8/07/14

Développer notre intelligence du sens

Le développement personnel du manager passe par le développement de son intelligence identitaire, autrement dit « l’intelligence du sens »… Dans l’entreprise, nos grands changements sont aussi et avant tout aujourd’hui « identitaires ». Face à la poussée gestionnaire, c’est bien là qu’il s’agit de les accompagner. C’est aussi une des voies pour développer l’écologie managériale et mieux concilier qualité de vie au travail et performance durable…

L’identité est une question qui a toujours interrogé l’homme : « qui suis-je », pour moi et pour l’autre.

Si nous possédons un grand nombre de fonctionnements communs avec les mammifères, comme nos instincts et nos émotions primaires, nous nous distinguons d’eux par la conscience de notre identité. Dans l’évolution des espèces, le « qui suis-je » marque pour ainsi dire la « naissance » de l’homme, par l’apparition de la conscience et du besoin de sens. Et cette conscience nous ouvre aussi à celle notre mortalité et à nos peurs existentielles. Si  « je suis », c’est aussi qu’un jour « je ne serai plus », que je suis éphémère, une simple parcelle d’énergie, une poignée d’atomes, une poussière d’étoile …  La question de l’identité nous conduit ainsi de la défense de notre ego, vers des niveaux de conscience plus élevés, que JUNG, conceptualisa dans la notion de « Soi ». Et oui, la connaissance de ce « Soi » et différente de la connaissance du « Moi ». Elle nous entraîne vers la conscience spirituelle  : « je suis » une partie d’un tout, je suis un élément du « tao », une parcelle de la grande chaîne du vivant, un petit bout de notre infiniment grand, avec  ou sans « dieu » …

L’identité est aussi la question de l’alignement ou de la cohérence personnelle. Ce que je fais, est-il aligné avec ce que je suis ? Suis-je en accord avec moi-même ? Suis-je aligné avec mes valeurs ? Y a-t-il une cohérence entre « ce que je suis », « ce à quoi je crois », « ce que je dis » et « ce que je fais » ? L’alignement avec nos valeurs nous renvoie à la relation à notre système moral et à notre éthique. Cela nous pose aussi à la question de notre leadership personnel. La force du leader dépendra pour beaucoup en effet de son niveau de cohérence avec ses valeurs et ses convictions.

Notre identité croisera aussi, dans l’évolution de l’homme, la question de notre territoire. Territoire matériel (ma maison, ma voiture, mes biens, mes clients…), affectif (mon conjoint, mes enfants, mes copains…), territoire aussi identitaire, avec nos valeurs, nos croyances, nos idées… Notre « territoire » émane de notre identité. Nous savons que c’est notre colère qui nous permettra – comme tous les mammifères que nous sommes – de le défendre et de nous protéger.

Dernière question, celle de l’origine et du développement de l’identité. Ce que je fais est-il lié à ce que je suis ? C’est-à-dire que mon identité, ce que je suis, détermine-t-il mes comportements, et pour tout ou partie, ou inversement ? L’identité évolue-t-elle dans le temps, ou est-elle prédéterminée, pour tout ou partie ? L’identité est-elle immuable ou en permanente reconstruction ? C’est aussi la question des automatismes identitaires que sont nos « drivers », nos croyances et, avant cela, notre « scénario de vie » et leurs racines transgénérationnelles…

Le développement personnel dans ce domaine, c’est la prise de conscience de nos niveaux d’identité. Et son plus grand bénéfice n’est-il pas de nous redonner une plus grande latitude d’action, sortir de notre « destin », en nous projetant consciemment par exemple dans un « projet de vie » ou une « vision personnelle ».

Et dans les organisations, la conscience identitaire  n’aide-t-elle pas aussi le manager à être plus puissant et équilibré ?

Comme nous l’avons souvent évoqué, la mutation que nous vivons crée une crise avant tout identitaire et donc de sens. Nos équilibres tant personnels que collectifs sont très dépendants de la cohérence de nos identités.

