De Moise, au manager … de la délégation à la qualité de vie au travail
Désigner et former « des chefs » est une préoccupation ancestrale. Dans l’ancien Testament, MOISE apprenait déjà la délégation !
A décider seul … « à coup sur tu t’épuiseras, et toi et ce peuple qui est avec toi, car cette tâche est trop lourde pour toi ». Tu ne peux l’accomplir à toi seul »…et tu devras leur faire connaitre la voie où ils doivent marcher et le travail qu’ils doivent faire…(21) Mais toi, tu devras choisir parmi tous le peuple des hommes capables, qui craignent Dieu, des hommes dignes de confiance, qui haïssent le gain injuste ; et tu devras les établir sur eux comme chefs de milliers, chefs de centaines, chefs de cinquantaine et chef de dizaines… (22) Allège-toi donc de la chose ; ils devront porter la charge avec toi »…[1]
Et pour l’entreprise contemporaine, développer le management fait toujours partie des fondamentaux des plans de formation… Il s’agira le plus souvent de former les managers aux différentes techniques que nous connaissons tous (conduire une réunion, manager un projet, déléguer …). Mais parfois, la formation ne suffit plus. Quand l’entreprise doit évoluer de manière importante, par exemple pour s’ouvrir davantage à une nouvelle organisation mondiale ou encore, changer de positionnement stratégique, il s’agira de faire évoluer le management de manière plus profonde. Ce besoin est souvent formulé en terme de « maturité managériale ». Au cœur de notre mutation, alors que notre changement d’ère s’accélère, il est beaucoup question de « transformation » du management.
La « maturité managériale, un management centré sur le sens
Le concept de « maturité » n’étant pas très vendeur (cela voudrait dire que les managers actuels ne sont pas matures… !), les entreprises préfèrent souvent parler de « leadership ». Le manager-leader est en effet considéré dans la doctrine managériale, comme un manager d’un haut niveau de maturité, capable de s’extraire de son rôle technique ou de gestion, pour manager davantage par le sens, donc en leader…
Le concept de « maturité managériale » a émergé avec la nécessité de performance du management et avec l’accélération des changements. Il était devenu indispensable que le manager sorte de sa posture d’autorité, pour s’ouvrir à la responsabilisation, à la performance d’équipe et au leadership. Cette évolution correspond aussi au plan social, à la sortie de trois siècles de société disciplinaire, le style de management en étant aussi le reflet.
Le modèle le plus emblématique de cette évolution a été proposé par Vincent LENHARDT, avec ses trois stades de maturité, du « donneur d’ordre » autoritaire, au manager « ressource » pour son équipe, devenu, un « responsable porteur de sens ». Selon cette approche qui fait référence encore aujourd’hui, la maturité managériale correspondrait donc à un management centré davantage sur la compréhension des enjeux, donc sur le sens. Au-delà de son intelligence technique, le manager « mature » doit pouvoir donner du sens et surtout concilier les différents niveaux d’enjeux, financiers et humains, nécessaires à la performance.
La maturité managériale : une question aussi de culture
Si la maturité est celle de l’homme, elle est aussi le reflet de la culture de son organisation. Si une organisation est le reflet de la culture sociale de son époque, nous savons aussi que le mode de management est intimement lié à la culture de l’entreprise. Et quand une entreprise souhaite développer la maturité de son management, il ne peut donc s’agir uniquement d’acquérir de nouvelles techniques par la formation, mais bien d’aboutir à une transformation, que l’on peut qualifier « d’identitaire ». La culture étant façonnée par l’identité collective, il n’y a donc pas d’évolution de fond du management sans évolution culturelle.
Et nous savons tous qu’une culture naît, se développe, évolue par les comportements que portent ses dirigeants. Le premier alignement à trouver pour augmenter cette maturité est donc évidement le comportement des leaders, individuellement et au sein même de l’équipe de direction.
Mais que se passera t-il par exemple quand un grand groupe industriel qui veut prévenir les risques psychosociaux ne forme que ses managers (et non ses directeurs) ? Ils seront « sensibilisés »… Ce sont bien ces derniers évidemment qui par leur rôle véhiculent la pression sur les résultats, décident des changements, des mobilités, et de toutes les principales évolutions… Les directeurs sont, plus encore que les managers des « stresseurs », eux-mêmes « facteurs – et victimes – de risques psychosociaux ». Tout en restant réaliste sur leur marge de manœuvre dans un environnement concurrentiel, ne doivent-ils pas cependant être formés, au moins autant que leurs managers ? N’est-ce pas d’autant plus vrai qu’ils sont souvent aussi eux-mêmes sous forte pression et dans des « sois-fort » et des jeux de pouvoir qui ne leur offrent guère de soutiens… « Les directeurs partent souvent en burn-out sans aucun signe avant coureur tant ils masquent leur souffrance », me dira le médecin du travail de la même entreprise…
Comment faire évoluer une culture et la maturité managériale pour y intégrer la qualité de vie au travail, sans ses chefs ?
Mais que veut dire au juste « maturité managériale » ? Peut-être y trouverons-nous un indice pour poursuivre notre route ?
Chaque époque et chaque crise questionne le management et rajoute une nouvelle exigence. Le « manager technique » (« donneur d’ordre ») est devenu « un ressources délégant », un leader, un coach, puis, avec la montée de la souffrance au travail, un « psy »… Il doit aujourd’hui être aussi tout cela à la fois et aussi « agile » ! Face à l’hyper-complexité et à la vitesse, l’entreprise prône aujourd’hui « l’agilité managériale ». L’Institut Esprit de Service du MEDEF en fait ainsi son dernier thème de réflexion. Pour un manager, « l’agilité », c’est une sorte de nouvelle « méta-compétence », comme le leadership en était une autre. L’agilité, recouvre « l’adaptation aux changements permanents », une forte capacité de « remise en cause » et aussi « d’innovation ». La maturité signifie dans ce cas, celle d’un « fruit mur », bien adapté aux enjeux de son entreprise, de ses marchés et donc qu’elle peut utiliser le plus efficacement possible.
Mais la « maturité » dans le langage courant, ne nous renvoie-t-elle pas aussi à une posture « responsable », ou « Adulte », au sens des trois niveaux du moi de l’Analyse Transactionnelle (Parent, Enfant, Adulte) ? L’adulte, n’est-ce pas celui qui a intégré intelligemment un système moral, qui « suit Dieu », comme le dit la bible, ou avec des « valeurs morales » – « un surmoi », comme disent les psychanalystes freudiens, et une éthique, autrement dit, un idéal vertueux ?
Pour moi la maturité managériale nécessaire à la transformation managériale, ce n’est pas qu’un manager adapté et adaptable, jouet de son temps, c’est aussi et avant tout un manager conscient, responsable, « durable », porté par les valeurs qui de puis des millénaires orientent toutes nos traditions spirituelles …