20/09/16

Question 3. Qualité de vie ou bien-être au travail, quelle différence ? Que choisir ?

Le bien-être au travail en 10 questions : le bien-être au travail, paradoxe, leurre ou nouveau contrat social pour une performance durable ?

Dans le premier article j’explorais les origines et les définitions du bien-être. Si le bien-être est lié à nos conditions de travail, à la qualité de notre environnement social et de nos relations, c’est aussi un état psychique, un niveau de conscience, voire une philosophie. Dans le billet suivant je posais la question du réel intérêt pour une entreprise de promouvoir le bien-être, qui plus est dans des contextes socio-économiques parfois défavorables. Beaucoup d’entreprises font le pari aujourd’hui que le bien-être est devenu un levier incontournable de performance « durable »…, pour l’actionnaire et on l’espère aussi pour la planète ! Je remercie France 2 pour son « Envoyé Spécial [1]» et ses nombreux témoignages très éclairants sur les « entreprises libérées », le jour où je publiais ce second billet sur les réseaux sociaux. La révolution du bien-être au travail est en route, même si elle ne va pas assez vite pour tous !

« Peu importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse » ?

Si ces deux thèmes de campagne de l’humanisme contemporain au travail visent à remettre l’homme au centre,  les chemins sont assez différents et peut-être plus ou moins faciles à arpenter …

En France, au delà des obligations légales de prévention des RPS, de nombreuses entreprises  lancent des actions orientées soit vers la « qualité de vie », soit vers le « bien-être » au travail ( « well being at work » pour les grands groupes). Est-ce la même chose, avec un habillage marketing différent ? La Qualité de Vie au Travail dépend-t-elle des mêmes facteurs ? Comment se positionnent les entreprises étrangères ? Est-il possible de mesurer et de suivre les progrès réalisés en matière de qualité de vie, comme de bien-être au travail ?

Des différences selon les pays et les cultures

Derrière l’intention humaniste, les idées de « qualité de vie » ou de « bien-être » au travail sont perçues différemment en France, en Europe et dans le monde anglo-saxon. Selon la culture plus ou moins internationale de chaque entreprise, de la petite entreprise locale, au grand groupe mondial, ces notions sont comprises et déclinées très différemment.

Historiquement en France, la qualité de vie au travail est une extension de la notion « de conditions de travail », avec une connotation plutôt « risques professionnels » et prévention.

« Ce n’est que récemment que le terme qualité de vie au travail émerge dans des accords d’entreprises puis dans l’accord national interprofessionnel de juin 2013 »[2] : « Les conditions dans lesquelles les salariés exercent leur travail, leur capacité à s’exprimer et à agir sur le contenu de celui-ci déterminent la perception de la qualité de vie au travail qui en résulte ».

La qualité de vie au travail peut aussi être positionnée comme une démarche de prévention positive du stress et des RPS. Pour un de mes clients en France, dont le siège est à l’étranger, il n’est même pas envisageable pour ce patron de site, de parler à sa direction de « prévention des RPS » ou de l’action qu’il mène avec son CHSCT en la matière !  « Je crains de faire peur aux investisseurs me confiera t-il ». En effet, pour être mieux compris du siège en Allemagne et des investisseurs Américains, mieux vaudrait parler d’approches plus positives et managériales, comme la qualité de vie au travail, pouvant impacter plus clairement les résultats.

 A la différence de la France, l’approche européenne se centre davantage sur  la dimension collective, par le partage des décisions ou la participation qui entraîneront plus de motivation et d’engagement.

 Enfin, le monde anglo-saxon inscrit la qualité de vie au travail dans une perspective davantage individuelle associée au bien-être. Elle intègre aussi mais de manière moins forte, les dimensions organisationnelles du poste de travail et de la santé physique au travail (cf. démarche « cool site » ou cool work »). On parlera plus facilement de « well being at work », dans une définition proche de la santé au travail, c.a.d. de conditions permettant un état de « bien être ».

D’une manière générale, j’ai pu moi-même constater dans mes interventions que les approches « well being », véhiculées en France par les entreprises internationales à culture anglo-saxonne se décalent clairement de l’amélioration des  conditions de travail, pour se centrer sur l’individu et son bien-être.

Nous rediscuterons dans les autres questions, des leviers utilisés. Ils rejoignent avant tout le développement personnel, avec par exemple la méditation ou la pleine conscience au travail.