Au plan individuel, une personne à l’identité fragilisée souffrira davantage de mal-être au travail, entrera plus facilement en stress ou se désengagera. L’incohérence identitaire par exemple entre nos valeurs et les exigences de notre organisation provoquera a minima notre retrait, voire différentes formes de souffrance au travail. Elle pourra, dans certains cas graves aller jusqu’au suicide. Ne dit-on pas au bord du gouffre, que « sa vie n’a plus de sens » ?

Chaque organisation dispose aussi d’une identité, née de ses fondateurs et qui va se traduire dans une culture. Sa « mission métier » (ou « vocation») est en centre de son identité. Elle doit donc rester le plus possible en cohérence avec son système de valeurs, autre élément structurant de sa culture. Le risque si non n’est-il pas aussi pour une organisation, de perdre son âme ?

Une entreprise qui a perdue ainsi son identité ou sa culture, par exemple suite à de trop nombreuses fusions, provoquera l’affaiblissement du lien social, donc moins de coopération, du désengagement, ou si le marché de l’emploi le permet, un fort turn-over, avec le risque de la perte de ses compétences clés.

Il faudra être très vigilant à bien accompagner ce niveau d’évolution. La transformation managériale nécessitera inévitablement des actions de « développement identitaire » des managers, plus que de leurs compétences stricto sensu. En effet, une personne ne pourra jamais agir avec efficacité si ses moteurs identitaires, des valeurs ou encore de sa « vocation métier », ne sont pas au rendez-vous.

« Nous » ne pouvons également coopérer si notre identité collective est trop affaiblie ou incohérente. Les valeurs sont, comme nous le savons, « ce qui vaut pour un collectif ». C’est le driver inconscient le plus puissant du lien social. Il est aussi à l’origine de nombreux séismes géopolitiques et de beaucoup des conflits qui ensanglantent la planète.

Arriver à mieux piloter la transformation identitaire et culturelle de nos organisations nécessitera une connaissance et un niveau de conscience élevé de ses dirigeants et du management, que seules peuvent apporter la psychologie et le développement personnel.  Or, aujourd’hui, la plupart des managers et dirigeants que je côtoie sont encore peu au fait de ces nouvelles clés. Dans les époques chaotiques que nous traversons, mieux connaitre ces mécanismes et ces techniques, n’est-il pas pourtant devenu indispensable à la performance ?

Mais comment faire ?

Il s’agira ici comme avec l’intelligence des émotions, de développer ce que j’appelle l’intelligence du sens (IS). Les mécanismes identitaires sont des ressorts parfois plus inconscients que nos émotions primaires et tout aussi puissants. Il nous faut donc absolument mieux les comprendre pour mieux les dompter et les intégrer au leadership des managers ou à l’accompagnement des changements.

Les 4 étapes de développement 

La suite dans mon prochain livre …   »Transformer l’homme pour transformer le management » …

18/05/14

Trouver son énergie au bon niveau

La dynamique des émotions et des besoins au service du leadership personnel

Extrait  de mon prochain livre, sur le développement personnel du manager (Inter-éditions)

Chapitre :  Les bénéfices de l’intelligence émotionnelle en management…

La dynamique des émotions et des besoins au service du leadership personnel

La complexité du cerveau humain est aussi le reflet de notre longue évolution. Nous conservons ainsi en mémoire la progression de nos fonctionnements, « instinctifs », « émotionnels », « intuitifs » et, plus récemment, du « mental » ou « raisonnés ». A chaque niveau de fonctionnement, comme l’a illustré la célèbre pyramide de MASLOW, nous pouvons positionner des besoins, du « primaire » (nos pulsions, instincts…) aux besoins dits « supérieurs » (sens, réalisation de soi, spiritualité…).

