness », la pleine conscience, qui arrivent en entreprise, c’est quoi au juste… ? C’est ça, la « spiritualité laïque » ?

D’après certains historiens des religions[1], « l’inscription « connais-toi toi-même » qui est gravée sur le fronton du Temple de Delphes a connu un succès ininterrompu depuis l’Antiquité jusqu’aux temps modernes. On ignore encore qui est l’auteur de cette maxime. Elle a été attribuée autant à Apollon lui-même qu’à Homère ou Socrate. Une des clés  pour expliquer la postérité de cette devise tient sans doute à l’emploi littéraire qui en fut fait et aux interprétations philosophiques très diverses auxquelles elle se prêtait.

Dans les textes les plus anciens, le principe delphique reçoit une interprétation religieuse, c’est-à-dire qu’il invite l’homme à se reconnaître mortel et non dieu, à éviter les pensées d’orgueil  et à rester soumis à la suprématie de Zeus.

Socrate sera le premier à passer de l’interprétation religieuse à l’interprétation philosophique de « connais-toi toi-même », non sans choquer ses contemporains. Dans le Premier Alcibiade, Platon adopte l’idée fondamentale selon laquelle l’homme doit prendre soin de son âme, doit se connaître d’abord lui-même, avant de chercher à connaître quelque chose de ce qui lui est extérieur ».

Aujourd’hui, ça veut dire quoi ? C’est quoi pour nous, et dans l’entreprise, puisque ce blog est aussi celui du développement personnel en entreprise ?

Connaitre l’univers et les dieux …. Ah bon ? L’univers de la consommation et les dieux du CAC 40, du NASDAQ, des traders et de leurs puissants ordinateurs ?

« Connais-toi toi-même et tu gouverneras ton propre changement ? »
A une époque où l’on dit que « le changement est devenu la seule constante dans les organisations », un manager ne doit-il pas, avant toute chose, appliquer à lui-même, le célèbre principe de l’oracle de Delphes ? N’est-ce pas la première connaissance à acquérir par un dirigeant que d’apprendre à gouverner ses propres transitions, pour les transcender vers des desseins plus élevés ?

« Connais-toi toi-même et tu changeras le monde ? »
Et si le « connais-toi-toi-même » pouvait nous embarquer au-delà des crises, à réussir notre transformation et contribuer à nous aider à basculer dans notre nouveau paradigme ?

Connais-toi toi-même, tu redécouvriras les valeurs universelles oubliées, et tu recouvriras peut-être en conscience un autre chemin … plus durable, plus écologique, plus profitable, …  à l’Homme.

C’est un beau chemin de conscience que je nous souhaite pour cette nouvelle année !

Très bonne année 2014, dans la paix et la lumière partagée

 

La  suite dans mon prochain  livre à paraître chez Inter-Editions / DUNOD, mi -2014 ! 

 

 

 

 

 



[1]Article De Mihaï Iulian DANCA (Montpellier, janvier 2013)  «  Connais-toi toi-même, de Socrate à Augustin.

14/09/13

Un salarié heureux en vaut deux !

« Et s’il valait mieux avoir des salariés heureux…, surtout en période de crise »,

« Et s’il valait mieux avoir des salariés heureux…, surtout en période de crise », titrait « La Tribune » avant l’été, s’appuyant sur une étude du très sérieux Financial Times. J’avais été moi-même très surpris qu’un média si engagé dans la performance financière que l’EXPANSION s’intéresse au développement personnel dans les organisations, jusqu’à publier 10 pages de mes tumultueuses réflexions de l’été 2012 sur l’éthique dans les organisations et le management !

Pour la Tribune, cette année, « le bonheur est bon pour les affaires. (…) S’il n’est pas scientifiquement démontrable, le fait est que les salariés les plus heureux déploient une énergie plus importante. Ce qui peut passer pour un détail semble ne pas en être un dans la quête d’une productivité toujours plus poussée. Les plus heureux gagnent plus d’argent et sont plus efficaces. Ainsi, « les gens heureux gagnent plus d’argent et sont en meilleure santé (comprendre « passent moins de temps en arrêt maladie, hors du bureau ») et sont plus créatifs pour résoudre les situations problématiques », explique le Professeur Scollon, psychologue cité par le journal britannique. De cette façon, les chercheurs démontrent l’impact que peut avoir le bien-être des salariés sur la qualité du travail(). Ce qui a conduit certains économistes à se rendre compte de l’importance de la psychologie dans la résolution de problèmes économiques ».

