5/04/16

La compassion est-elle une compétence managériale ?

La compassion, le partage de la souffrance de l’autre (« souffrir avec l’autre ») fait partie des vertus valorisées par la tradition judéo-chrétienne.

J’ai parfois du mal avec cette promotion de la souffrance, de la culpabilité, voire de ce type de partage … Est-ce la résonance avec ces traditions dont j’ai eu tant de difficultés à me départir, pour enfin me réjouir de la vie, partager mes joies ou en méditer  … ?

Et pourtant … pour le taoïsme et la spiritualité chinoise aussi, la compassion représente la  «porte d’entrée » dans les «vertus de sagesse »…(1)

Dois je en déduire que si je  veux devenir « sage »  (ou « un sage », ou plus «sage » ?) il me faut développer ma compassion ? !

Mais la compassion a-t-elle sa place, a-t-elle un sens dans l’entreprise d’aujourd’hui … ?
A l’heure où  l’engagement  tant recherché pour améliorer la performance, laisse place au stress et à la souffrance au travail, écouter les ressentis difficiles, partager les difficultés, pour aider ses pairs ou équipiers à dépasser une crise ou un passage difficile, n’est-ce pas cela la compassion en entreprise ?

Ne serait-ce pas ainsi  un talent du manager à développer dans les turbulences de nos mutations et autres « crises » que nous vivons ?

Et moi qui serre les dents et les poings, souvent à fond dans l’action, je n’ai pas le temps … Et moi qui suis par nature si peu compatissant, faut-il que je m’ouvre à plus de compassion et si oui, comment ?

Mais est-ce que ça peut s’apprendre ou se développer la compassion ? Et qu’est ce que ca apporte à l’entreprise ?

Pour la psychologie chinoise (influencée par la tradition taoïste (2), l’entrée dans la compassion – porte de la sagesse – passe  inévitablement par l’auto-compassion. Il n’est pas possible d’entrer en compassion avec l’autre, sans  être en contact avec sa propre souffrance, sa propre fragilité…

Moi si Fort … ! Ça va être dur !  Me montrer fragile … ?

C’est un peu comme l’écoute empathique qui nécessite l’écoute de ses propres émotions. Pour entrer dans l’auto-compassion, il faut être suffisamment en lien avec ses propres souffrances, ses fragilités, ses blessures, ses égarements et autres incomplétudes … pour pouvoir s’ouvrir à la souffrance de l’autre, pour l’aider in fine à dépasser « sa propre crise » et à grandir en (la) se dépassant »… Bref, à être plus performant.

La compassion n’est-elle pas ainsi le stade ultime de l’écoute, la « quatrième écoute », au-delà de l’empathie, savoir vibrer ici et maintenant dans ce que vit l’autre de tragique ou de souffrance, pour renforcer nos liens, voire créer d’autres liens ? N’est-ce pas aussi le chemin d’une autre Joie dans le partage,  vers une autre « réussite » ?

De puissants témoignages sur cette idée révolutionnaire pour le monde de demain, lors de la journée de la compassion, organisée par l’INREES, le 23 avril 2013.

Ci-après quelques extraits de témoignages célèbres dans la vidéo « oser aimer » (dont celui de Matthieu Ricard, ou encore de Thierry Jansen) puis celui Lytta Basset – professeur de théologie), puis enfin celui de l’écrivain Bernard Werber  

Vous trouverez tous les autres… dont le plus célèbre porteur du développement personnel,  le  dalaï-lama !

http://compassion.inrees.com/

 

 

Le témoignage de Lytta Basset – professeur de théologie.

 

 

La  philosophe Leila Anvar

 

 

L’écrivain Bernard Werber

 

 

 

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(1) Cours de psychologie chinoise –  Jocelyne Lemarchand -Mars 2013-D’après la psychologie Chinoise Xin Li ; – Traité de psychologie chinoise. Michel Deydier-Bastide (2)
(2) La psychologie traditionnelle chinoise Xin Li, dont le contenu est aussi originel que traditionnel, est issue des principes de la sagesse taoïste de la très ancienne première Chine et des connaissances acquises par la médecine chinoise à travers le temps. Cet ouvrage présente une psychologie humaniste résolument originale et, en même temps, formidablement porteuse d’espoir pour celui qui souhaite mieux connaître les méandres de l’esprit, pour celui qui souffre ou qui aspire à un bonheur réel. Il expose les mécanismes mentaux de façon analytique, dans une approche des processus spécifiquement psychologiques, conforme à l’universalité des principes originels du Tao. La physiopathologie de la psychologie traditionnelle chinoise, trop souvent réduite à l’étude des syndromes d’organe ou à la théorie des cinq éléments, est ici présentée dans son intégralité.