Une autre caractéristique plus étonnante de ces niveaux de besoin est leur interaction et leur complémentarité en matière d’énergie. Chez l’homme, le besoin le plus élaboré est le besoin spirituel. Une personne pourra, par exemple, survivre en milieu hostile ou privée de nourriture matérielle, à condition que les besoins supérieurs soient nourris et viennent compenser le déséquilibre énergétique. Il y a ainsi de très nombreux témoignages et observations, depuis des siècles, de personnes mystiques ayant vécu plusieurs années quasiment sans nourriture. Ceci a été observé dans toutes les spiritualités du monde, quelle que soit la religion. Leur équilibre énergétique interroge encore aujourd’hui la science traditionnelle, mais un peu moins la physique quantique contemporaine …

Nous connaissons aussi de nombreuses personnes qui ont su résister à la famine pendant les guerres, comme dans des camps de concentration. Les tentatives d’explication scientifiques font toujours ressortir l’importance dans la gestion de l’énergie vitale, de la « nourriture » ou de la « satisfaction » des besoins dit « psychologiques » (autrement dit « immatériels »). Toutes les études montrent que les victimes ont du leur vie sauves, à leur capacité à maintenir un sens à leur existence (une des besoins dit supérieurs de l’homme) et à se nourrir suffisamment en reconnaissance. Il est connu ainsi chez l’homme que la reconnaissance négative, qui peut aller jusqu’à la torture, « nourrit » la personne, alors que l’abandon, ou l’isolement conduisent rapidement, dans les mêmes conditions, à une mort certaine…

Une des expériences les plus célèbres est celle du médecin Victor FRANKEL. Il produira plusieurs ouvrages issus de son expérience de survie dans les camps de concentration. Ses travaux déboucheront sur une nouvelle école de psychologie, orientée sur le sens et son rôle fondamental dans la dynamique humaine. Pour FRANKEL, si nous pouvons vivre sans nourriture ou sans sexe… nous ne peut pas vivre sans « sens ». Le sens permet de résister aux frustrations des besoins dits vitaux. Ses découvertes conduiront au courant de la « logo thérapie », thérapie par le sens[1].

Autre témoignage devenu plus récemment célèbre, celui de la pianiste d’Alice Sommer Hert. Il est possible de facilement retrouver ses interviews sur le web, comme « conversation avec une survivante de l’holocauste »[2], ou lire son best-seller « 108 ans de sagesse ». Son enseignement est particulièrement apprenant sur notre sujet. Déportée, elle survécue grâce à une gestion étonnante de ses besoins. « Elle découvrit une méthode qui lui permis non seulement de survivre dans ces conditions, mais aussi de s’épanouir »…

Il est connu en effet que, chez l’homme, se sont ses besoins supérieurs qui lui permettent de dépasser ses manques et frustrations plus matérielles.

Musicienne, elle souligne dans son témoignage que c’est cette passion qui alimentera sa spiritualité, besoin ultime de l’homme qui arrive à se détacher de se son égo. Elle confiera lors d’une interview [3] : « mon camp de concentration, ca a été comme un cadeau »… « j’ai été très reconnaissante et heureuse. Mon fils avait cinq ans et demi, il me demandait sans cesse pourquoi nous n’avions rien à manger ? » … « Je crois que les hommes n’ont pas besoin de nourriture, quand ils possèdent quelque chose de spirituel »…

C’est aussi, son attitude toujours positive et reconnaissante qui la nourrira, lui permettra non seulement de survivre, mais de s’épanouir, là ou la plupart dépériront : « je regarde toujours du coté du bien », « je n’ai jamais haïe personne »…, ni même mes bourreaux, y compris dans les situations de souffrance et les frustrations les plus intenses.

Dans les facteurs majeurs qui lui ont permis de vivre heureuse, malgré ces conditions effroyables, elle cite ainsi deux facteurs majeurs, la vision positive et la reconnaissance : « être toujours optimiste … ne jamais se plaindre » : « quand on se plaint on ne change rien » (on s’enferme dans sa frustration)… et « être reconnaissante pour tout » et la gratitude. « Dans la situation de survie, ou j’étais avec mon fils, nous étions reconnaissant pour tout : de ne pas avoir été pendue, de voir le soleil, un sourire, la parole gentille de quelqu’un … tout, tout était un cadeau »…