Autre exemple remarquable des évolutions de l’intérêt du développement personnel en entreprise, nous assistons à l’expansion rapide des formations à la méditation dans les sociétés de l’ouest américain. Assiste-t-on à un nouvel essor du new âge ou au début d’un véritable basculement vers une nouvelle civilisation moins matérialiste, comme l’annonce de nombreux observateurs philosophes aussi bien que scientifiques depuis plusieurs années ?[1] La vraie nouveauté, en fait, est l’importance donnée à ces pratiques non plus uniquement dans la société civile, mais aussi dans les entreprises, avec, par exemple, d’importants programmes de connaissance de soi et de formations aux pratiques de méditation ou contemplatives. Ce qui est le plus interpellant, c’est que ce ne sont pas n’importe quelles entreprises, mais celles qui – pour le meilleur et pour le pire – ont changé notre manière de vivre, comme Google et Facebook, qui forment leurs salariés à la méditation et à la pleine conscience… Les grandes firmes de l’ère numérique s’intéressent ainsi de plus en plus aux pratiques contemplatives. Le journal de l’INRESS propose ainsi un article intéressant sur ces méthodes (que je duplique ci-dessous). Elles commencent aussi à se répandre en Europe, avec par exemple à Lyon cette année, une conférence qui a vu 70 managers de la CGPME tester avec ravissement les effets de la méditation…

Le monde des affaires, les entreprises et particulièrement les géants du web semblent donc de plus en plus s’intéresser au développement personnel et à la psychologie, comme facteur de qualité de vie au travail et de performance. Si nous observons le phénomène avec un œil positif (qui est souvent le mien !), peu importe le prétexte, si nous contribuons à faire grandir en conscience nos dirigeants, les managers et leurs équipes.

Mais les financiers ont-ils une âme (?) me rétorqueront les plus pessimistes de mes collègues  (!), y voyant une nouvelle tentative de manipulation.

Je me demande simplement, sans polémiquer, si cette nouvelle « spiritualité sans dieu », comme l’appelle le philosophe André Le Compte Sponville, vénérera-t-elle un jour autre chose en entreprise, que l’argent et le profit ? Les valeurs du développement durable, au-delà des normes et des nouveaux marchés, nous ouvriront-elles les voies « d’en haut », de la responsabilité et de la sagesse ?  C’est un peu en fait aujourd’hui comme si l’entreprise dans ce nouvel élan de « développement personnel » n’avait retenu du fronton du temple de Delphes, que le début de la phrase « connais-toi toi-même », oubliant avec Socrate la suite du célèbre précepte : « …. et tu connaîtras l’univers et les dieux ».

Mais permettez-moi d’être un peu plus optimiste, sur la nature humaine… S’il existera toujours de purs mercenaires sans foi ni loi dans nos entreprises et aussi des politiques parfois bien peu modélisants …, je côtoie suffisamment de managers et de dirigeants pour observer une véritable montée progressive en conscience.

C’est vrai qu’ils sont souvent pris dans leurs propres dilemmes et incohérences nos dirigeants, mais ne le sommes nous pas chacun au quotidien, nous aussi écartelés parfois entre ombre et lumière, entre nos peurs, nos soifs de posséder et nos aspirations plus éthiques ou « écologiques » ?

Et si, avant de lyncher Marie-Madeleine, nous acceptions une rapide introspection avant de lui jeter la première pierre ! Et si nous suivions à nouveau Gandhi dans ses sages inspirations : « sois  le changement que tu veux voir dans le monde » ?