15/10/15

La qualité de vie au travail, c’est retrouver l’homme …

La qualité de vie au travail ou  le « weel beeing at work », sont aujourd’hui reconnus comme des leviers incontestables de performance.
La QVT, c’est aussi le lieu du consensus social, avec la signature des accords interprofessionnels de 2013, puis cette année la dernière loi REBSAMEN [1]

Mais l’entreprise prend-elle bien aujourd’hui la mesure de ces enjeux ?

Ici une demi-journée de sensibilisation…, là, un peu de communication interne et une petite dose de e-learning et avec, en prime, un atelier bien-être … ? Et nous espérons mener ainsi à bien cette transformation là ? Est-ce bien sérieux ?

Au-delà de l’habillage marketing et des stratégies illusionnistes du bien-être, aller vers une culture QVT performante, comme un véritable facteur de business nécessite une profonde transformation managériale. Intégrer la QVT dans une vision d’entreprise correspond à une réelle évolution de culture. Et comme toute évolution culturelle, elle doit être portée par la direction et son management.

Comment, par exemple, arriver à concilier la pression à court terme de l’actionnaire sur les résultats, avec la sécurité des managers sur le terrain, à la base de la qualité de vie au travail ? Avons-nous oublié le langage de nos émotions ? Ne savons nous pas que la peur est inhibitrice…et donc aussi de la créativité, de l’innovation et de la prise de risque, dont nous avons tant besoin ?

Et comment autrement que par la formation et l’accompagnement opérer cette transformation managériale,  aujourd’hui indispensable pour relancer nos énergies et sortir de notre morosité ?

La qualité de vie au travail c’est à la fois une philosophie et un état d’esprit … Bref c’est une vision du monde. Et si notre vision est parfois si sombre, ne devons-nous pas aussi « nettoyer nos lunettes » et rechercher la lumière ailleurs, voire en soi ?

Si nous voulons faire de la qualité de vie au travail un outil de sortie de crise et de redynamisation sociale ne doit-elle pas passer par la transformation de nos modes de management, vers un management lui aussi plus « durable » ? Et retrouver la voie d’un management responsabilisant et porteur de sens,  mieux comprendre les clés perdues de la nature humaine, le bon sens égaré … la philosophie oubliée…, la formation ne demeure-t-elle pas au centre de ces « retrouvailles », celles de l’homme avec lui-même … ?



[1] Accord National Interprofessionnel (ANI) sur la Qualité de Vie au travail (2013). Loi REBSAMEN obligeant à la négociation annuelle de la QVT d’aout 2015

19/09/15

Les nouvelles clés du développement personnel au travail pour concilier qualité de vie et performance durable

La gestion du stress, une compétence managériale ?

Notre mutation et ses nombreux changements génèrent un surcroît de paradoxes, de complexité, de tensions et, in fine, de déséquilibres émotionnels et de frustrations.

C’est vrai de la tristesse, émotion associée au deuil et aux transformations. C’est vrai aussi des peurs permanentes générées par les pressions incessantes de productivité, ou encore sur l’emploi.

Cette situation et ses impacts humains sont en grande partie à l’origine des risques psychosociaux et, principalement, du stress chronique.

Connaissant ces mêmes inquiétudes, les managers sont encore plus exposés au stress au travail.

« Entre le marteau et l’enclume » cette double contrainte est un facteur de risque majeur.

Par ailleurs, leur « devoir de réserve » est particulièrement nuisible à leur équilibre émotionnel. Ne pas pouvoir parler à ses équipes, de situations difficiles ou anxiogènes, empêche en effet de réguler ses émotions.