L’homme peut donc dépasser les frustrations les plus terribles, se nourrir de ses besoins supérieurs, spirituels ou plus simplement  « psychologiques », que sont ainsi le sens et la reconnaissance. Nous savons par ailleurs, à l’inverse, que nous pouvons aussi perdre notre énergie, dans une vision négative ou morose du monde, et aussi ressasser nos frustrations…

Loin des camps de concentration, mais plus actuels, les sports engagés et parfois extrêmes ne sont-ils pas aussi une illustration de ce fonctionnement humain ? L’énergie que possèdent les grands alpinistes qui enchaînent aujourd’hui des sommets de plus de 8000 m, seuls dans des parois vertigineuses, dans la nuit, le froid, la faim, l’isolement… questionne aussi notre vision de l’homme et des limites de nos fonctionnements. C’est « surréaliste », entend-on dire …, mais est-ce bien « surhumain », ou bien simplement « l’humain » qui est en nous et que nous refusons de voir et le marginalisant dans « l’exception » ?

Vers l’écoute et la conscience psycho-corporelle

Si je ne suis qu’un bien modeste pratiquant de la montagne (donc rien d’exceptionnel !), je peux cependant m’observer, faire l’auto-analyse de mon fonctionnement psychologique, ce qui aussi peut-être éclairant. Ainsi, quand je sais que je dois accomplir un effort physique intense et qui va durer, un long raid par exemple,… je sais aussi qu’il  va falloir que je gère soigneusement mon énergie, avec le risque parfois de moins de nourriture, moins de sécurité, de confort matériel (froid, vent, vide, etc.). Et je sais que je devrai simultanément produire un haut niveau d’énergie, dans la frustration de certains de mes besoins, a priori essentiels. Mais cette hostilité du milieu, ces frustrations ne sont-elles pas aussi compensées par une autre « nourriture » ? La relation intime avec la nature, dans la plénitude des paysages de haute-montagne, comme le marin en pleine mer, n’a-t-elle aussi pas une dimension spirituelle particulièrement « nourrissante » ? Par ailleurs l’alpiniste sait où il va, même si c’est un « conquérant de l’inutile »[4] … Il vit aussi en cohérence avec ses valeurs,  des principes reconnus aussi par ses pairs, porteuses de relations fortes et authentiques… L’alpiniste sait garder toujours une vision positive de ses chances de réussite… et y compris dans les pires situations (c’est vital !). Il dispose aussi d’un cadre clair, les règles de comportements dans un milieu dangereux sont autant de protections contre les risques… Au sommet, c’est toujours la joie de la conquête, de la réussite personnelle et aussi collective… Et en montagne, personne ne manquerait de célébrer les victoires…

Bref, l’alpiniste est parfaitement nourri au plan de ses besoins psychologiques. Il peut aussi, non seulement résister, performer et s’épanouir dans un milieu hostile !

Ces grands témoins de sagesse comme FRANKEL ou encore, Alice HERZ-SOMMER, comme les enseignements de la pratique des sports extrêmes, également détachés de finalités matérialistes, ne sont-ils pas riches d’enseignements

  • d’une part l’homme peut non seulement survivre, mais vivre en énergie, voire d’une autre énergie que matérielle, et même s’épanouir, y compris dans un milieu hostile, là ou d’autres dépériraient très vite, que ce soit dans un camp de concentration, ou, par exemple, dans les conditions extrêmes de la haute-montagne
  • d’autre part, ne pouvons-nous pas, quelque soit l’environnement, être pleinement acteur de notre propre bien-être, de notre propre épanouissement, par notre simple niveau de conscience de nos besoins et aussi par notre volonté de les assouvir, « au bon niveau » ?

N’est-ce pas aussi cela le « leadership personnel » ?

Si heureusement nous ne vivons pas quotidiennement en entreprise dans des environnements aussi hostiles, les pressions, la complexité, les injonctions paradoxales, les changements parfois ininterrompus, le manque de ressources…, ne sont-ils pas devenus pour beaucoup de managers et d’équipes leur pain quotidien ?

Et devons nous pour autant nous en morfondre, nous plaindre sans cesse, au risque de dépérir … de stresser et de sombrer dans le mal-être … ?