[1] Dont  André Malraux. « Depuis cinquante ans la psychologie réintègre les démons dans l’homme. Tel est le bilan sérieux de la psychanalyse. Je pense que la tâche du prochain siècle, en face de la plus terrible menace qu’ait connu l’humanité, va être d’y réintroduire les dieux. »

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Mindfullness et méditation au travail

(article  INRESS, sept 2013)
Un vent de spiritualité souffle sur la Silicon Valley. De plus en plus d’entreprises, comme Google ou Facebook, forment leurs collaborateurs à la méditation et à la pleine conscience. De quoi vraiment changer la donne ?
La scène se passe au siège de Google, dans la Silicon Valley. Assis en demi-lotus dans une salle de réunion, des salariés du géant californien se concentrent sur leur respiration. Inspiration, expiration… Petit à petit, les autres pensées s’amenuisent, l’esprit se calme. Prochaine étape : une méditation sur le succès et l’échec.

Le cours est très officiel : il fait partie du programme Chercher en soi, auquel ont déjà participé un millier d’employés. En attendant de pouvoir y assister, quatre-cents suivent d’autres formations internes comme L’auto-piratage neural ou Gérer son énergie, arpentent en méditant le labyrinthe construit à cet effet, mangent deux fois par mois en silence lors de « déjeuners conscients »… Après avoir mis à la disposition de ses collaborateurs des salles de gym, des massages et des repas bio gratuits, Google aurait-il décidé de se préoccuper de leur paix intérieure ?

La tendance n’a rien d’anecdotique : dans la Silicon Valley, les grandes firmes de l’ère numérique s’intéressent aux pratiques contemplatives. Ainsi, les cofondateurs de Twitter et Facebook organisent régulièrement en interne des séances de méditation, et s’orientent vers des méthodes de travail qui favorisent la pleine conscience. L’hiver dernier, la conférence Sagesse 2.0 a attiré à San Francisco plus de 1700 participants, parmi lesquels des dirigeants de LinkedIn, Cisco et Ford. Google a créé un Institut qui enseigne la méditation à qui veut. Des sites Internet tels que Dharma Overground ou Buddhist Geeks font fureur, des cours de méditation par Skype voient le jour, de même que diverses applications pour accroître, par exemple, son attention.

Ne faut-il y voir que l’énième lubie d’une région qui a déjà engendré les hippies et le New Age ? Un nouvel outil d’image de marque ? Ou la volonté d’améliorer le bien-être des salariés… donc leur créativité et leurs performances ? Là-dessus, aucun doute : la méditation est un outil précieux, accessible à tous, permettant de réduire le stress, réguler ses émotions, booster sa mémoire et sa concentration, renforcer l’efficacité de son raisonnement et de ses actions.

Mais pas question d’aller vers des horizons moins délimités. Dans ce milieu d’ingénieurs et de techniciens, il faut parler le langage de la rationalité. La légitimité de la méditation la puise dans les neurosciences, l’évolution biologique, les études scientifiques. Mais n’est-ce pas faire que la moitié du chemin ? Comme le soulignent certains, Steve Jobs a passé beaucoup de temps assis en lotus, ça ne l’a pas empêché de sous-payer certains collaborateurs, vilipender ses employés ou garer sa voiture sur les places réservées aux handicapés !

Pour autant, l’affaire fait son chemin. L’expérience de la méditation et la découverte des principes bouddhistes peuvent induire une prise de conscience. Surtout chez ces professionnels des réseaux sociaux, dont le métier est l’interconnexion ! C’est ainsi qu’un cadre de Facebook, en écoutant Jon Kabat-Zinn, a décidé de promouvoir la compassion, en améliorant la façon dont l’entreprise répondait aux attaques, disputes et bassesses qui sont le quotidien des réseaux sociaux, via des outils de modération plus personnels, plus empathiques, plus conversationnels. Chez Google, on dit aussi que la méditation est un moyen de développer l’intelligence émotionnelle des collaborateurs, leur sens de l’interconnexion et leur capacité à se mettre à la place de l’autre…

A leur profit ? Pour l’instant peut-être. Mais une chose est intéressante : ces nouveaux chantres de la méditation sont les inventeurs d’outils qui ont changé nos vies. Leur art de transformer une idée de niche en gigantesque mouvement de société est avéré. Paix intérieure chez Google aujourd’hui, paix dans le monde demain ?

A méditer !