Améliorer la qualité de vie au travail nécessite pour l’entreprise un investissement plus conséquent, avec une remise en cause organisationnelle et managériale, plus complexe à mettre en œuvre.

S’il n’existe pas de définition consensuelle de la qualité de vie au travail, ses grands leviers sont bien identifiés. Ils touchent de nombreux domaines, comme : les conditions de travail, le management (plus ou moins responsabilisant…), le sens donné au travail, la communication, la qualité des relations et le climat social, les possibilités de développement professionnel et personnel,  différents critères objectifs, comme les indicateurs : démographiques, d’absentéisme, de santé, de sécurité (nombre d’accidents) ou de conditions de travail…

Qualité de vie et bien-être des perceptions ?
Mais, paradoxalement,  si les entreprises cherchent des facteurs objectifs de mesure, la qualité de vie au travail, comme le « bien-être » résultent en fait tous deux d’une perception, donc par essence subjective !  Ainsi lira-t-on dans l’Accord National Interprofessionnel lui-même que « la Qualité de Vie peut se concevoir comme un sentiment de bien-être… » [3]. Il s’agit donc pour le « bien-être », comme la « qualité de vie » d’un sentiment, état psychique lié directement à notre équilibre émotionnel et à la gestion de nos frustrations.

A titre d’illustration, dans cette grande entreprise Française que j’accompagne, les grands changements en cours génèrent beaucoup de mal être et d’état d’âmes, souvent bien sombres. Dans cette même entreprise, au même moment, avec des conditions de travail identiques, j’échange avec de nouveaux arrivants : « ils ne se rendent pas compte les anciens, ils se plaignent sans arrêt… «  moi je viens d’un petite entreprise qui a fermé, ici c’est un vrai paradis » … Autre exemple, dans cet établissement de soin en crise, le personnel de l’hébergement se plaint des nouveaux horaires. Mais dans mon audit, les avis divergent. Pour Paul, « ce n’est plus comme avant », il termine parfois « après l’heure, c’est inadmissible !». Pour Luc, qui arrive de la restauration privée : « j’ai retrouvé une vie ici… Ce n’est pas grave si je dois terminer parfois plus tard »… « Avant je n’avais plus de vie de famille,… ce n’était pas 18h le départ, mais 23h » … « Ici c’est le bonheur, j’y suis vraiment bien et j’adore en plus les patients, ils sont moins pénibles… que les clients d’un restaurant  … ». Nous le savons tous, c’est une banalité parfois oubliée, tout est question dans le fonctionnement de notre cerveau, de cadre de référence, de comparaison avec le passé et aussi avec les autres …

Mais Paul ne souffre-t-il pas vraiment ? La souffrance comme le stress peuvent-ils-être jugés ? Nous savons aussi qu’il n’y pas de « comédie » avec nos frustrations. Elles sont là et parfois apparemment sans « raison » et nous font parfois beaucoup souffrir.

Le bien-être comme le mal-être sont aussi subjectifs. Ce sont des perceptions, et l’entreprise oublie par contre que l’on ne peut donc pas les mesurer uniquement avec des facteurs objectifs. Notre impuissance parfois à développer le bien-être est un peu comme dans cette célèbre allégorie, de l’homme qui cherche ses clés des heures inlassablement sous le lampadaire sans les trouver, car c’est le seul endroit éclairé ! Et si les clés du bien-être et la lumière étaient ailleurs, pour l’entreprise comme pour nous, loin de la pénombre de notre rationalité. Et s’il s’agissait aussi de monter en conscience,  dans l’intelligence de nos émotions et de nos frustrations pour retrouver notre bien-être?

Qualité de vie ET bien-être au travail dans une entreprise responsable
Pour conclure cette troisième question, certains estiment que la « mode  du bien-être » en entreprise n’est qu’un écran de fumée, pour faire passer des mesures socialement plus difficiles. « Restez zen, ce n’est qu’un nouveau petit plan social ou une cure de lean-manufacturing participatif qui favorisera votre bien-être » (!). On reproche aussi à la « logique bien-être », de ne pas s’attaquer aux questions de fond, comme les conditions de travail ou l’organisation.

