Suite de l’article publié dans l’Expansion Management Review, rédigée par Pierre-Marie Burgat (juin 2012, 10 p.) : « de la crise éthique au changement par le sens »; N°145 : Impasses et défis du management.
Lire les précédents extraits ? »Ethique et entreprise : des premières incitations réglementaires à la quête des nouveaux consommateurs »; « L’éthique commence par soi-même » »De quelle crise parlons nous » ? »Mettre l’homme et l’éthique au centre »
QUELS CHANGEMENT VOULONS-NOUS ?
Toujours plus de profits ou plus de rentabilité, des organisations éclatent, fusionnent, des usines ferment pour s’installer quelques milliers de km plus loin, avec évidemment les cortèges de violence, de drames et de souffrances humaines qui en résultent… Le monde change trop vite. Dès lors, la question qui se pose à tous les responsables – dirigeants, managers ou accompagnants – est la suivante : si nous ne pouvons-pas arrêter le train du changement en marche, comment l’accompagner « autrement », pour moins de violence et de souffrance ?
A un second niveau, quel autre changement de fond faut-il impulser pour en finir avec ce changement là ?
Accompagner le changement autrement
Les principes d’accompagnement du changement humain sont bien connus mais peu appliqués. Nous savons tous que le changement « se conduit » au niveau rationnel de l’organisation et qu’il devrait plutôt être « accompagné », et à un autre rythme plus « écologique », aux plans humain, social et culturel. Cependant, nous savons tous aussi que ces principes ne sont que peu suivis, souvent prisonniers que nous sommes de l’urgence et des pressions de l’organisation. De nombreuses études montrent pourtant que la très grande majorité des échecs des transformations – avec des impacts financiers considérables – sont liés à une carence d’accompagnement à ces niveaux dits « subjectifs » [1].
Accompagner le changement autrement, de manière plus éthique, n’est-ce pas déjà tout simplement questionner en tant que manager sa propre éthique et son alignement, dans le respect de ces principes fondamentaux ? Est-ce que je prends le temps d’associer les acteurs ? Est-ce que j’intègre l’histoire, nos « missions»… pour reconstruire une nouvelle vision partagée qui s’ancre dans nos valeurs … ? Ou est ce que je pars tête baissée vers les objectifs financiers que je décline aveuglément et en me réfugiant dans l’action …
Il n’y pas dans cette logique, ni nouveauté, ni solution idéale, mais avant tout et dans l’humilité, de meilleurs compromis à trouver en conscience, entre le respect de l’humain et les contraintes économiques.
Accompagner l’autre changement
Mais quel est le vrai changement auquel nous aspirons ?
Le « vrai changement », n’est-il pas celui qui va permettre non pas de donner plus de sens à la même réalité inacceptable, mais bien de « manager par le sens »[2] et donc par l’éthique et les valeurs. C’est, autrement dit, de replacer la performance économique et financière comme une résultante et non comme un but.
Quelle ambition éthique et sociétale pour mon entreprise ? Quelles valeurs servir et quels moyens mettre en œuvre pour réussir dans mon métier avec ces valeurs ?
Cette orientation est loin d’être utopique. A un moment où le monde et notre civilisation vacillent, où autrement dit, notre système cherche de nouveaux équilibres, l’ambition éthique est un vrai levier d’engagement et donc de « performance autrement ».
Elle demande simplement, à chaque dirigeant, à chaque manager ou à chaque « accompagnant », de prendre ses responsabilités. Elle demande aussi, de l’autre coté, de faire notre « marché éthique » au quotidien, autrement dit de changer notre mode de consommation. L’un ne va pas sans l’autre.
Promouvoir le changement holomorphique
« La partie est dans le tout et le tout est dans la partie » … Il est connu au travers de ce principe que le changement dans son périmètre d’influence peut faire évoluer le système qui vous le renvoie alors. Changer de type d’épargne banque par exemple et il y aura alors demain de plus en plus de fonds et de banques éthiques ! Il n’y a donc pas, dans cet esprit, de responsabilités ni de changements mineurs, tant par le nombre de personnes que par l’ampleur du changement initié.
Le changement holomorphique, c’est aussi « ici et maintenant ». Il a déjà commencé avec vous qui lisez ces lignes. Chaque prise de conscience compte et chacun peut par ses petits gestes nourrir le changement au bon endroit.
S’il n’est pas possible de changer le monde …, il est toujours possible de le changer « un homme à la fois » et en commençant par soi même ! Il est aussi possible de sortir de la passivité et d’avancer dans son périmètre d’influence et nous en avons tous un !
Il faut aussi sortir de l’idée que le changement vient « d’en haut » ou qu’il doit être « global » pour réussir. Il commence encore une fois toujours par soi et nous en sommes donc tous responsables.
De même que l’acte d’achat a un pouvoir d’influence fort s’il est orienté communément, tout comportement volontaire dans l’entreprise influence aussi le système dans lequel il se situe qui le lui renvoie ensuite.
Un exemple peut être celui de cette unité de production d’un grand spécialiste mondial de la gestion d’énergie. Pour conduire un changement profond de stratégie et de vision, la direction a préféré promouvoir une démarche d’intelligence collective, plutôt qu’un processus de sélection. En accordant sa confiance à tous ses managers, pour conduire ses transformations, par la promotion de la connaissance de soi de l’intelligence émotionnelle au service de la coopération, elle a permis le succès de ces changements[3]. Cette initiative a ensuite été dupliquée en transversal. Sur la base du volontariat, plus de cent autres managers ont depuis participé à propager ces valeurs et cet état d’esprit[4] au sein du Groupe.
C’est aussi, par ailleurs l’idée de la contagion positive par des comportements éthiques, comme la coopération, la solidarité, la reconnaissance, le partage ou encore la bienveillance. Le système vous le renverra aussi, alors n’hésitez pas …, il n’y pas d’over doses, juste une peu d’authenticité ! De nombreux accompagnants coachs ont pu en faire l’expérience dans la conduite de leurs missions.
La prochaine fois mi-juillet
L’éthique pour sortir de l’ego et nous ouvrir à l’unité ?
« Et pour la première fois dans l’histoire du monde l’argent est maître sans limitation ni mesure. Pour la première fois dans l’histoire du monde l’argent est seul en face de l’esprit »…. [5]
[1] Gartner Group study “50% of projects do not achieve their stated goals. Furthermore, if we take the time factor into account, the failure rate rises to 80 %”
[2] Manager par le sens – David Autissier – Editions Eyrolles 2010.
[3] SCHNEIDER ELECTRIC PEC – Dispositif leadership – « Les nouveaux leaders- © »
[4] Formations « Practice leadership »- les nouveaux leaders vers la performance autrement.
[5] Charles PEGUY- Note conjointe sur M. Descartes (1914)