 

19/07/13

De la crise éthique au changement par le sens (suite, partie 5)

Suite de l’article publié dans l’Expansion Management Review, rédigée par Pierre-Marie Burgat (juin 2012, 10 p.) : « de la crise éthique au changement par le sens »; N°145 :  Impasses et défis du management.

Lire les précédents extraits :   »Ethique et entreprise : des premières incitations réglementaires à la quête des nouveaux consommateurs »; « L’éthique commence par soi-même »  »De quelle crise parlons nous » ?   »Mettre l’homme et l’éthique au centre » Quels changements voulons nous ?

L’éthique pour sortir de l’ego et nous ouvrir à l’unité ?

« Et pour la première fois dans l’histoire du monde l’argent est maître sans limitation ni mesure. Pour la première fois dans l’histoire du monde l’argent est seul en face de l’esprit  »…. [1]

De nombreux intellectuels prédisent ou espèrent un XXIème siècle plus ouvert à la dimension spirituelle.

Et si la spiritualité, nous permettait de sortir des vaines quêtes matérialistes toujours insatisfaites … Et si le bonheur, notre réalisation et notre sérénité étaient ailleurs que dans la quête sans conscience de nos besoins ?

Peut-être y a- t-il en fait aujourd’hui de moins en moins de « citoyens consommateurs »  pour penser  avec ce célèbre publiciste, que pour se montrer accompli à 50 ans, « il faut avoir pu acheter une Rolex »[2]! Le culte de l’objet (et de l’Ego) comme seul moyen de reconnaissance sociale et d’accomplissement signe les dérives narcissiques de notre société matérialiste et individualiste.

D’après un récent sondage[3], pas moins de 88% de français pensent que « la crise est l’occasion de changer nos modes de consommation », voire de consommer autrement. Et qu’est ce que consommer autrement, sinon moins et plus « juste » ?

A l’autre extrémité du matérialisme, il y a la conscience … et derrière l’Ego – comme l’a modélisé Carl Gustave Jung il y a plus d’un siècle,  il y a le Soi, et son ouverture vers le spirituel.

Nous associons trop souvent la spiritualité à la religion. La spiritualité est plus simplement liée au dépassement de cet Ego aliénant, par  l’élargissement de notre champ de conscience, nous ouvrant au sentiment d’appartenance à l’Humanité une, à la nature et au cosmos[4].  C’est aussi le chemin d’une certaine transcendance qui nous éloigne de ce fameux culte de l’objet, de la possession stérile et de la consommation.

N’est-ce pas cela dont il s’agit aussi dans la globalisation ? Si les échanges de biens ou d’informations deviennent planétaires, la conscience morale ne doit-elle pas devenir aussi planétaire ? Ne sommes nous pas tous citoyens du monde, tous unis par les mêmes archétypes spirituels et le besoin de protection de notre planète ? Le ciel n’a pas de frontières et nous respirons le même air…

Si nous souhaitons pour beaucoup consommer autrement, sortir du matérialisme et de la surconsommation n’est ce pas en nous ouvrant à d’autres cultes que celui de  l’objet ?

Et cette prise de conscience exprimée par une majorité de « citoyens-consommateurs » de « changer nos mode de consommation », ne marque-t-elle pas l’entrée tant annoncée dans l’ère postindustrielle [5]?  Et ne va-t-elle pas bientôt bouleverser le paysage de nos entreprises et bien au-delà de ce qu’annonce notre crise dite « financière » ?

Pour le philosophe André Le Compte Sponville, la « spiritualité sans dieu »[6] sur laquelle s’ouvre le XXIème siècle, c’est aussi rentrer davantage en cohérence avec les valeurs universelles véhiculées par nos traditions spirituelles. C’est autrement dit développer la fidélité à ses valeurs et son alignement. Plus de cohérence entre les valeurs qui m’ont fondé et aussi ma civilisation, mon action, mes comportements au quotidien, comme par exemple, ma « consommation » …

Sommes-nous si loin, dans cette spiritualité là des besoins de « l’entreprise du futur » et de sa responsabilité sociétale ?

Sommes-nous si loin dans cette spiritualité là, de notre désir personnel de retrouver un lien avec l’énergie et la chaine du vivant, de retrouver du sens à nos propres contributions et de construire ensemble nos nouvelles « cathédrales » ?