Un manager me confiait récemment que le malaise allait grandissant dans sa ligne hiérarchique. Il savait que certaines activités risquaient d’être supprimées en France, sans pouvoir en parler. Ces non-dits sapaient la confiance mutuelle et « pourrissaient le climat » (…). « Impossible de redresser la performance, notre plan de succès « FORWARD » est voué dès le départ à l’échec par manque de sens et de confiance et ça, la direction ne veut pas le comprendre…! »

Autre exemple, ces jeunes managers que j’initiais au leadership personnel me confiaient les tensions et le repli sur soi vécu dans les équipes. La trop longue incertitude sur le choix des licenciements, dans le cadre d’un plan social annoncé pourtant depuis plusieurs mois, avait tellement dégradé le climat qu’il devenait impossible de maintenir une performance, pourtant vitale pour l’avenir.

Un des enjeux de la promotion du développement personnel au travail est aussi de développer les managers pour qu’ils sachent déjà mieux se protéger des sources de stress, mieux le gérer et éviter de le transmettre à leur équipe.

Ils pourront ainsi être mieux armés pour contribuer à sa prévention, par un management plus serein et plus  propice à la qualité de vie au travail…

Extrait de « Les nouvelles clés du développement personnel au travail pour concilier qualité de vie et performance durable » – A paraitre – Inter-éditions – DUNOD – 2016 -

27/11/14

Et qu’est-ce que c’est que la maturité managériale ?

De Moise,  au manager  … de la délégation à la qualité de vie au travail 

Désigner et former « des chefs » est une préoccupation ancestrale. Dans l’ancien Testament, MOISE apprenait déjà la délégation !

A décider seul … « à coup sur tu t’épuiseras, et toi et ce peuple qui est avec toi, car cette tâche est trop lourde pour toi ». Tu ne peux l’accomplir à toi seul »…et tu devras leur faire connaitre la voie où ils doivent marcher et le travail qu’ils doivent faire…(21) Mais toi, tu devras choisir parmi tous le peuple des hommes capables, qui craignent Dieu, des hommes dignes de confiance, qui haïssent le gain injuste ; et tu devras les établir sur eux comme chefs de milliers, chefs de centaines, chefs de cinquantaine et chef de dizaines… (22) Allège-toi donc de la chose ; ils devront porter la charge avec toi »…[1]

Et pour l’entreprise contemporaine, développer le management fait toujours partie des fondamentaux des plans de formation… Il s’agira le plus souvent de former les managers aux différentes techniques que nous connaissons tous (conduire une réunion, manager un projet, déléguer …). Mais parfois, la formation ne suffit plus. Quand l’entreprise doit évoluer de manière importante, par exemple pour s’ouvrir davantage à une nouvelle organisation mondiale ou encore, changer de positionnement stratégique, il s’agira de faire évoluer le management de manière plus profonde. Ce besoin est souvent formulé en terme de « maturité managériale ».  Au cœur de notre mutation, alors que notre changement d’ère s’accélère, il est beaucoup question de « transformation » du management.

La « maturité managériale, un management centré sur le sens

Le concept de « maturité » n’étant pas très vendeur (cela voudrait dire que les managers actuels ne sont pas matures… !), les entreprises préfèrent souvent parler de « leadership ». Le manager-leader est en effet considéré dans la doctrine managériale, comme un manager d’un haut niveau de maturité, capable de s’extraire de son rôle technique ou de gestion, pour manager davantage par le sens, donc en leader…

Le concept de « maturité managériale » a émergé avec la nécessité de performance du management et avec l’accélération des changements. Il était devenu indispensable que le manager sorte de sa posture d’autorité, pour s’ouvrir à la responsabilisation, à la performance d’équipe et au leadership. Cette évolution correspond aussi au plan social, à la sortie de trois siècles de société disciplinaire, le style de management en étant aussi le reflet.

Le modèle le plus emblématique de cette évolution a été proposé par Vincent LENHARDT, avec ses trois stades de maturité, du « donneur d’ordre » autoritaire, au manager « ressource » pour son équipe, devenu, un « responsable porteur de sens ». Selon cette approche qui fait référence encore aujourd’hui, la maturité managériale correspondrait donc à un management centré davantage sur la compréhension des enjeux, donc sur le sens. Au-delà de son intelligence technique, le manager « mature » doit pouvoir donner du sens et surtout concilier les différents niveaux d’enjeux, financiers et humains, nécessaires à la performance.