Sans innocenter pour autant notre système, que nous aspirons tous à révolutionner, ne sommes-nous pas aussi chacun responsable de notre vision du monde et de ce qu’elle produit autour de nous ?

Prochain article… et la suite, dans mon livre en route, à paraître prochainement chez Inter-édition :

Comment sortir de la dialectique du manque et du besoin, pour un niveau supérieur de conscience ?



[1] Viktor Frankl, Georges Elia Sarfati et Vincent Lenhardt, Nos raisons de vivre à l’école du sens de la vie, Paris, Inter-Éditions,‎ 2009 ;  « Ce qui ne figure pas dans mes livres », Inter-Editions, 2014.

Viktor Frankl, Découvrir un sens à sa vie avec la logothérapie, Montréal, Actualisation,‎ 1988, 164 p. ;

Man’s search for meaning, New York, Washington Square Press/Pocket Books,‎ 1985, 221 p.; « Un Psychiatre déporté témoigne », Éditions du Chalet, 1967

[2] https://www.youtube.com/watch?v=kIXe6XC42ro- Conversation avec une survivante de l’holocauste » ; voir aussi son livre : Le monde d’Alice , 108 ans de sagesse ; Edit. Michel Lafon ; Alice Herz-Sommer.

[4] Lionel Terray est un célèbre alpiniste français (1921 à Grenoble et mort le 19 septembre 1965 aux arêtes du Gerbier dans le massif du Vercors). Il mena de nombreuses expéditions dans le monde, réussissant notamment les premières ascensions du Fitz Roy en Patagonie, ainsi que du Makalu et du Jannu en Himalaya. Il est aussi l’auteur d’un des plus célèbres ouvrages de récits d’alpinisme : « Les Conquérants de l’inutile ».

1/04/14

Le leadership personnel en 20 questions (suite de la question 7)

Mais, les profils des  « managers leaders » d’aujourd’hui ont-ils changés ? Y-a-t-il un profil idéal de « nouveau leader » pour notre époque ?

Suite des 7 questions précédentes sur ce blog : « quels impacts concrets du besoin de sens au niveau de l’entreprise et de son management »; « la différence entre un leader et un manager » et « quelle définition donner du leader et du leadership ».; « on met le leadership à toutes les sauces » ! « N’est-ce pas aujourd’hui aussi un phénomène de mode ? » « Pourquoi ce besoin de sens est-il si important . « Pourquoi les entreprises d’aujourd’hui ont –elles plus qu’avant besoin de « managers leaders » ? » « Quelles sont les caractéristiques ou compétences de base d’un leader aujourd’hui ? »

Nous avons tendance à idéaliser les leaders  et à les ramener à quelques grands personnages charismatiques. Or pas plus que la femme ou l’homme idéal, le leader idéal n’existe pas … Un leader n’est ni un surhomme ni une « wonder woman ».

Un « leader manager » aujourd’hui dans son organisation, c’est avant tout un homme ou une femme comme vous et moi …  Et nous sommes tous des personnes fragiles et vulnérables … Nous subissons tous les contraintes et paradoxes de notre époque…, nous sommes tous en quête de sens …

Pour assumer nos responsabilités d’homme et de femme, de nouveau citoyen, pour assurer notre rôle de leader au quotidien …, pour pouvoir contribuer à conduire les autres de manière sereine, il nous faut donc avant toute chose comprendre ce que nous vivons intérieurement, gérer nos propres transitions, entendre et  dépasser nos  peurs, nos fragilités… gérer notre énergie dans la durée … ! Bref appliquer le « connais-toi toi même » de Socrate !

Pour conduire dans une mer agitée et parfois en eaux troubles …, un manager leader doit en effet développer une excellente connaissance de lui-même et des autres. C’est sa première compétence. Cette « Intelligence de Soi » peut se traduire en termes de compréhension de nos fonctionnements personnels, de développement de l’estime de soi, de la confiance et de l’affirmation de soi, d’intelligence émotionnelle, mais aussi de gestion de ses énergies et de ses équilibres, personnels et professionnels …

Deuxièmement, le leadership est systématiquement associé aujourd’hui à la conduite du changement et des transitions[1]. En période de changements permanents[2], la guidance du leader doit pouvoir intégrer une dimension d’accompagnement des personnes et des équipes. C’est pour cela que de nombreux professionnels associent aujourd’hui le leadership et le coaching.