Pour dépasser ce débat, je pense que l’un n’empêche pas l’autre. Un travail sur soi, son bien-être, qui permettra de mieux vivre un changement difficile, ne rend ni idiot, ni aveugle.  Au contraire, c’est pour moi un facteur de montée en conscience et de qualité relationnelle. Rien n’empêche pour autant de se battre simultanément pour améliorer ses conditions de travail, c’est pour moi  l’autre face indissociable du « well being at work ». Ce n’est pas l’un OU l’autre. N’est-ce pas le bien-être ET la qualité de vie au travail, dans une entreprise responsable que nous cherchons tous ?

Mais quels sont donc  réellement les facteurs qui produisent notre bien-être ?

Si le bien-être est aussi une  « perception », mêlé de sentiments, d’états d’âmes …, est-il possible de le mesurer ? En entreprise, on aime les résultats concrets !

A bientôt pour les prochaines questions  ?

 


[1] Emission du 1er septembre, a voir absolument, encore disponible  sur youtube

[2] D’après l’ANACT – Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail.

[3] Art.1 ANI 2013 :: la QVT « peut se concevoir comme un sentiment de bien-être au travail perçu collectivement et individuellement qui englobe l’ambiance, la culture de l’entreprise, l’intérêt du travail, les conditions de travail, le sentiment d’implication, le degré d’autonomie et de responsabilisation, l’égalité, un droit à l’erreur accordé à chacun, une reconnaissance et une valorisation du travail effectué ».

1/09/16

Well being at work manipulation ou levier de performance durable ?

BIEN-ETRE AU TRAVAIL : PARADOXE, LEURRE OU NOUVEAU CONTRAT SOCIAL ?

Question 2 – Well being at work manipulation ou levier de performance durable ?

Cet article est le second billet sur le bien-être au travail que je vous propose de discuter sur mon blog, dans les semaines à venir: C’est quoi le bien-être ?  Est-il possible de développer le bien-être au travail en situation de tension ? Quels intérêts pour l’entreprise, le management, les salariés ? N’est ce pas qu’une utopie ou une manipulation ? Le bien-être est-il réellement un facteur d’efficacité et de « performance durable » ? Le bien-être prévient t-il du stress et burnout ? Quels sont les leviers pour le développer?  Quelle est la différence avec  la Qualité de Vie au Travail ?  Le manager peut-il agir et comment ? Et en tant que salarié, y a-t-il des risques à suivre ce mouvement ? L’intelligence émotionnelle est-elle un facteur de bien-être?  Le bien-être est matériel, psychologique, n’est-il pas aussi « spirituel » ? Et au travail ? …

Dans le billet précédent (http://ecologie-manageriale.fr/le-bien-etre-au-travail-paradoxe-leurre-ou-nouveau-contrat-social/), j’explorais les origines et les définitions du bien-être. L’OMS définit la santé comme un état de bien-être physique, économique et psychologique. Nous savons tous que si la santé physique est relativement objective, le bien-être économique est plus complexe à appréhender. C’est le fameux « paradoxe de l’abondance »[1] qui nous montre les limites de l’analyse économique. Le bien-être matériel est à la fois une réalité mesurable et une perception subjective de nos besoins, de notre satisfaction et de nos éternelles frustrations. Nous sommes souvent frappés en voyage, quand nous quittons notre culture, de la joie de vivre et de la capacité de partage de populations pourtant beaucoup plus démunies que nous, en Afrique ou dans certains pays d’Asie, par exemple. Le bien-être est en effet aussi un état psychique, un niveau de conscience, voire une philosophie. Par ailleurs le bien-être possède une dimension historique, bien ancrée dans nos racines culturelles et religieuses. Dans la tradition chrétienne par exemple, le bien-être était un « non-sens » sur terre, lieu avant tout de souffrance. Il n’existait qu’au paradis (et pour certains !). Plus sérieusement, pour la plupart des religions, le bien-être au-delà du matériel est avant tout spirituel. Pour la médecine traditionnelle, le bien-être, du fait de sa composante psychologique ne fait pas non plus toujours « sens », ni avancer le commerce médical avec les laboratoires pharmaceutiques …

Enfin, au plan psychosocial, derrière la mode du « bien-être », il y a l’équilibre entre « l’être » et « l’avoir ». La quête actuelle de bien-être est pour moi à la fois le signe du mal être social, mais aussi de notre changement de paradigme. Nous basculons lentement d’une société matérialiste tirée par la croissance et la consommation, vers une société durable plus ouverte à « l’être » et au « bien-être ». C’est aussi un retour à la conscience et aux nouvelles formes de spiritualité laïques – comme le « plein conscience» – comme par hasard au centre des « techniques bien-être » adoptées par de plus en plus d’entreprises.