La maturité managériale : une question aussi de culture

Si la maturité est celle de l’homme, elle est aussi le reflet de la culture de son organisation. Si une organisation est le reflet de la culture sociale de son époque, nous savons aussi que le mode de management est intimement lié à la culture de l’entreprise. Et quand une entreprise souhaite développer la maturité de son management, il ne peut donc s’agir uniquement d’acquérir de nouvelles techniques par la formation, mais bien d’aboutir à une transformation, que l’on peut qualifier « d’identitaire ». La culture étant façonnée par l’identité collective, il n’y a donc pas d’évolution de fond du management sans évolution culturelle.

Et nous savons tous qu’une culture naît, se développe, évolue par les comportements que portent ses dirigeants. Le premier alignement à trouver pour augmenter cette maturité est donc évidement le comportement des leaders, individuellement et au sein même de l’équipe de direction.

Mais que se passera t-il par exemple quand un grand groupe industriel qui veut prévenir les risques psychosociaux ne forme que ses managers (et non ses directeurs) ? Ils seront « sensibilisés »… Ce sont bien ces derniers évidemment qui par leur rôle véhiculent la pression sur les résultats, décident des changements, des mobilités, et de toutes les principales évolutions… Les directeurs sont, plus encore que les managers des « stresseurs », eux-mêmes « facteurs – et victimes – de risques psychosociaux ». Tout en restant réaliste sur leur marge de manœuvre dans un environnement concurrentiel, ne doivent-ils pas cependant être formés, au moins autant que leurs managers ? N’est-ce pas d’autant plus vrai qu’ils sont souvent aussi eux-mêmes sous forte pression et dans des « sois-fort » et des jeux de pouvoir qui ne leur offrent guère de soutiens… « Les directeurs partent souvent en burn-out sans aucun signe avant coureur tant ils masquent leur souffrance », me dira le médecin du travail de la même entreprise…

Comment faire évoluer une culture et la maturité managériale pour y intégrer la qualité de vie au travail, sans ses chefs ?

Mais que veut dire au juste « maturité managériale » ? Peut-être y trouverons-nous un indice pour poursuivre notre route ?

Chaque époque et chaque crise questionne le management et rajoute une nouvelle exigence. Le « manager technique » (« donneur d’ordre ») est devenu « un ressources délégant », un leader, un coach, puis, avec la montée de la souffrance au travail, un « psy »… Il doit aujourd’hui être aussi tout cela à la fois et aussi « agile » ! Face à l’hyper-complexité et à la vitesse, l’entreprise prône aujourd’hui « l’agilité  managériale ». L’Institut Esprit de Service du MEDEF en fait ainsi son dernier thème de réflexion. Pour un manager, « l’agilité », c’est une sorte de nouvelle « méta-compétence », comme le leadership en était une autre. L’agilité, recouvre « l’adaptation aux changements permanents », une forte capacité de « remise en cause » et aussi « d’innovation ». La maturité signifie dans ce cas, celle d’un « fruit mur », bien adapté aux enjeux de son entreprise, de ses marchés et donc qu’elle peut utiliser le plus efficacement possible.

Mais la « maturité » dans le langage courant, ne nous renvoie-t-elle pas aussi à une posture « responsable », ou « Adulte », au sens des trois niveaux du moi de l’Analyse Transactionnelle (Parent, Enfant, Adulte) ? L’adulte, n’est-ce pas celui qui a intégré intelligemment un système moral, qui « suit Dieu », comme le dit la bible, ou avec des « valeurs morales » – « un surmoi », comme disent les psychanalystes freudiens, et une éthique, autrement dit, un idéal vertueux ?

Pour moi la maturité managériale nécessaire à la transformation managériale, ce n’est pas qu’un manager adapté et adaptable, jouet de son temps, c’est aussi et avant tout un manager conscient, responsable, « durable », porté par les valeurs qui de puis des millénaires orientent toutes nos traditions spirituelles  …

 



[1] Exode chapitre 18.

31/08/14

Des valeurs, à la cohérence, chemin d’énergie et d’accomplissement ?

Conversations dans un TGV, sur un quai de métro… sur le chemin, les coins de tables et les traboules d’une université d’été… Merci à mes interlocuteurs pour ces moments d’échange … (et je sais qu’il y avait un (e), des  psy dans la salle…!)