Troisièmement, face aux enjeux de transformations permanentes, le leader d’aujourd’hui apparaît nécessairement comme un puissant vecteur d’adaptation, de promotion des changements, de progrès et d’innovation.

Cela veut dire que le leader a su développer une forte capacité d’anticipation, d’intuition, pour saisir les enjeux et les traduire dans une vision, ou plus simplement les concrétiser dans l’orientation de son action.

Cela signifie que le leader aura avant cela construit sa propre vision … Comment en effet espérer conduire les autres sans avoir soi même une vision suffisamment claire, autrement dit un projet de vie personnel et professionnel … ?

Quatrièmement, pour affirmer ses convictions, réaliser ses ambitions, innover, adapter son organisation, développer, … un leader d’aujourd’hui doit savoir prendre des risques. Il doit oser confronter le système auquel il appartient pour le faire progresser, confronter ses pairs souvent dans la résistance et aussi dépasser ses propres limites …

Cinquièmement, cette prise de risque jalonne inévitablement sa trajectoire de revers, de difficultés et d’échecs possibles. Le leader doit aussi savoir gérer et dépasser ses échecs. Sans acceptation de l’échec, de sa propre vulnérabilité, il n’y a pas de leadership possible. Encore une fois pas de surhomme en leadership, mais des hommes et des femmes parfois fragiles mais capables d’une certaine résilience

Une analyse plus approfondie dans mon livre à paraître en fin d’année avec Inter-éditions…



[1] Leading change, John Kotter, Harvard Business School Press.

[2] « Le changement est devenu la seule constante dans les organisations » ; Laurent BURATTI – La Transformance- Une stratégie de mise en action des hommes et des organisations- Editions Inter-éditions.

 

 

23/12/13

Connais-toi même, et…?

Oui, OK, mais pour quoi faire ! Ça rapporte quoi et combien ! ?

Nous oublions souvent la seconde partie de cette maxime bien connue, attribuée à Socrate, mais dont l’origine est sans doute bien plus ancienne …

Nul besoin de souligner à des amateurs de développement personnel, que la compréhension du facteur humain commence nécessairement par soi-même…

Mais pour traverser notre mutation et continuer à y performer, voire à y subsister, ne faudrait –il pas pourtant « rediffuser » ce principe philosophique, venu de la nuit des temps ?

Et en entreprise, ne peut-il pas aussi nous aider à sortir des jeux égotiques stériles, à nous conduire au delà de l’efficacité personnelle, vers  d’autres « découvertes » ?
Oui, la suite de la maxime (vous l’aviez oublié aussi ?!), c’est : « … et tu connaîtras l’univers et les Dieux » …

« Connais-toi toi-même et tu connaîtras l’univers et les Dieux … »

Et le « mindfullness », la pleine conscience, qui arrivent en entreprise, c’est quoi au juste… ? C’est ça, la « spiritualité laïque » ?

D’après certains historiens des religions[1], « l’inscription « connais-toi toi-même » qui est gravée sur le fronton du Temple de Delphes a connu un succès ininterrompu depuis l’Antiquité jusqu’aux temps modernes. On ignore encore qui est l’auteur de cette maxime. Elle a été attribuée autant à Apollon lui-même qu’à Homère ou Socrate. Une des clés  pour expliquer la postérité de cette devise tient sans doute à l’emploi littéraire qui en fut fait et aux interprétations philosophiques très diverses auxquelles elle se prêtait.

Dans les textes les plus anciens, le principe delphique reçoit une interprétation religieuse, c’est-à-dire qu’il invite l’homme à se reconnaître mortel et non dieu, à éviter les pensées d’orgueil  et à rester soumis à la suprématie de Zeus.