Vous avez dit « bien-être, être bien » ? Et au travail ?

Le well being at work devient un outil de marketing interne et de management de plus en plus répandu. Beaucoup de grandes entreprises proposent ainsi leur semaine « bien-être » ou « qualité de vie au travail », d’autres des cours de yoga, de tai-chi, voire de méditation, entre midi et deux. Certaines vont jusqu’à inscrire le « well being » au cœur de leur programme stratégique. Les petites entreprises n’ont pas besoin elles de campagnes de marketing. Le développement du bien-être des salariés dépend directement des valeurs humanistes du dirigeant, auxquelles se rattache naturellement l’idée de bien-être au travail. C’est plus simplement prendre soin de ses employés, procurer des conditions de travail agréables ou encore, faciliter la qualité des relations par tout type de manifestations conviviales.

Mais, quelque soit la taille de l’entreprise, est-il possible et bienvenu de promouvoir le bien-être dans le contexte économique que nous connaissons tous ? Peut-on parler sérieusement de bien-être au travail, face à la pression constante sur la productivité et l’emploi, le stress et le mal être que cela peut générer ? Peut-on demander aux managers de rester zen et de promouvoir le well being, y compris quand le bateau prends l’eau ? Et en tant que salarié, y a-t-il un risque à répondre à cette nouvelle injonction de bien-être ?

L’étymologie du mot travail trepalium renverrait à la torture et à la souffrance. Nous sommes donc loin du bien-être ! C’était dur de travailler et de gagner son pain sur terre… C’est en tout cas ce qu’ont entendu nos aïeuls. Nous oublions souvent le chemin parcouru depuis en matière de conditions de travail. Parler de bien-être au travail peut donc raisonner dans notre inconscient comme un « non sens ». Le « fun », le plaisir, voire la « qualité de vie au travail » sont des valeurs qui ne parlent essentiellement qu’aux nouvelles générations. Mais quelque soit notre âge, si nous sommes mal menés par le travail, ou sans travail, nous savons qu’il sera plus difficile évidemment d’y trouver du bien-être. Partout où la pression s’accroît et/ou l’emploi est menacé, il peut paraitre mal venu d’afficher une telle volonté.

Ainsi pour une grande entreprise multinationale que j’accompagne, le bien-être fait partie de ses 8 grands principes stratégiques. « Le bien-être crée la Performance et la Performance est source de bien-être ». Mais, si on examine le résultat de leur dernier baromètre social, 37% des salariés pensent que l’entreprise se préoccupe activement de leur bien-être en France, contre 59 % en moyenne dans le reste du monde. Le bien-être apparait pour la plupart des salariés du groupe comme une réelle préoccupation de sa direction, sauf en France, où la réorganisation des sites de production crée une tension naturellement incompatible avec l’idée de bien-être. La même question peut se poser dans une PME, voire une TPE, toutes soumises à de multiples pressions. Dans la hiérarchie de nos besoins, le bien-être nécessite en effet que notre sécurité et que notre « territoire » au travail soient préservés, avant d’espérer aller vers un état supérieur de conscience et de sérénité, synonymes de bien-être.

Mais quelque soit le contexte économique ou de l’entreprise, plus ou moins sécurisant, le bien-être est aussi pour moi une philosophie et un état d’esprit.

Chaque fois que je pars en vacances, notamment en Asie, voire en Europe, je suis sidéré au retour de retrouver la mentalité française, mixe parfois terrifiant d’individualisme, de critique et de sinistrose. Dans ses tournées européennes, l’écrivain et thérapeute Thierry Jansen racontait que la France était le seul pays en Europe où on lui disait « bon courage » en partant ! Oui nous sommes souvent pessimistes. C’est pour moi le signe que notre cartésianisme allié au matérialisme ne laissent que trop peu de place à notre bien-être et plus simplement à notre « être », à nos ressentis, à nos émotions… Mais, soyons optimistes et positifs (!), cet équilibre et cet état d’esprit « bien-être » se cultivent. C’est un des grands bénéfices de l’intelligence émotionnelle que de faciliter la gestion et le dépassement de ses frustrations, pour développer son bien-être.

