L’ETHIQUE COMMENCE PAR SOI-MÊME
Suite du dossier publié cet été dans « l’Expansion Management Review » (IMPASSE ET DEFIS DU MANAGEMENT)
« Soyez le changement que vous voulez voir dans la monde ». (GANDHI)
Que peut faire le « citoyen du monde » face à ce système capitaliste consumériste et sans âme ? Que peut-on faire à son niveau pour replacer l’éthique au centre et en faire une guidance pour sa vie de citoyen, d’acteur social ou de consommateur au quotidien?
Et si, en dehors de tout pouvoir ou impuissance politique, chacun d’entre nous – manager, responsable RH, consultant, coach – était libre d’augmenter son niveau de conscience et de prendre ses responsabilités ?
« Moi je ne peux rien faire » : la dialectique de l’impuissance
Beaucoup d’acteurs de la vie sociale et de l’entreprise vivent aujourd’hui une sorte d’essoufflement, voire d’impuissance fataliste : « le système est à bout de souffle, mais on se sent totalement impuissants » ; « il faudrait changer le système, moi à mon niveau de manager, je ne peux rien faire, c’est le comité de direction », « au niveau du comité de direction, non, ca se passe au dessous, c’est l’actionnaire, je n’ai pas de marge de manœuvre » ;« tant que le système sera tiré par les fonds de pensions … nous ne pourrons rien faire » … Nous sommes tous confrontés et enfermés par un système capitaliste perverti, nous l’accusons à juste titre, mais ces critiques ne conduisent-elles pas à renforcer notre passivité ?
« C’est le système » : sortir du manichéisme paranoïaque
Une autre forme de passivité se retrouve chez de nombreux intellectuels, philosophes, psychosociologues…, sous la forme de la critique d’un système sans issue … Elle atteint son paroxysme dans la recherche publique française où la culture cristallise ce type de peurs et de croyances manichéennes, à l’encontre « du privé » et du capitalisme. Elle diabolise ainsi parfois sans nuance tout ce qui peut se faire en entreprise, considéré par essence comme suspect, perverti ou susceptible de l’être. N’est-ce pas oublier un peu rapidement que ces entreprises sont habitées – ici et maintenant – par des millions d’hommes et de femmes au travers le monde, le plus souvent fiers de leur travail, attachés à leur métier et porteurs de beaux projets ?
S’ils sont parfois en souffrance et aussi en quête de mieux vivre, s’il y a parfois des drames dans le choc des transformations, il est important de prendre conscience que ces attitudes critiques, certes compréhensibles, in fine n’apportent rien, ni à personne, si ce n’est que de justifier notre propre passivité et entretenir le mal être.
Dans tous les cas – impuissance, critique, diabolisation – il n’y a ni solution, ni action, en dehors de conforter notre sentiment d’impuissance, d’alimenter notre révolte et nos frustrations.
Mais ces attitudes ne servent-elles pas aussi à justifier notre résistance au changement et notre incohérence, éloignés que nous sommes parfois de nous même et de nos propres valeurs ?
L’éthique, mes fraises et ma banque
Et si la révolution commençait par la conscience ? De quoi suis-je responsable et de quoi je ne suis pas responsable ? Est-ce que j’agis en cohérence avec mes valeurs ? Ai-je un comportement éthique, quels que soient mes rôles, de « citoyen-consommateur », de manager dans l’entreprise ou d’accompagnant ? Prendre ses responsabilités n’est-ce pas commencer par oser se confronter à ses dilemmes de citoyen au quotidien et sortir de son aveuglement ?
Le pouvoir du consommateur a aujourd’hui des impacts incommensurables.
Sans aller jusqu’à l’idéal du « commerce équitable », tout choix et tout acte de consommation banal a une portée éthique considérable. C’est vrai de la barquette de fraises hors saison, ayant traversé l’Europe en camion pollueur. C’est vrai aussi, du four micro-onde à bas prix, fabriqué dans des conditions de travail dégradantes ou par des enfants de pays à bas salaires et provoquant au passage la ruine des industries locales, voire des centaines de chômeurs de plus, dans les pays plus « développés » …
Autre exemple : « ils nous ont fait très mal vous savez …» [1]?
Des milliers de consommateurs se sont précipités au mois de janvier pour bénéficier des offres à bas coût d’un nouvel opérateur téléphonique. Mais se sont-ils demandé une minute au prix de quoi et de qui ces tarifs exceptionnels étaient-ils possibles ? Au prix de combiens d’emplois précaires, de délocalisations, de bas salaires, de pressions, de souffrance, de stress, de désarrois et de nouveaux suicides … ?
Dernier « examen de conscience » …. « mon épargne, mon éthique et moi »
Est-ce que je sais ce que ma banque fait réellement de mon argent ? Est-ce que mon argent – le fruit de mon travail – est utilisé pour des placements éthiques, ou a minima, ne serait ce que pour servir l’économie et non la spéculation ?
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Petit examen de conscience de consommateur éthique …
- « j’ai changé de banque pour une banque éthique »
- « je me doute bien que …, mais j’assume (j’y pense, mais je n’agis pas) »
- « je ne sais pas vraiment, je n’y avais pas pensé, j’ai un bon PEA … c’est pas si grave, non » ?
- « je ne veux pas savoir (c’est le système, pas moi ! Il n’y a qu’à changer le système, les banques n’ont qu’à…) … et les autres ? »
- « c’est ok pour moi, la spéculation est utile et j’en profite. Cela fait des dégâts, mais c’est la vie. On n’est pas dans un monde de bisounours ! »
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Si ne serait-ce que 40% des citoyens orientait leur épargne vers des placements éthiques, notre système spéculatif serait révolutionné en très peu de temps !
Mais est-ce que je préfère ne pas savoir et voir le manque d’éthique ailleurs, quelque part au dessus-de moi : mon patron, ma boite, l’actionnaire, le système … ?
Tout consommateur que nous sommes se trouve enfermé aujourd’hui dans le paradoxe et l’injonction la plus mortifère jamais produite par de notre société : « consommer moins cher pour vivre mieux »[2]. Et quand une réelle pauvreté conduit le consommateur chômeur dans les rayons d’un discounter, sait-il que cet acte alimente à nouveau le système qui l’a exclu et en a- t-il alors vraiment le choix ?
Et si progressivement nous prenions tous pleinement conscience qu’à chaque acte d’achat « à bas prix», nous produisons de la souffrance, nous écartelons d’autres vies, nous tuons nos propres emplois, nous violentons notre propre qualité de vie pour demain ?
Oui, le changement des habitudes de consommation peut changer le monde, plus sans doute aujourd’hui qu’un bulletin de vote. Oui, l’éthique commence par soi-même …
La suite début Avril : METTRE L’HOMME ET L’ETHIQUE AU CENTRE