Socrate sera le premier à passer de l’interprétation religieuse à l’interprétation philosophique de « connais-toi toi-même », non sans choquer ses contemporains. Dans le Premier Alcibiade, Platon adopte l’idée fondamentale selon laquelle l’homme doit prendre soin de son âme, doit se connaître d’abord lui-même, avant de chercher à connaître quelque chose de ce qui lui est extérieur ».

Aujourd’hui, ça veut dire quoi ? C’est quoi pour nous, et dans l’entreprise, puisque ce blog est aussi celui du développement personnel en entreprise ?

Connaitre l’univers et les dieux …. Ah bon ? L’univers de la consommation et les dieux du CAC 40, du NASDAQ, des traders et de leurs puissants ordinateurs ?

« Connais-toi toi-même et tu gouverneras ton propre changement ? »
A une époque où l’on dit que « le changement est devenu la seule constante dans les organisations », un manager ne doit-il pas, avant toute chose, appliquer à lui-même, le célèbre principe de l’oracle de Delphes ? N’est-ce pas la première connaissance à acquérir par un dirigeant que d’apprendre à gouverner ses propres transitions, pour les transcender vers des desseins plus élevés ?

« Connais-toi toi-même et tu changeras le monde ? »
Et si le « connais-toi-toi-même » pouvait nous embarquer au-delà des crises, à réussir notre transformation et contribuer à nous aider à basculer dans notre nouveau paradigme ?

Connais-toi toi-même, tu redécouvriras les valeurs universelles oubliées, et tu recouvriras peut-être en conscience un autre chemin … plus durable, plus écologique, plus profitable, …  à l’Homme.

C’est un beau chemin de conscience que je nous souhaite pour cette nouvelle année !

Très bonne année 2014, dans la paix et la lumière partagée

 

La  suite dans mon prochain  livre à paraître chez Inter-Editions / DUNOD, mi -2014 ! 

 

 

 

 

 



[1]Article De Mihaï Iulian DANCA (Montpellier, janvier 2013)  «  Connais-toi toi-même, de Socrate à Augustin.

8/12/13

La course vers le « global management », leaders ou victimes ?

Notre mutation vers « le global », progresse inéluctablement depuis plus d’un siècle, avec la fulgurante accélération des 15-20 dernières années, donnée par le numérique…

Et ce n’est pas de tout repos pour tous ! Par ailleurs, chacun y va à son rythme. Il y a, comme partout, ceux qui sont loin devant…, ceux qui suivent…, ceux qui résistent … ceux qui sont déjà largués…, ceux ramassés par la voiture balais…, et les blessés, par l’ambulance… Notre mutation, n’est donc ni «un long fleuve tranquille », ni « une promenade de santé »…

Loin devant, il y a les plus grands groupes internationaux. Leurs managers ont depuis longtemps abandonné leur langue natale au travail et leur culture locale. Dans ce « pays là », nous sommes déjà arrivés de plein pied dans la « civilisation globale ». Dans ce grand groupe industriel Français dont j’accompagne les managers depuis plus de 10 ans dans leur propre mutation, ils parlent anglais, la direction Française habite Hong Kong, les valeurs morales sont globales, les programmes de formation sont conçus en Chine et gérés en Pologne, les DRH France souvent d’une autre origine, les programmes stratégiques s’appellent « One » (un seul)  ou « Connect », ils se déclinent dans tous les domaines, tous reliés dans une seule et même culture Monde. Parfois, à partager la vie de ces managers, j’ai l’étrange impression de vivre un peu en avance…, dans « le meilleur des mondes ». Et ces grandes entreprises là ont aussi réussi sans sombrer à cumuler les multiples transformations : mondialisation de toutes les fonctions, changement de culture et d’organisation, uniformisation des systèmes d’information, rachats et absorption régulière de nouveaux entrants aux cultures diverses…, tout en dégageant chaque année suffisamment de résultats, pour poursuivre leurs conquêtes, sur des marchés très chahutés. Impressionnant !