Nous savons aussi que du bien-être personnel découle le bien-être relationnel. Si je suis bien avec moi, la communication sera naturellement plus positive et les relations plus constructives. Le bien-être renforce la coopération. En retour, le bien-être psychologique dépend fortement de la qualité des relations et de ce qu’elles produisent chez soi, au plan émotionnel ou en matière de reconnaissance.

Le bien-être au travail est à l’évidence le facteur numéro un de motivation, donc de performance de toute personne et collectif au travail. Comment avons-nous pu l’oublier ? 

Mais n’est-ce pas un brin naïf ou utopique que d’imaginer qu’une entreprise, comme par exemple google, très en avance sur la question, développe le bien-être au travail, pour une autre raison qu’augmenter sa productivité et ses résultats ? La plupart des organisations syndicales en France reprochent à la philosophie well being at work, d’être un simple leurre pour se donner bonne conscience, sans pour autant s’attaquer à l’essentiel, les conditions de travail et de salaire. N’est-ce pas finalement se dire, qu’avec une dose de bien-être, le nouvel « opiacé patronal », un salarié ou un manager pourront rester zen en toute circonstance et donc accepter n’importe quoi ?

Peut-être serait-il intéressant d’apporter une dose de réalisme et de pragmatisme. Premièrement faire du profit à moindre coûts demeurera sans doute encore longtemps l’axe principal de toute bonne gestion d’entreprise, dans un système capitaliste. Rien de neuf, tout est encore et toujours question d’équilibre entre l’économique et « l’écologie humaine ». Donc si une entreprise développe une démarche de well being et que ses résultats s’en ressentent positivement, je ne peux dire que tant mieux ! C’est le jeu, dans le monde d’aujourd’hui. Ca ne veut pas dire pour autant ni que j’y adhère, ni qu’il n’y a pas d’autres alternatives, à plus long terme !

Par ailleurs, développer son bien-être personnel nécessite un travail sur soi, par exemple la gestion de ses émotions, dont on connait l’impact sur le bien-être corporel et la santé …  Ce travail sur soi ne nous « endort pas », même s’il est proposé par son entreprise… Au contraire, si c’est un levier antistress, c’est aussi un facteur important d’éveil et de montée en conscience. C’est ce bien-être là qui est au centre de la maitrise de soi et du leadership personnel. Au plan social, cet « état d’esprit bien-être » n’exclue en aucune façon la protection de soi, la défense de son intégrité, voire au plan collectif la lutte sociale, si l’organisation est inadaptée, voire « mal traitante ». Etre bien avec soi veut dire conserver ses équilibres émotionnels et du sens pour aussi, si cela s’avère nécessaire, inciter sa propre entreprise à mieux préserver le facteur humain. C’est sur ce chemin que j’accompagne depuis des années des managers pour développer leur leadership personnel.

En conclusion, l’état d’esprit bien-être est pour moi aujourd’hui vital à impulser dans les organisations, particulièrement partout où la peur et la morosité s’installent. C’est un moyen pour chacun de préserver ses équilibres, de s’affirmer plus sereinement et aussi de mieux vivre les nombreux changements auxquels nous sommes tous confrontés. C’est une condition sine qua non de ce que l’on peut espérer d’une « performance durable ».

Mais… Directions, managers, collaborateurs… que faire  pour favoriser le bien-être au travail ?

C’est la question suivante ! A bientôt, pour poursuivre cette réflexion ensemble.

 



[1] D’après les économistes, une hausse du PIB ne se traduit pas nécessairement par une hausse du niveau de bien-être ressenti par les individus. Nous savons que c’est vrai aussi (mais à ne pas répéter à votre RH) pour les hausses de salaire !

19/06/16

Le bien-être au travail : paradoxe, leurre ou nouveau contrat social ?

On attribue au « bien-être deux étymologies : « sensation agréable procurée par la satisfaction des besoins du corps et ceux de l’esprit » (1555)  et en 1740 « se dit d’une subsistance aisée et commode. Il a le nécessaire, mais il n’a pas le bien-être ». [1] Le concept  a été remis en avant dans la définition de la santé par l’OMS en juin 1946[2] : « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social ».

Cette définition fait référence dans le monde contemporain.

Le bien-être renvoie ainsi aujourd’hui à trois principales désignations « physique », « mental », « économique et social ».