« Le changement global ne commence t-il pas toujours par le changement personnel »[7] et ses propres engagements ?  Et ne sommes nous pas déjà tous en route ?

L’utopie et l’idéal ont ceci de puissant que, comme l’éthique, ils guident nos choix et orientent nos vies.

Chaque geste compte dans l’intention éthique et dans un changement holomorphique, le système en mouvement nous le renverra au centuple …

Le monde de demain nous appartient et je nous fais confiance.

Notre révolution est entre nos mains !

Pierre-Marie


[1] Charles PEGUY- Note conjointe sur M. Descartes (1914)

[2] Parole du publiciste Jacques Séguéla  très souvent tournée en dérision dans les médiats: «une Rolex, enfin ! tout le monde a une Rolex ! Si à 50 ans on n’a pas une Rolex on a quand même raté sa vie ! »

 

[4]Alain Setton – Gagner sa vie sans perdre son âme – Presse renaissance -2011 ;  Interview de Robert Kulling, pour la SF coach- Mars 2012.

[5] Vincent LENHARDT. Les responsables porteurs de sens – Insep Editions, 2001

[6]  André COMTE-SPONVILLE. – La spiritualité sans dieu – Frémeaux & Associés – 2008

[7] Dali Lama.

26/06/13

De la crise éthique au changement par le sens (suite, partie 5)

Suite de l’article publié dans l’Expansion Management Review, rédigée par Pierre-Marie Burgat (juin 2012, 10 p.) : « de la crise éthique au changement par le sens »; N°145 :  Impasses et défis du management.

Lire les précédents extraits ?   »Ethique et entreprise : des premières incitations réglementaires à la quête des nouveaux consommateurs »; « L’éthique commence par soi-même »  »De quelle crise parlons nous » ?   »Mettre l’homme et l’éthique au centre »

QUELS CHANGEMENT VOULONS-NOUS ?

Toujours plus de profits ou plus de rentabilité, des organisations éclatent, fusionnent, des usines ferment pour s’installer quelques milliers de km plus loin, avec évidemment les cortèges de violence, de drames et de souffrances humaines qui en résultent… Le monde change trop vite. Dès lors, la question qui se pose à tous les responsables – dirigeants, managers ou accompagnants – est la suivante : si nous ne pouvons-pas arrêter le train du changement en marche, comment l’accompagner « autrement », pour moins de violence et de souffrance ?

A un second niveau, quel autre changement de fond faut-il impulser pour en finir avec ce changement là ?

Accompagner le changement autrement

Les principes d’accompagnement du changement humain sont bien connus mais peu appliqués. Nous savons tous que le changement « se conduit » au niveau rationnel de l’organisation et qu’il devrait plutôt être « accompagné », et à un autre rythme plus « écologique », aux plans humain, social et culturel. Cependant, nous savons tous aussi que ces principes ne sont que peu suivis, souvent prisonniers que nous sommes de l’urgence et des pressions de l’organisation.  De nombreuses études montrent pourtant que la très grande majorité des échecs des transformations – avec des impacts financiers considérables – sont liés à une carence d’accompagnement à ces niveaux dits « subjectifs » [1].

Accompagner le changement autrement, de manière plus éthique, n’est-ce pas déjà tout simplement questionner en tant que manager sa propre éthique et son alignement, dans le respect de ces principes fondamentaux ? Est-ce que je prends le temps d’associer les acteurs ? Est-ce que j’intègre l’histoire, nos « missions»… pour reconstruire une nouvelle vision partagée qui s’ancre dans nos valeurs … ? Ou est ce que je pars tête baissée vers les objectifs financiers que je décline aveuglément et en me réfugiant dans l’action  …

Il n’y pas dans cette logique, ni nouveauté, ni solution idéale, mais avant tout et dans l’humilité, de meilleurs compromis à trouver en conscience, entre le respect de l’humain et les contraintes économiques.

Accompagner l’autre changement

Mais quel est le vrai changement auquel nous aspirons ?