A l’intérieur même de ces grosses organisations globales, les transformations, même « réussies », produisent inévitablement « de la  casse ». Il y a aussi ceux qui « leadent », foncent devant, jusqu’à ceux qui lâchent en route… autrement dit, qui ne peuvent plus suivre le rythme effréné des changements. La montée des RPS en témoigne. La route est parfois complexe pour ces managers écartelés entre leur identité locale et une entreprise à la culture globale. Une nouvelle forme de schizophrénie ? Je dirai plus simplement, une autre dyschronie !

Le DRH d’un des leaders mondial de l’électronique me livre son analyse, lors d’un entretien de diagnostic, pour lancer un programme de prévention des RPS. Voici un extrait de son interview.

« Le découpage du monde et les flux économiques nécessaires à notre survie amènent un « développement bicéphale » de nos managers, avec la production utopiste d’un « homo économicus » mondial, et la nécessité par ailleurs, d’un enracinement de nos identités dans un territoire … Les RH doivent contribuer à un processus d’équilibrage entre ces deux identités « schizophréniques », refaire le pont, se ré-ancrer dans les enjeux régionaux, favoriser aussi l’identité locale et sa valeur ajoutée dans l’entreprise. Dans ce contexte, les managers sont « paumés »(…) Le métier a évolué, leur responsabilité aussi. « Le manager local est pris entre ses chaussures de montagne et son rôle d’homme global » … Leurs réactions face à cela, sont souvent « le contrôle et la défense ». Comment pouvons nous les aider à mieux assumer leur identité locale, savoir arbitrer entre leurs responsabilités managériales, avec un système de valeurs retrouvé… ? »

Mais au bout du long peloton des grandes entreprises en mutation, plus perdus encore, il y a souvent les plus petits,  les PME, TPE, et leurs dirigeants.

Mais au faite, nos dirigeants, nos leaders souffrent-ils, stressent-ils eux aussi, de ces crises et de ces ruptures de civilisation ? C’est un sujet tabou par excellence, y compris dans nos études statistiques peu intéressées par le sujet. Il est aussi étonnant de constater que les plus grands auteurs qui planchent sur la question des RPS, comme par exemple, Christophe Déjours[1] ne s’intéressent qu’aux salariés, « eux qui subissent le stress ». Aucune n’étude n’existant sur le sujet et, témoin de ce malaise, c’est pour cela qu’Olivier Olivier TORRES, spécialiste du management des PME, a créé « l’Observatoire Amarok » de la santé des dirigeants, et plus spécialement, de PME et TPE.

Pour cet universitaire, « les spécialistes de la souffrance au travail considèrent que la souffrance au travail  résulte d’un état de domination. Le patron étant le « dominant », il ne peut pas souffrir »« De leur côté, les dirigeants de PME sont prisonniers de l’idéologie du leadership qui ne cesse de donner du dirigeant une image narcissique de lui-même. Le dirigeant est un « leader », un « winner », un « battant »… il ne peut donc pas souffrir ! ».

Et pourtant, les premières études de cet observatoire sont édifiantes : « La souffrance patronale est une réalité méconnue et pourtant réelle. Il suffit d’être attentif aux cas de « burn-out » qui peuvent parfois dégénérer jusqu’au suicide…

Et effectivement…, on dénombrait en France deux suicides de dirigeants de PME-TPE par jour en 2012 ![2]

Oui, au bout de la chaîne et sous le rouleau compresseur de la globalisation, il y a l’individu qui souvent subit le plus, mais aussi nos dirigeants, nos leaders et nos nouveaux « global managers » sont aussi parfois fragilisés.

D’où l’importance réaffirmée de trouver dans le développement personnel, un levier majeur de transformation managériale, à la fois comme protection et comme levier de performance, dite « durable »…

La suite dans mon prochain livre … à paraître en 2014 avec DUNOD et Inter-éditions

Pierre-Marie



[1] Psychiatre et spécialiste du travail, a mené de de nombreuses recherches sur la souffrance au travail ( il est notamment l’auteur de « Souffrance en France » – éditions du Seuil -1998

[2] Olivier TORRES, universitaire, spécialiste du management des PME et fondateur de l’Observatoire Amarok.