  • Le bien-être physique dépends de  la satisfaction des besoins corporels primaires, de tous nos automatismes de vie et de nos instincts de base.
  • Le bien être psychologique serait lié à la satisfaction de nos besoins supérieurs liés à notre vie affective, familiale et aussi professionnelle
  • Le bien être économique et social, renvoie lui, au plan personnel à la satisfaction de notre « intégration sociale », au niveau attendu par chacun (en psychanalyse, vis-à-vis de « l’idéal du moi »).

Au plan collectif, ce niveau de bien-être renvoie aussi à des indicateurs économiques par population. Mais le bien-être économique est-il totalement objectif ? Il est souvent fait référence au « paradoxe d’Easterlin » qui montre aussi sa subjectivité sur ce plan. Ainsi « une hausse du PIB ne se traduit pas nécessairement par une hausse du niveau de bien-être ressenti par les individus ». Les explications avancées font notamment appel au « paradoxe de l’abondance ». Nous connaissons tous également l’exemple des malheureux vainqueurs du loto, du déséquilibre de vie et de santé que cela peut générer chez eux.

Le bien être- physique, psychologique ou économique – est « dans notre gamelle »et, dans tous les cas, lié à un ressenti de notre état de santé physique, psychique, social ou « économique », si nous nous comparons à nos pairs ou à notre catégorie sociale.

 Le bien-être est t-il culturel ?

Toute l’histoire du bien-être serait aussi « celle de notre rapport au corps, à la nudité, et elle implique des enjeux esthétiques, sociaux et religieux »[3].

De toute évidence, si la représentation du bien-être est personnelle, liée à notre psychologie, elle est aussi « culturelle » et « religieuse ». En France, le concept a tendance à s’opposer à l’idéologie chrétienne traditionnelle. Le bien-être est-il possible sur terre, ou davantage lié à la rédemption de nos « péchés » et dans une vie ultérieure ? La doctrine chrétienne repose pour beaucoup sur le sens donné à la souffrance sur terre, et  l’importance accordée à la culpabilité, la mort étant souvent représentée comme une entrée dans cet « au-delà rédempteur ». Bref le bien-être et le plaisir ne sont-ils pas pour la doctrine chrétienne traditionnelle à rechercher au paradis et le travail davantage lié à la souffrance … ?

 Un état de conscience
Le bien- « être » dans la société de consommation apparait très lié à « l’avoir ». Pour la plupart des personnes gouvernées par leur ego, le bien-être devient alors, comme le bonheur, une sorte de leurre jamais atteint, lié à la possession de biens, d’un niveau de confort et donc, à la consommation. Le bien-être lui-même peut parfois devenir, par effet de mode un nouveau produit à consommer, autant pour atteindre son niveau social que pour son réel équilibre.

Pour les personnes plus conscientes, la sortie pour tout ou partie de l’emprise égotique ouvre la porte à un bien-être plus immatériel. Il peut conduire à toute les formes laïque de « spiritualité sans dieu », y compris dans l’entreprise, comme avec la mode du mindfullness.

Il renvoie à la notion d’équilibre psychique et de conscience. Le bien-être, quelque soit nos conditions de vie demeure bien un ressenti, expression de nos équilibres psychologiques, de notre niveau de conscience et de notre capacité à gérer nos frustrations.

Et le bien-être au travail ?
Le travail signifie dans notre culture « souffrance ». Le « bien-être au travail » constitue donc pour certains un vrai paradoxe ! Ce n’est pas pour rien que les techniques de bien-être au travail nous viennent d’autres cultures spirituelles, comme avec le mindfullness ou la sophrologie, inspirés du bouddhisme.

Le « mal-être au travail » s’appelle « souffrance au travail ». Il rejoint les nombreuses catégories de risques psychosociaux que connaissent nos concitoyens aujourd’hui, du stress au burn-out, poussés au plan sociétal, par le « désemploi », la pression sur la productivité et les changements permanents.

Notre médecine traditionnelle est peu ouverte à la notion de bien-être. La médecine allopathique « existe » dans son identité profonde, pour soigner et limiter la souffrance, qui est sa véritable raison d’être. Très souvent les médecins du travail que je côtoie ne croient pas au bien-être en entreprise, perçu comme exclusivement manipulatoire.

Mon positionnement est plus nuancé, entre « angélisme utopique » et diabolisation, il y a je pense une troisième voie, pour développer le bien-être au travail, levier majeur d’engagement pour les nouvelles générations.