 « Le bonheur est cet état de conscience qui résulte de l’accomplissement de nos valeurs »[1]A l’opposé, dans une société en manque de sens et du cadre qu’apportent les valeurs, le stress, les risques psychosociaux augmentent… 

Nous aspirons tous à plus d’éthique et surtout de « cohérence ». La cohérence, c’est plus de fluidité, de bien-être, d’équilibre et d’énergie… ! Pouvoir être nous même, sans masque, dans notre « fragilité », mais aussi dans notre puissance et notre « beauté »… Plus de cohérence avec nous même, pour être vus, perçus… comme nous avons le sentiment d’être. C’est aussi vivre ce que nous souhaiterions être… C’est ça le bonheur ? La cohérence nous renvoie aussi nécessairement à l’alignement avec nos valeurs, sur le chemin de l’accomplissement et du « deviens qui tu es » …

Mais la cohérence est-elle un état ou une quête d’idéal, et qui fuirait un peu plus à chaque pas, un peu comme le bonheur que nous pourrions poursuivre inlassablement, sans jamais le rencontrer ? La cohérence est peut-être tout cela à la fois,  un état d’équilibre et une quête, donc une motivation pour l’action…

Quand nous pensons « cohérence », nous pensons le plus souvent à « l’incohérence »  entre la parole et les comportements ou l’action. « Il/elle se dit solidaire et il joue perso, quel(le) égoïste !». Si c’est au travail, nous pensons souvent à notre manager ou à notre direction… « Ah ! elles sont belles nos valeurs, voyez comme ils se comportent, ils peuvent bien parler de valeur et d’éthique au travail », me disait le manager d’une grande banque, dans une période de PSE …

Et nous pensons surtout à – l’incohérence  des autres – peu à la notre… ! Cette incohérence (la notre) nous est souvent peu visible ou consciente. Elle fait partie de notre « zone aveugle »[2], ou de nos « ombres ». Tout se joue dans nos automatismes inconscients, identitaires « (je suis ») et émotionnel (« je ressens »). Nous ne nous avouons pas notre incohérence car elle nous dérange… Elle génère agacement ou culpabilité, et c’est tellement plus simple comme cela, de voir notre incohérence ailleurs…, chez l’autre.

Notre incohérence exprime en fait, le décalage entre ce que nous souhaiterions être et ce que nous réussissons à faire. C’est d’autant plus dérangeant que notre intention est bien là !

L’américain Jim Mitchell, un des maîtres de « l’art du leadership personnel »[3], disait dans un séminaire, que oser « demander du feed-back nous éloigne de nos illusions (notamment de cohérence) et donc nous fait grandir »…

D’ailleurs, que c’est agaçant quand quelqu’un vous met le doigt  dessus, nos incohérences (et même gentiment !). Oui, c’est normal que ça nous perturbe, car la colère protège notre identité et elle n’est qu’une représentation…, en perpétuelle reconstruction, elle n’existe pas… et en plus, elle est parfois si fragile, quand elle se reconstruit dans toutes nos ruptures et transitions ! « Pierre-Marie, et bien… toi qui est psychologue, coach et qui fait du développement personnel, c’est ça que tu apprends à tes clients, et bien bravo … ! »  Aie aie aie …  la vache ! Humm, humm, restons modeste… En tout cas, ça me rends plus humble, quand on me montre mes incohérences, et en plus c’est une vertu de sagesse, donc, cheminons …

Mais que nous apporte donc ce fameux « alignement » ou cette « cohérence du sens » ? Et … comment arriver à la développer ?

Bonne nouvelle, au plan de notre dynamique psychologique, la mécanique humaine fait du développement de notre cohérence un processus auto-énergisant.

Ce n’est pas pour rien que certains philosophes et écrivains y voient une voie d’accomplissement, voire, y assoient leur conception du bonheur…[4]

Ce phénomène est du en fait aux automatismes des fonctions émotionnelles, associés aux besoins que nous avons déjà évoqués. Plus je suis cohérent, plus mon énergie s’accroît … Plus je suis incohérent, plus je me sens faible, mal à l’aise ou impuissant. Plus je m’éloigne de mon code moral, plus la culpabilité me « sape » mon énergie, me fait souffrir, me « torture »… Plus je progresse vers mon idéal, plus mon énergie s’accroît… Nous retrouvons là la dialectique freudienne, entre le dictât de notre « surmoi » (nos valeurs morales) et notre « idéal du moi », autrement dit, l’éthique !