Le « vrai changement », n’est-il pas celui qui va permettre non pas de donner plus de sens à la même réalité inacceptable, mais bien de « manager par le sens »[2] et donc par l’éthique et les valeurs. C’est, autrement dit, de replacer la performance économique et financière comme une résultante et non comme un but.

Quelle ambition éthique et  sociétale pour mon entreprise ?  Quelles valeurs servir et quels moyens mettre en œuvre  pour réussir dans mon métier avec ces valeurs ?

Cette orientation est loin d’être utopique. A un moment où le monde et notre civilisation vacillent, où autrement dit, notre système cherche de nouveaux équilibres, l’ambition éthique est un vrai levier d’engagement et donc de « performance autrement ».

Elle demande simplement, à chaque dirigeant, à chaque manager ou à chaque « accompagnant », de prendre ses responsabilités. Elle demande aussi, de l’autre coté, de faire notre « marché éthique » au quotidien, autrement dit de changer notre mode de consommation. L’un ne va pas sans l’autre.

Promouvoir le changement holomorphique 

« La partie est dans le tout et le tout est dans la partie » … Il est connu au travers de ce principe que le changement dans son périmètre d’influence peut faire évoluer le système qui vous le renvoie alors. Changer de type d’épargne banque par exemple et il y aura alors demain de plus en plus de fonds et de banques éthiques ! Il n’y a donc pas, dans cet esprit, de responsabilités ni de changements mineurs, tant par le nombre de personnes que par l’ampleur du changement initié.

Le changement holomorphique, c’est aussi « ici et maintenant ». Il a déjà commencé avec vous qui lisez ces lignes. Chaque prise de conscience compte et chacun peut par ses petits gestes nourrir le changement au bon endroit.

S’il n’est pas possible de changer le monde …, il est toujours possible de le changer « un homme à la fois » et en commençant par soi même ! Il est aussi possible de sortir de la passivité et d’avancer dans son périmètre d’influence et nous en avons tous un !

Il faut aussi sortir de l’idée que le changement vient « d’en haut » ou qu’il doit être « global » pour réussir. Il commence encore une fois toujours par soi et nous en sommes donc tous responsables.

De même que l’acte d’achat a un pouvoir d’influence fort s’il est orienté communément, tout comportement volontaire dans l’entreprise influence aussi le système dans lequel il se situe qui le lui renvoie ensuite.

Un exemple peut être celui de cette unité de production d’un grand spécialiste mondial de la gestion d’énergie. Pour conduire un changement profond de stratégie et de vision, la direction a préféré promouvoir une démarche d’intelligence collective, plutôt qu’un processus de sélection. En accordant sa confiance à tous ses managers, pour conduire ses transformations, par la promotion de la connaissance de soi de l’intelligence émotionnelle au service de la coopération, elle a permis le succès de ces changements[3]. Cette initiative a ensuite été dupliquée en transversal. Sur la base du volontariat, plus de cent autres managers ont depuis participé à propager ces valeurs et cet état d’esprit[4] au sein du Groupe.

C’est aussi, par ailleurs l’idée de la contagion positive par des comportements éthiques, comme la coopération, la solidarité, la reconnaissance, le partage ou encore la bienveillance. Le système vous le renverra aussi, alors n’hésitez pas …, il n’y pas d’over doses, juste une peu d’authenticité ! De nombreux accompagnants coachs ont pu en faire l’expérience dans la conduite de leurs missions.

La prochaine fois mi-juillet

L’éthique pour sortir de l’ego et nous ouvrir à l’unité ?

« Et pour la première fois dans l’histoire du monde l’argent est maître sans limitation ni mesure. Pour la première fois dans l’histoire du monde l’argent est seul en face de l’esprit  »…. [5]

 


[1]  Gartner Group study “50% of projects do not achieve their stated goals. Furthermore, if we take the time factor into account, the failure rate rises to 80 %”

[2] Manager par le sens – David Autissier – Editions Eyrolles 2010.

[3] SCHNEIDER ELECTRIC PEC – Dispositif leadership – « Les nouveaux leaders- © »

[4] Formations « Practice leadership »- les nouveaux leaders vers la performance autrement.

[5] Charles PEGUY- Note conjointe sur M. Descartes (1914)