 Nous en discuterons ensemble la prochaine fois …



[1]  1. 1555 « sensation agréable procurée par la satisfaction des besoins du corps et ceux de l’esprit » (E. Pasquier, Le Monophile, 20a, cité par Vaganay dans R. Et. Rab., t. 9, p. 301); 2. 1740 (Ac. : Bien-être se dit d’une subsistance aisée et commode. Il a le nécessaire, mais il n’a pas le bien-être). Composé de bien* adv. et de être*.

[2] Préambule à la Constitution de l’Organisation mondiale de la Santé, tel qu’adopté par la Conférence internationale sur la Santé, New York, 19-22 juin 1946; signé le 22 juillet 1946 par les représentants de 61 Etats. 1946; (Actes officiels de l’Organisation mondiale de la Santé, n°. 2, p. 100) et entré en vigueur le 7 avril 1948

 

[3] http://www.culture-sens.fr/pour-se-faire-une-idee/1495/le-bien-etre-est-il-une-notion-contemporaine

2/05/16

La couleur des « émotions »

Nous le savions déjà, tous nos états affectifs ont un retentissement corporel, mais une récente étude scientifique permet maintenant de visualiser les effets sensoriels de différents états, dont les émotions.

La médecine et la psychologie chinoise(1)  associent depuis longtemps à chaque émotion primaire des organes (la joie/ le cœur, le poumon/ la tristesse, le rein/ la peur, le foie/ la colère,…).

Nous savions également que le fonctionnement émotionnel influençait aussi notre type de respiration et notre rythme cardiaque… La sophrologie, ou encore l’ostéopathie proposent aussi leurs propres cartographies psychocorporelles des influences émotionnelles….Les scientifiques finlandais « d’Aalto University » apportent un autre éclairage dans une étude publiée fin 2013 dans la revue « Proceedings of The National Academy of Sciences », sous le titre « Bodily maps of emotions ». Ils ont ainsi cartographié les zones de notre corps qui sont le siège d’une augmentation ou d’une diminution de l’activité sensorielle lorsque nous éprouvons telle ou telle émotion.

Précision utile, les traductions issues des articles sont inégales et pour le moins perfectibles. Les scientifiques  finlandais ont ainsi mesuré l’impact de différents « états psychiques » et non seulement des émotions primaires, comme les états de « dépression » ou encore « l’amour » ou de « bonheur » ! 

L’étude reste intéressante car elle apporte de l’eau au moulin scientifique de l’intelligence émotionnelle, au  centre des processus de développement personnel. Peut-être ainsi que les « corticaux dominants » que nous sommes tous devenus à travers notre dernière mutation croiront-ils davantage aux pouvoirs de l’émotion …  Mais quand à ouvrir leur cœur, c’est une autre histoire !

Ci-dessous une synthèse de cette étude relayée par de nombreuses revues et sites de vulgarisation scientifique, dont « le journal de la science ou « the atlantic » (mapping-how-emotions-manifest-in-the body http://www.theatlantic.com/health/archive/2013/12/mapping-how-emotions-manifest-in-the-body/282713/)

La couleur des « émotions » 

Selon que nous sommes heureux, triste ou en colère, nous éprouvons des sensations corporelles qui ne sont pas localisées dans les mêmes zones de notre corps. Si nous nous sommes tous rendu compte ou moins confusément de cette réalité un jour ou l’autre (par la célèbre « boule dans la poitrine » générée par l’anxiété, par la sensation de chaleur qui envahit notre visage et plus particulièrement nos joues lorsque nous éprouvons de la honte…), nous n’avions cependant peut-être pas réalisé à quel point la localisation de ces zones corporelles activées par nos émotions variait considérablement selon la nature de l’émotion ressentie.

Or, des scientifiques finlandais viennent donc pour la première fois de dresser une carte des zones corporelles activées en fonction de chaque émotion (tristesse, colère…). Cette carte a pu être dressée à la suite d’une étude menée sur 700 volontaires finlandais, suédois et taïwanais. Des participants à qui il a d’abord été demandé de visionner des séquences vidéo associées à différentes émotions, puis de recenser les parties de leur corps dans lesquelles ils avaient la sensation d’un accroissement ou d’une diminution des sensations corporelles.