Et le management dans tout ça ? La philo, la psychanalyse,  ça va bien 5 mns !

Je préfère parler avec les managers, de confort et d’inconfort psychologique, c’est plus simple…:

  • Plus je m’éloigne de mes valeurs de base, plus je suis dans l’inconfort. Je ressens de la culpabilité ou de la colère, si je subis la situation. Si je sors de cette impasse, le malaise disparaît. Les émotions ont assuré leur fonction, tout va bien à nouveau. Si non, le malaise persiste et peut se cumuler à d’autres. Mon énergie diminue alors, consommée dans ce conflit interne permanent …
  • A l’inverse, plus je suis aligné, plus je me sens confortable. Mon énergie est fluide (pas de blocages, ni de conflits). Plus la cohérence est bonne, plus l’énergie est forte.

Par ailleurs, plus de cohérence, c’est être plus présent à soi, donc aux autres. N’est-ce pas être plus authentique ? Et si « je » suis « moi », aussi dans mes fragilités, c’est que je tolère l’erreur… N’est-ce pas la porte de l’innovation, comme de la prise de risque ?

Pour l’entrepreneur et militant humaniste Jacques Benoit[5],  être éthique pour un dirigeant ou un manager, c’est « la capacité à ne pas se satisfaire de ce qui est, à remettre les choses en question, à se remettre soi-même en question »… C’est agir concrètement pour une meilleure cohérence avec ses valeurs et ses convictions. N’est-ce pas une des définitions du leadership ?

La cohérence est en faite l’axe principal du développement du leadership personnel : comment transformer le monde (son environnement) pour le rendre plus proche de nos convictions et de nos valeurs … Comment, pour l’entrepreneur-manager trouver un équilibre entre le financier, l’économique, la raison d’être de l’entreprise, et ses valeurs  de « dirigeant »…,  dans l’hyper complexité d’un monde en mutation…

Au plan collectif, la question de la cohérence concerne aussi la cohérence de ses propres valeurs avec celles de son organisation. Est-ce que je me retrouve suffisamment dans les valeurs de mon entreprise ? Nous savons tous que si ce n’est pas le cas, nous vivrons dans le malaise, à moins de pouvoir quitter ce collectif dans lequel nous ne nous « reconnaissons plus », pour retrouver plus de cohérence, plus de sens … Le plein sens ?

Les valeurs partagées sont donc bien un facteur majeur d’identité collective et donc de cohésion d’équipe …

Enfin la cohérence, c’est aussi celle de l’organisation : plus elle est alignée avec sa vocation et ses valeurs, plus sa culture est cohérente avec son système d’action et plus elle est efficace… La cohérence nous conduit aussi à la performance !

Mais ça, c’est une autre histoire d’éthique … celle de la performance durable … et de l’écologie managériale. C’est aussi une vision qui s’ouvre à qui le veut … « Chacun est seul responsable de tous ». « Si le grain de sable refuse d’être un grain de sable, il ne peut y avoir de désert. Si la goutte d’eau refuse d’être une goutte d’eau, il ne peut pas y avoir d’océans » (Saint-Exupéry)

Et la suite, c’est, si « dieu » le veut,  dans mon prochain livre …!


[1] Ayn Rand 1905 – 1982 romancier américain

[2] Selon de célèbre modèle de la « fenêtre de Johari », la zone aveugle, c’est  ce que je ne sais pas à mon propos, mais que les autres connaissent. Les autres zones : le grand jour : ce que je sais sur moi et que je montre aux autres; la face cachée : ce que sais sur moi et  que je cache aux autres. L’inconnu : ce que ni moi ni les autres ne connaissent de moi (mes ombres).

[3] Jim Mitchell est aussi un des enseignants fondateur du mouvement pacifiste Canadien « MKP » (mankind project/ le projet de l’humanité) : «  les nouveaux guerriers ».

[4] Ayn RAND 1905 – 1982 ; romancier américain

[5] A publié, « Le livre blanc de l’éthique »- 2010.