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Cartes du corps présentant les zones où les sensations ressenties s’accroissent (couleurs chaudes) ou s’atténuent (couleurs froides) pour une émotion (ou un état psychique) donnée. (Actes de la National Academies of Sciences)

La carte ainsi produite révèle que chaque type d’émotion active un réseau de zones corporelles spécifique, bien distinct de ceux activés par d’autres types d’émotions.

Les auteurs notent que, mesurés physiologiquement, la plupart des sentiments provoquent un léger changement dans la fréquence cardiaque et un échauffement spécifique de la température de la peau dans certaines zones. Ainsi, cette carte corporelle des émotions montre par exemple que la colère active principalement la poitrine, la partie inférieure du visage et les bras, avec une intensité toute particulière concernant les mains. Concernant le dégoût, les zones corporelles qu’il active se concentrent principalement autour de la bouche et de la gorge. Quant à l’amour, trois zones sont concernées, le visage, la poitrine… et le bas-ventre. Enfin, l’état de  bonheur est probablement ( l’état affectif) qui sollicite le plus notre corps, puisque l’étude montre qu’il génère des sensations corporelles dans toutes les zones du corps, et tout particulièrement sur le visage et dans la poitrine. Presque toutes les émotions provoquent des changements dans la région de la tête, ce qui provoque (par exemple)  le sourire, le froncement des sourcils, ou encore, des changements de température de la peau, tandis que des émotions comme la joie et la colère provoques des afflux de sang dans les membres supérieurs, peut-être parce que vous êtes prêts à serrer contre vous, ou donner un coup de poing à, votre interlocuteur !  Pendant ce temps, « les sensations dans le système digestif et autour de la région de la gorge ont été trouvées principalement dans le dégoût, » écrivent les auteurs. Il est intéressant de noter que les sensations corporelles n’étaient pas liées à la circulation sanguine, la chaleur, ou tout ce qui pourrait être mesuré objectivement, elles étaient fondées uniquement sur des douleurs physiques que les sujets disent avoir connues.

Si cette carte corporelle recense les zones du corps au sein desquelles est ressenti un accroissement de l’activité sensorielle lorsque l’émotion est ressentie, elle liste aussi les endroits qui sont le siège d’une baisse de l’activité sensorielle. Ainsi, on y apprend que les émotions associées à la dépression ont pour effet de générer une sensation de baisse de l’activité sensorielle dans les bras et les jambes.

Point notable de ces travaux : les résultats obtenus avec les participants finlandais et taïwanais révèlent une remarquable homogénéité dans les résultats. Ce qui suggère que les mécanismes qui sous-tendent les sensations corporelles que nous percevons lorsque nous éprouvons telle ou telle émotion sont probablement plus dictés par la biologie que par la culture

(1)  Traité de psychologie chinoise. Michel Deydier-Bastide.

 

15/04/16

L’émotion au coeur du développement personnel

La recherche de la compréhension des mécanismes affectifs qui nous animent – notre cœur – est quasi éternelle.

Le besoin de développement de l’intelligence émotionnelle est lui plus récent, en tout cas auprès du grand public .

C’est Daniel Goleman (1) qui dans les années 90 par ses nombreuses publications, a ouvert la voie du développement de l’intelligence émotionnelle au travail et en management.

 

Different expressionsL’intelligence émotionnelle représente aujourd’hui une des cibles favorites du développement personnel.

De très nombreux ouvrages et travaux y sont consacrés, des  recherches scientifiques, aux applications en management, en passant par de nombreux livres ou cahiers pour apprendre à gérer ses émotions.

L’intelligence émotionnelle est aussi l’intelligence du leadership. C’est un des facteurs majeurs de l’alliance, c’est aussi le siège de l’énergie de conquête du leader, le moteur de sa quête de justice et de cohérence …

Il y a peu de films rigoureux sur l’intelligence émotionnelle. Le CNRS a  co-produit en 2002 un intéressant film de vulgarisation , à partir des travaux de 4 scientifiques, dans le domaine de la psychologie et de la neurobiologie des émotions de JP Gilbrat.

 Dans le secret des émotions

Longtemps resté inconnu, cette vidéo est aujourd’hui disponible sur « you tube » (cliquer sur le lien ci-dessus). Le croisement des différentes approches scientifiques sur la question éclaire notre « cœur » d’un œil rationnel.

 Et c’est à chacun derrière le sens d’y trouver aussi l’ouverture du cœur …

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(1) Voir la bibliographie vivante